Kairos, Le Moment Opportun

Une issue

- Petits merdeux ! S'écrie un citoyen spartiate. Revenez par ici !

Trois jeunes hommes prennent leurs jambes à leur cou tout en rigolant.

- On l'a bien baisé ! Ajoute un des garçons.

Parmi eux, Élien qui fixe le sac de son ami.

- Tu as réussi à choper quoi, Denys ? Demande-t-il entre deux respirations.

- Des raisins et un poulet, répond-t-il. J'ai aussi une gourde mais je sais pas ce qu'il y a dedans.

Élien se retourne.

- C'est bon les gars, on l'a semé.

Le petit groupe s'arrête sous un olivier pour trouver un coin d'ombre.

- J'y crois pas, enfin la pêche a été bonne, dit Anaximène.

Ils ont tous les trois une faim de loup qui leur ronge les entrailles. En effet, ils sont sous-nourris depuis plusieurs semaines pour les pousser dans leur dernier retranchement. Le vol est une façon de survivre et faisait implicitement partie de l'entraînement mais il ne faut pas se faire attraper. Denys ouvre le sac et sort leurs précieuses victuailles.

- J'y crois pas que tu aies réussi à lui prendre son poulet au nez et à la barbe alors même qu'il cuisait, dit Anaximène en rigolant.

- Vous auriez dû voir sa tête ! Il avait envie de me déplumer comme son poulet !

Ils rigolent ensemble et commencent à se remplir la panse. Élien attrape la gourde entre deux bouchées et avale une gorgée. Son visage s'illumina.

- Par Dionysos, c'est du vin !

- Passe le moi !

Denys attrape la gourde et quand Anaximène se rend compte qu'il a l'intention de l'engloutir, il lui fonce dessus.

- Donne-moi ça, sac à vin !

Élien éclate de rire.

- C'est bon les gars, il y en aura pour tout le monde.

Soudain, son regard s'arrête sur une caravane qui entre dans Sparte.

- C'est marrant, je savais pas que les marchands athéniens avaient encore le droit de venir ici.

- Des Athéniens ?

- Oui, je le vois à leur tenue. Ça n'existe pas ici. Surtout que l'un des gardes a un bouclier typique de cet endroit.

- Venez, de toute façon nous devons assurer la garde de l'Agora dans une heure.

Posté devant le siège des cinq éphores, Élien reste concentré malgré le soleil écrasant qui frappe son casque corinthien. Le rembourrage en lin n'aide pas non plus mais sans cela, sa peau aurait brûlé sur le bronze. Il ajuste les cordes de son linothorax : son plastron en cuir. Puis, il resserre son protège-bras droit et ses cnémides, c'est-à-dire ses protèges-tibias. Son bouclier en bois repose sur son épaule grâce au fait qu'il est grand et creux. Une encoche en bronze permet de faire passer l'avant-bras gauche à l'intérieur pour porter le bouclier. Une poignée constituée d'une corde permet à la main gauche de déplacer l'écu à sa guise. Sa main droite tient sa lance, autrement dit sa dori. Élien adore regarder la pointe de fer en forme de saule quand il n'a rien à faire. Pour l'instant, la matinée est plutôt calme. Seuls quelques enfants un peu trop joueurs sont venu perturber le jeune homme. Soudain, il remarque au loin la caravane qu'il avait aperçu un peu plus tôt.

Bizarre.

Celle-ci tourne au coin de la rue et se dirige vers lui. Il échange un mot avec son camarade posté avec lui pour l'avertir du dérangement.