Kairos, Le Moment Opportun

Des interrogations

Agathe fixe sa fille avec plein d'amour. Elle sait qu'elle est devenue trop vieille, trop tendre pour batailler. Il y a encore 3 ans, elle n'aurait jamais été capturée. Et si c'était le cas, elle aurait préféré s'ouvrir les entrailles avec son xiphos. Hélas, depuis que sa fille est revenue dans sa vie, elle ne peut se résoudre à cet ultime sacrifice. Heureusement, elle a réussi à s'échapper de Sparte en brisant ses liens. Une force surhumaine et une furtivité digne d'un voleur semblent avoir leur utilité dans plus de situations qu'on ne le croit.

- Je vais rejoindre ton père à Chios.

Cléo se retourne. Elle ne paraît pas surprise, au contraire.

- Je me demandais quand tu allais passer le cap.

Sa mère, surprise mais pas totalement, lui rend un tendre regard.

- Il faut que je rattrape les années perdues avec ton père. Que nous vivions enfin ce que nous méritons de vivre.

Cléo acquiesce.

- Les Amazones qui restent sont sous tes ordres. Utilise les sagement, elles méritent de mourir sur un champ de bataille.

La fille rigole légèrement à cette remarque.

- Très bien. Tu pars quand ?

- Demain matin, aux premières lueurs.

Une partie du cœur de Cléo se resserre. Un attachement s'est créé au fil du temps.

- Je te pardonne, maman.

Agathe n'a pas besoin de demander plus de précisions. Quelques lames ruissellent sur sa joue mais elles sont vite effacées par leur étreinte. L'autre partie du cœur de Cléo se réjouit pour elle. Enfin, sa maman va connaître joie et amour.

L'amour... Celui que je n'ai pas.

- Va retrouver le garçon qui te plaît, rajoute Agathe.

Cléo affiche un étonnement plutôt visible car sa mère enchaîne.

- Je le vois à ton regard, ma fille. Ce garçon n'est pas ici car tu n'es pas heureuse.

- L'aimer, c'est trahir Athènes.

- Athènes s'est déjà trahie elle-même. Et je ne parle pas de la guerre avec Sparte.

- Comment ça ?

- Ma fille, tu ne te demandes pas comment en deux ans, la ville s'est remise sur pied ? Comment notre armée et notre flotte sont déjà quasiment remises ?

Cléo attrape une chaise et s'assied avec sa mère. Le patio offre une lumière douce qui réchauffe le visage par rayonnement.

- Athènes a augmenté le tribu demandé aux cités grecques de la ligue de Délos. Par la force ! Plusieurs cités ont été rasées pour que les autres plient le genou. Athènes n'est pas la cité parfaite et démocratique que tu penses. En plus d'être un gouvernement autoritaire pseudo-démocratique, l'ambition dévorante des dirigeants risquent de se retourner contre eux.

La jeune aristocrate grecque se rend compte que sa mère marque un point.

- À vrai dire, je n'avais jamais fait attention. Mise à part le fait que les citoyens les plus pauvres sont exploités comme rameurs dans les trières de guerre.

- Les dirigeants actuels sont avides de pouvoir. Qui sait s'ils ont un lien avec la guerre contre Sparte ? Je sais que tu cherches des réponses. Peut-être les trouveras-tu en les questionnant.

Léandros ? Tu me dois des explications.

- Merci, maman.

Sa mère lui sourit et lui caresse la joue, puis se lève et s'en va faire ses bagages.