Chapitre 1: Si j'avais su

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Aaron

***

-"Jeune homme ? Concentrez-vous et décrivez-moi la scène."

Je cligne des yeux, l'instant suspendu entre le passé et le présent, le poids de la réalité qui m'écrase. Assis là, dans mon salon, sur ce canapé blanc trop propre, un policier me fixe. Son regard, un mélange de compassion glacée et de sévère indifférence, me transperce.

-"Je... je rentrais du lycée... mes parents m'ont dit que Stacy pleurait dans la salle de bain..." La première larme. Elle tombe sans prévenir, roulant lentement sur ma joue, et je la laisse faire. Il faut bien que ça sorte. "Ils m'ont demandé d'aller voir ce qui se passait..."

Je parle, mais la scène défile encore, comme un film que je ne peux pas éteindre.

"Chéri, s'il te plaît, va voir si elle va bien, c'est ta sœur après tout."

Ma mère, dans l'entrée, m'adresse un regard inquiet, les mains tremblantes comme si elles cherchaient quelque chose à faire.

"Ne t'inquiète pas, elle a 13 ans, elle s'est sûrement disputée avec une de ses copines."

Je souffle, sans conviction. Mais par habitude, je me dirige vers la salle de bain. Le bruit de l'eau qui coule me guide, écho d'un calme qui ne correspond pas à l'urgence que je ressens.

J'arrive sur le palier, en face de la porte. Je l'appelle doucement, mais c'est comme crier dans le vide.

"Stacy ?"

L'eau. Toujours l'eau. Le murmure de l'eau qui coule, sourd et froid. Peut-être qu'elle prend juste un bain, après tout. Elle m'a dit qu'elle voulait se détendre.

"Passe dans ma chambre après, j'ai un truc pour toi."

Je souris, en me disant que ce cadeau, prévu pour son anniversaire demain, pourrait lui redonner un peu de cette lumière qu'elle portait en elle. Mais plus je l'appelle, plus le silence me frappe, de plus en plus lourd.

"Stacy ?"

Toujours rien. Le stress monte, me brûle les entrailles.

"STACY ?"

Mes doigts s'agitent, frappent la porte, d'abord lentement, puis avec une urgence frénétique.

"STACY !!! STACY !!!"

La peur. Je la découvre ce jour-là, véritablement. Elle n'est pas qu'un mot. Elle a un goût, un parfum acide, quelque chose qui vous dévore de l'intérieur.

Je sens mes jambes se faire lourdes, mon cœur battre à tout rompre. Et soudain, la porte cède sous mes coups, emportée par l'adrénaline.

"STACY !!!"

Dans la pièce, l'air est glacé. Une scène figée, comme si le temps avait pris une pause juste pour me montrer cette image : sa petite silhouette, noyée dans l'eau, son corps sans vie qui flotte dans la baignoire.

Je me précipite vers elle, mais tout semble flou, comme si mes yeux ne pouvaient accepter la réalité. Le sol est jonché de flacons de médicaments vides. Le poison n'est plus qu'une poussière.

"Stacy... Stacy... qu'est-ce que t'as fait..."

Je veux pleurer, mais mes yeux sont secs, mon cœur trop lourd pour cela. J'ai mal, c'est tout. Trop de mal.

Je la serre contre moi, son corps sans chaleur, et je me précipite dans les escaliers. Elle pèse une tonne. Elle pèse tout.

Quand mon père arrive, il ne voit que son petit ange. Stacy. Mais lui non plus, il ne comprend pas tout de suite. La vue de son corps sans vie, il la reçoit en plein cœur. Le vase se brise, l'éclat du verre déchirant le silence de la pièce.

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