Du changement dans l'air

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Alors même qu'Élien est en train de conclure une vente avec un marchand corinthien, un grand brouhaha survient depuis le centre de l'Agora. Tout le monde se retourne avec le même visage de questionnement et un artisan crie :

- Au voleur ! Il a pris mes bijoux !

Les gardes se ruent sur le brigand mais ce dernier est agile et parvient à se défaire des premiers gardes. Il se fraye un chemin, saute d'étale en étale, esquivant les hoplites mais casse de plus en plus de produits durant sa fuite. Élien, curieux, s'approche du tumulte et suit du regard le voleur qui se fait huer par les marchands mécontents. Avec sa cape grise et sa capuche, il se faufile parmi les passants qui tentent tant bien que mal de le freiner. Arrivé à la table d'un potier, il attrape un vase dans chacune de ses mains, sans même s'arrêter. Malgré son impressionnante vitesse, un garde parvient à le rattraper mais le mystérieux voleur lance un des deux objets sur le plastron du malheureux. La précieuse potterie se brise en milles morceaux dans un fracas plus impressionnant que violent. Son action lui permet tout de même de gagner une longueur d'avance. Le second vase est jeté sur un autre soldat qui tente de lui barrer la route quelques mètres devant lui. Ce dernier se protège avec son bouclier pour encaisser le choc, permettant ainsi au voyou de lui passer sous le nez.

Par Hermès, il est non seulement rapide mais agile !

Élien, qui assiste toujours à la scène, analyse la situation avec attention jusqu'à ce qu'une idée lui vienne en tête. Il cherche en deux temps trois mouvements par quelle sortie le brigand cherche à s'échapper.

Bingo ! Je t'ai eu petit malin.

Un cheval, tout seul, est accroché à l'entrée d'une ruelle. C'est, de plus, une sortie où les gardes ne sont pas postés.

- Mais, où vas-tu ? Demande son père.

Sans répondre, Élien court et se cache derrière le coin de la maison où le cheval est arnaché. Il attend patiemment que l'homme arrive chercher sa monture. Quelques instants de plus suffisent pour qu'il l'aperçoive en train de quitter l'Agora avec une dizaine de gardes, bien trop lents, à ses trousses.

Viens par ici, salaud, se réjouit-il.

Élien sort de sa cachette et saute sur le voleur pile au moment où il monte sur son cheval. Pour le faire tomber, le jeune grec attrape le cavalier par les jambes et le désarçonne. Rempli de désarroi, l'impudent crie de stupeur et tombe lourdement sur le dos. La poussière sur le sol se relève alors que l'homme se plie de douleur. Très vite, les hoplites arrivent au niveau du contact et s'occupent du voleur. Tout le monde autour le sait, c'est la dernière fois qu'ils voient cette personne en tant qu'homme libre. Un soldat s'approche du jeune fermier.

Il a un cimier différent des autres, c'est un officier, je suppose.

- Merci pour le coup de main jeune homme, tu es de quelle mora ? Lance-t-il.

Élien, décontenancé, répond :

- Aucune monsieur, je ne suis qu'un fermier d'Amyclées.

L'officier retire son casque et le scrute de haut en bas. Ses yeux sont perçants comme ceux des rapaces et ses traits de visages durs, comme le fer. Il doit probablement avoir la quarantaine et semble avoir vécu de nombreuses escarmouches selon les cicatrices qui en témoignent sur ses avant-bras et sur sa joue.

- Nikos, dit-il en lui tendant la main. Je suis énomotarque.

Il est donc un vétéran de l'armée spartiate.

- Élien, monsieur, dit-il avec humilité.

- Pour te remercier, tu devrais passer à la caserne. On pourrait avoir besoin d'hommes comme toi, puissants et courageux, propose-t-il.

Kairos, Le Moment OpportunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant