Kairos, Le Moment Opportun

La Pythie

La prestance naturelle du complexe divin impressionne quiconque désire s'y aventurer. Croyant ou non, la beauté architecturale et artistique des temples, statues, jardins et autres, rentre dans la tête.

- Bienvenue à Delphes, pélerins ! Crient des prêtes à l'entrée. N'hésitez pas à laisser quelques pièces pour vous octroyer les bonnes faveurs des dieux !

- Voleurs, murmure Élien.

- Tais-toi, répond Cléo en lui tapant l'épaule. Tu vas nous attirer des ennuis.

La cité étant en flanc de montagne, des escaliers ont été construits ci et là pour offrir accès au domaine divin. Les deux amis marchent le long de la voie sacrée, la voie principale qui serpente et traverse Delphes. Une statue en l'honneur de la victoire athénienne à Marathon insuffle un vent de courage à Élien qui est étonnamment anxieux. Aux abords, les temples défilent tout comme les salles aux trésors. Le plus remarquable d'entre elles ; celle des athéniens. Une bonne dizaine d'hommes en armure lourdes en gardent l'entrée.

- C'est magnifique, commente Cléo.

- Tous les hommes et femmes de toute la Grèce s'y rendent. Même les étrangers adorent s'y recueillir, lance Élien. Hélas, les politiques y voient un grand moyen de renforcer leur pouvoir.

- Oui, mon père s'est rendu plusieurs ici. Je doute que ce soit simplement par ferveur religieuse.

Un grand homme avec une capuche élance ses bras de droite à gauche alors qu'il est monté sur une stèle en marbre.

- Mes condisciples ! Deux prières pour le prix d'une !

Élien fixe Cléo avant de tirer un large sourire complice.

Impossible de poser les yeux partout, le nombre de temples et d'édifices pour la gloire d'antan est incalculable. Le sanctuaire d'Apollon se dévoile enfin derrière son mur impressionnant. Avec ses 60 mètres de long, ses peintures décoratives, ses colonnes doriques et ses détails architecturaux, le dieu de la lumière et du chant a de quoi faire jalouser ses semblables.

- C'est la file ça ? S'inquiète Élien.

Une ribambelle de personnes s'agglutinent devant le temple.

- On dirait bien. Comme tu as dit, beaucoup de personnes viennent ici. Surtout pour consulter la Pythie.

Élien s'éloigne et remonte la file. Cléo tente de l'arrêter mais personne n'ose lui tenir tête. Ses muscles saillants et sa taille convainquent la plupart et les autres se rangent quand ils voient l'armure sombre du grec.

Après avoir soudoyé le garde, il entre avec son amie. Celle-ci reste au fond et observe l'environnement. Coussins et tapis recouvrent le sol alors qu'une odeur de cire mélangée à des odeurs florales se dégagent d'encensoir. Une certaine brume recouvre la salle et vient happer les clients anxieux. En quelques secondes, les narines se dilatent et les muscles se détendent. Élien marche lentement alors que son armure émet des cliquetis lorsque le métal s'entrechoque. Il aperçoit une femme, à peine recouverte d'un tissu, complètement ailleurs. À vrai dire, elle est plutôt ideuse mais Cléo lui a appris d'être plus gentil envers les gens. En effet, une éducation entre garçons et sans sœur ne lui a appris que la rigueur et la franchise sans détour.

- Que veux-tu ? Un proche mourant a besoin d'aide ? Manque d'argent ?

En disant ces mots, elle ne l'a même pas encore regardé.

Élien respire profondément avant d'articuler méticuleusement :

- Qui. Suis-je.

La femme, surprise par la question, accorde son regard. Rapidement, ses yeux s'écarquillent.