Âme fatale

Chapitre 23 : Le manoir Zabini

Le lendemain matin, Harry fut tiré de son sommeil par l'ouverture de la porte de leur cellule. Il avait bien dormi, mieux qu'il n'ait jamais dormi aussi loin qu'il s'en souvienne, mais ses réflexes d'enfance revinrent vite et il sursauta, échappa aux bras qui l'avaient bercé ces dernières heures et fut sur ses pieds pour faire face à l'intrus. Jasper fut debout tout aussi vite, pris dans ses souvenirs. Si la présence de son âme-sœur lui avait permis de les chasser dans la nuit, son éloignement et l'intrus les ravivaient.

Le vampire se tendit jusqu'à ce que la personne se présente : Kingsley, qui les invita à le suivre. Ils traversèrent le couloir pour se rendre dans son bureau et le lieu renvoya d'autres souvenirs au vampire qui serra les dents, cachant son trouble tant bien que mal. Aucun des sorciers ne réagit et le ministre leur fit signe de s'asseoir. Sur le bureau quelques scones attendaient Harry et une bouteille de sang tiède était disposée pour Jasper. Tous deux furent heureux de se restaurer, le jeune homme car il avait négligé ce besoin primaire ces derniers jours, le second pour calmer son vampire.

"Nous avons trouvé une solution qui j'espère vous satisfera, débuta Kingsley. Vous allez vous installer dans le manoir Zabini, le domaine contient une forêt où votre famille et vous pourrez trouver de quoi vous nourrir. Le professeur Flitwick va s'assurer que seul vous, monsieur Hale soyez empêché de quitter le domaine. Vous ne pourrez pas en sortir avant que l'enquête sur les événements ayant entraîné l'incendie du square et votre part de responsabilité n'aient été établis. Des questions ?

- Qui est le propriétaire actuel du manoir ? demanda Harry qui n'avait pas vraiment envie de croiser d'anciens mangemorts.

- Blaise Zabini, depuis la mort de sa mère, il est son seul héritier. Il a été prouvé qu'il n'a jamais rejoint les rangs des mangemorts et il n'y a aucun artefact de magie noire dans le manoir."

Le soulagement du jeune sorcier surprit Jasper, mais il ne posa aucune question. Sa main était crispée sur la bouteille vide, il ne souhaitait qu'une chose, quitter ce bureau. Il forçait son regard à éviter ceux des portraits, un en particulier, il savait que le Major prendrait le contrôle s'il croisait ce regard avide, mais dépourvu, de pouvoir.

Le temps lui sembla long alors qu'il n'écoutait plus la conversation entre Harry et le ministre, toute sa concentration était mobilisée pour empêcher le Major de remonter à la surface et d'exploser de rage face à ce regard. A l'époque, l'homme était dissimulé sous une cape noire, mais ses yeux... jamais il ne les oublierait.

L'ouverture de la porte sortit Jasper de ses pensées, il se tourna vers le nouvel arrivant, les nerfs à vif, mais ne sut pas comment réagir en découvrant monsieur Weasley, un oreiller à la main. Il comprit cependant de quoi il retournait lorsque l'homme leur tendit l'oreiller et que le ministre et Harry posèrent leurs mains dessus. Il n'hésita pas avant de les imiter, il avait déjà expérimenté ce genre de déplacements, il n'aimait pas ça, mais il savait qu'il ne risquait rien : ni d'être blessé, ni de perdre le contrôle.

Ils arrivèrent dans un parc face à un immense lac. Derrière eux s'élevait un grand manoir en pierre dont la forme vue du dessus ressemblait à un flocon, trois grandes tours marquaient les intersections de certaines branches. Le toit couvert d'ardoises semblait refléter les vaguelettes du lac tout en se mêlant au vert bleuté de la canopée qui s'étendait derrière la bâtisse et sur les flancs des montagnes qui encadraient le domaine.

Les Cullen, Flitwick et un jeune homme noir avec des pommettes hautes et des yeux en amandes attendaient devant la porte du manoir. Harry se renfrogna en voyant le comité d'accueil, mais ne perdit pas de temps et marcha vers le groupe, suivi par les autres arrivants.

"Zabini, déclara Harry en tendant sa main au jeune homme.

- Potter."

Le mélange d'animosité, de respect et de curiosité qui passa entre les deux sorciers lorsqu'ils se serrèrent la main intrigua Jasper qui rangea l'information dans un coin de sa tête. Il se concentra sur les échanges, sur son contrôle. Flitwick confirma que les barrières étaient en place et Zabini décrivit où elles se situaient.

"De toute façon, tu verras comme une vitre se matérialiser devant toi avant de l'atteindre, évite juste de la toucher." conclut le propriétaire des lieux.

Kingsley promit de les tenir au courant des avancées de l'enquête pour l'incendie, retira les menottes de Jasper et partit.

"Excusez-moi." dit l'empathe dès que le ministre et les autres sorciers, à l'exception de Blaise et Harry, soient partis.

Il se mit à courir dans la forêt derrière le manoir, il alla en ligne droite, la barrière se dessina devant lui, il tourna à gauche et longea la barrière jusqu'à ce que la forêt et la montagne se jettent dans le lac. Là, il trouva une jetée qui avançait de quelques mètres au-dessus de l'eau et semblait flotter à presque dix mètres au-dessus de la surface. Il marcha sur les planches et s'assit au bout du ponton, les jambes battant dans le vide, l'air caressant son visage et aucune pensée ne traversant son esprit. Il ne ressentait plus rien, plus aucune émotion, à part de l'apaisement. Le Major s'était calmé alors qu'il s'éloignait du groupe et de leurs sentiments, la curiosité blasée de Zabini, les émotions conflictuelles d'Harry, celles soulagées et inquiètes de sa famille... et les siennes. Là, la sensation du vent sur sa peau, celle de l'air pur qui entrait dans ses poumons, celle de l'immensité autour de lui le saisirent. Il prit plusieurs grandes inspirations, laissa le soleil faire briller sa peau et réalisa enfin ce qu'il laissait derrière lui. Il n'était pas encore libre, mais il n'était plus cloîtré entre quatre murs, il était maître de ses mouvements et de ses pensées. S'il avait pu, il aurait pleuré à ce constat.

Il retira ses vêtements pour se retrouver en boxer et plongea dans l'eau. Il ne pensa pas aux créatures qu'il pourrait rencontrer dans le lac, déjà parce qu'il était immortel et ensuite parce que la sensation de libération qu'il ressentit à ce moment-là lui fit oublier qu'il était dans un monde magique peuplé de dangers dont il n'avait pas idée.

Harry le regarda partir, inquiet, se demandant s'il allait chercher une faille dans la barrière ou un endroit pour que le Major prenne le contrôle sur lui, mais il fut vite rassuré par Edward.

"Il veut juste profiter de l'extérieur quelques temps, il ne compte pas chercher à s'enfuir.

- OK, on rentre ou on l'attend là ?" demanda alors le Survivant.

Tous acquiescèrent et Blaise leur montra le chemin. Il était un homme de peu de mots et ne décrivit chaque endroit qu'avec le minimum d'informations nécessaires. Tout d'abord, il les guida jusqu'aux deux ailes du manoir qu'ils allaient occuper, chacune avait trois chambres avec salle de bain adjacente et une petite terrasse commune. Il les amena ensuite aux parties communes : la grande cuisine américaine qui donnait sur un salon immense et lumineux. Dans un coin de la pièce, une grande cheminée éteinte dégageait une odeur de feu de bois. Une porte dans un coin menait au petit salon lui-même accolé à une immense bibliothèque. Les deux salons donnaient sur un jardin potager. Enfin, il leur désigna ses appartements privés en leur demandant de respecter son intimité et de ne pas s'y rendre.

"Et, Potter, au cas où tu te poses la question, le Ministère a déjà tout fouillé.

- T'en fais pas, j'ai autre chose à faire que de fouiller dans les affaires des autres. Les miennes sont déjà bien assez compliquées. Je vous laisse, j'ai à faire." ajouta-t-il avant de transplaner.