Kairos, Le Moment Opportun

Un début à tout

Retourné à Amyclées, Élien passe les jours suivant le drame à faire son deuil. Mais pas que celui de ses parents, celui de son ancienne vie aussi. En effet, il en est convaincu, Athènes en paiera le prix fort quoi qu'il en coûte. Actuellement, un seul problème lui barre la route : la ferme. Que faire de celle-ci ? Il ne peut pas l'abandonner. C'est la seule chose qu'il lui reste de ses parents. Il se gratte la tête, assis sur la souche d'un cyprès. Le vent fait plier les arbres. Un oiseau piaille et s'envole pour échapper à la branche qui le menaçait. L'animal s'éloigne dans le ciel alors que le regard du jeune s'attarde quelques secondes de plus. Il remarque les nuages sombres s'accumulant : un orage d'été se prépare.

- Réfléchis bon sang, murmure-t-il.

Je suis en train de prendre 40 ans à réfléchir pendant que des monstres consanguins errent sur ces terres.

Une goutte d'eau s'abat juste devant sa sandale. Au début, il ne bronche pas. Cette foutue pluie, attendue depuis si longtemps par les grecs, tombe seulement quelques jours après la mort de ses parents.

Sérieusement ? C'est une blague ? Maintenant ?

La colère laisse place à la tristesse. Celle-ci lui serre la gorge. Une autre goutte d'eau tombe sur le sol mais cette fois-ci, ce n'est pas la pluie. Élien frotte ses paupières fermées avec la paume de ses mains puis se ressaisit avec une expiration salvatrice. Hélas, les gouttes s'épaississent, l'obligeant à se mettre à l'abri. Il marche d'un pas décidé et ferme la porte. Tout est si calme dans la maison. On peut entendre les craquements du bâtiment et la pluie frapper le toit. La solitude, un sentiment encore peu expérimenté, entre en scène.

J'ai besoin de voir cette ferme vivante, avec des gens. Des gens.

Une idée lui vient. Pourquoi ne pas prêter la ferme à une famille de paysans qu'il connaît ? Elle pourrait y travailler et récolter les revenus de celle-ci sans devoir la vendre. Décidé, il sort et claque la porte. Il se dirige vers la ferme voisine, une très ancienne propriétée gérée par des amis de sa famille. Le chemin de terre maintenant, boueux, tente de le ralentir mais ses appuis sont solides. Plusieurs fois, son pied, pourtant bien logé dans sa sandale, dérape mais systématiquement, son deuxième pied rattrape le coup. Une fois arrivé devant leur porche, il le traverse puis s'arrête devant la porte en bois. Sa main se lève, prête à toquer, mais il se stoppe. Tout ça va si vite, quand il toquera, il n'y aura plus de retour en arrière. Sûr de lui, Élien arme son poing et tape 3 fois de façon espacée. Le mari de la famille Pagoulidis ouvre la porte.

- Élien ! Que fais-tu dehors avec ce temps ! S'exclame l'homme.

Élien veut lui répondre mais le tonnerre gronde comme pour répondre à sa place.

- Allez ne traîne pas dehors, entre, propose-t-il.

Le jeune garçon accepte et salue la femme de monsieur Pagoulidis.

- Nous avons appris pour tes parents... Nous sommes sincèrement désolés. Que Chiron leur facilite le passage et qu'Hadès leur soit clément, lance-t-elle.

- Que nous vaut ta visite ? Continue le mari en se frottant les mains avec une serviette.

- Merci beaucoup, répondit Élien. J'ai tout simplement quelque chose à vous proposer. Je vais probablement partir à Sparte pour une durée indéfinie et personne ne pourra s'occuper de la ferme. Est-ce que ça vous intéresserait de vous en occuper ?

Le couple, surprit, se fixe.

- Bien sûr, tous les revenus générés vous reviendront, ajoute le garçon.

Le mari réfléchit quelques secondes.

- Pourquoi pas ! Tape-t-il sur la table. Nos vignes se portent mal, cela nous fera du bien.