Chapitre 25 : On ne peut pas lutter contre la gravité

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Harry s'était retenu de glisser sa main dans celle de Jasper, et quand le vampire s'assit sur une chaise longue face au lac, les jambes de part et d'autre du siège, le dos contre le dossier, il resta debout. Timide, maladroit, incertain, Harry voulait le rejoindre, il ne s'était jamais senti aussi bien que dans ses bras, mais ne pouvait pas mettre en sourdine sa crainte de revoir le Major apparaître. Plus le temps passait, plus il en venait à détester le vampire qui l'avait brutalement plaqué contre le mur à plusieurs reprises, et plus il rêvait que Jasper le fasse et lui fasse subir les derniers outrages. Il avait l'impression de perdre la tête.

"Tu sais que je ressens tes émotions ? demanda l'empathe avec un petit sourire en coin.

- Mouais, pas comme si je pouvais les contrôler."

L'inconfort d'Harry augmenta et Jasper perdit son sourire.

"Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, s'excusa-t-il tout de suite. Quoique tu aies envie de faire, je ne te repousserai pas. Si je ne viens pas vers toi, c'est pour ne pas te brusquer, je t'ai fait assez de mal comme ça."

Le sorcier sentit ses barrières finir de tomber et son esprit lâcher prise. Lorsqu'il avait vu Hermione en fin d'après-midi, elle lui avait rappelé à quel point la magie de deux âmes-sœurs pouvait être forte, que lutter contre ce lien était comme lutter contre la gravité : impossible et dangereux. Avec timidité, il s'approcha de Jasper et s'assit entre ses jambes, son dos s'appuya contre le torse ferme alors qu'un soupir de contentement lui échappait.

Le vampire inclina un peu plus le dossier, referma ses bras autour de lui et les entraîna dans une position semi-assise.

Ils restèrent longtemps ainsi, les yeux dans les étoiles, Harry qui jouait avec les longs doigts blancs et qui caressait la peau de son bras de sa main libre. Ils étaient bien, apaisés, leur lien contenté.

La nuit se fit noire et les températures tombèrent.

"Tu veux rentrer ? chuchota Jasper alors que le sorcier commençait à frissonner.

- Tu viens avec moi ?"

A moitié endormi et plus détendu qu'il ne l'avait jamais été, Harry n'avait aucune envie de quitter les bras du vampire. Cependant, il s'éloigna de lui et se tourna pour le regarder quand seul le silence lui répondit.

"Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je, je préfère rester dehors. Avant aujourd'hui, je n'avais pas pu sentir le vent sur ma peau ou voir les étoiles depuis dix-neuf ans."

La voix du vampire était lointaine, son regard fixé sur la lune et des ombres des souvenirs des tortures qu'il avait subies dansaient dans ses yeux.

"Tu pensais avoir vécu l'enfer ? Je vais te montrer ce qu'est l'enfer si tu ne réponds pas à mes questions." La voix résonna en lui tout comme elle l'avait fait lorsque la phrase avait été prononcée. Il ne connaissait pas les réponses, et il revit cet homme sadique faire couler quelques gouttes d'un liquide noir sur la dague d'un couteau avant de venir vers lui et de le couper. La lame s'enfonça dans sa peau entre ses côtes pour l'ouvrir jusqu'à son estomac. Il se souvint de la brûlure, de la douleur et des mots de son tortionnaire.

¨Il n'y aura plus que comme ça que tu verras les étoiles

En effet, plus la brûlure s'était intensifiée, plus des étoiles s'étaient allumées dans sa prison lugubre, mais son tortionnaire avait eu tort, il pouvait observer celles du ciel à présent.

Une caresse aérienne sur sa joue le ramena au présent. Il se retint juste à temps de virer cette main qui le touchait, mais son regard se posa sur Harry et les émeraudes inquiètes chassèrent ses douleurs fantômes.

Dès qu'il fut sûr que Jasper l'avait reconnu, Harry s'avança vers lui et posa avec douceur ses lèvres sur les siennes. Ce fut pour tous deux comme s'ils pouvaient enfin respirer après une longue apnée. Le vampire posa sa main sur les reins d'Harry alors que celui-ci se mettait à jouer avec ses cheveux. Le baiser avait été aérien, presque une caresse, mais avait chassé les démons de l'empathe de manière efficace.

Ils gardèrent quelques secondes leurs lèvres à moins d'un centimètre de celles de l'autre, avant de se rencontrer pour un nouveau baiser papillon. Jasper appuya avec légèreté sur le dos du jeune homme pour qu'il se colle à lui, mais Harry se recula.

"Sois patient." chuchota le sorcier en se retournant dans ses bras pour s'appuyer à nouveau contre lui.

Jasper referma ses bras autour de son torse et lui embrassa le cou. Il était ravi de la tournure des choses et tout prêt à attendre. Harry avait des papillons dans le ventre, et un début d'érection, émotions qui firent sourire l'empathe contre sa peau. Un frisson le secoua et le ramena à la discussion qu'ils avaient peu de temps auparavant. Il prit sa baguette dans sa poche et métamorphosa un des coussins de la chaise en une épaisse couette dont il se couvrit. Jasper sourit, heureux que Harry décide de rester dehors avec lui.

"Tu es resté dehors toute la journée ? souffla le jeune homme.

- Oui, sur le ponton à la limite de la barrière. Et toi, t'as fait quoi ?

- Je suis allé voir les dégâts chez moi, puis au bureau des aurors pour voir comment l'enquête avançait et j'ai retrouvé des amis.

- Désolé pour ta maison...

- Non, ne t'excuse pas. C'est l'occasion de se débarrasser de vieilleries. J'ai pu récupérer les affaires auxquelles je tenais le plus. Je les ai déposées chez Ron et Hermione.

- Tes amis ?

- Oui.

- Tu peux me parler d'eux ?¨

Jasper avait senti la tristesse émanant du jeune homme lorsqu'il avait parlé de ses souvenirs se transformer en confiance et joie lorsqu'il avait mentionné ses amis. Il n'était pas assez stable pour encaisser la tristesse du jeune homme pendant une longue période, il devait déjà lutter contre son envie de faire Harry sien, de le marquer. Des émotions positives, en plus du bien-être que ressentait son âme-sœur dans ses bras, et le lien qui se formait par leurs discussions, l'aideraient à garder son contrôle.

Harry se sentait bien dans les bras du vampire et était heureux de lui parler de ses amis, il sentait que le lien se construisait entre eux et que parler soulageait un peu le besoin de contact physique avec son âme-sœur. Il raconta alors comment leur trio s'était formé et ce qu'ils avaient vécu ensemble. De fil en aiguille, il se confia sur ceux qu'il avait vu mourir, sur sa culpabilité et sur ses traumatismes de la guerre. Il expliqua en quoi il se sentait comme un imposteur, et à quel point il regrettait d'avoir dû tuer pour gagner. Il hésita au moment d'aborder l'après-guerre, mais Jasper l'encouragea à parler. En effet, sans y faire attention, le sorcier caressait ses avants-bras et ses flancs, calmant son vampire, et lui permettant d'encaisser ses émotions. Le vampire était aussi curieux de savoir ce que Harry avait vécu juste avant leur rencontre, cependant le sorcier ne fut pas dupe et sentit la tension dans le corps de Jasper lorsqu'il parla de George et de Ginny.

A chaque fois, il marqua une pause dans son récit pour déposer un baiser sur son cou, sur sa joue ou ses lèvres, si bien que Jasper finit d'allonger le dossier de la chaise de jardin, fit glisser Harry sous lui et se tint au-dessus de lui à quelques centimètres de son visage. Il avait envie de dévorer cette bouche, de découvrir ce corps qui le rendait fou. Il fut à deux doigts d'arracher les vêtements du jeune homme quand l'érection de celui-ci entra en contact avec sa cuisse, mais Harry réduisit la distance entre eux pour l'embrasser à pleine bouche. Tous deux gémirent dans le baiser, mais ce fut le seul échangé.

"Tu restes avec moi pendant que je dors ?" souffla Harry.

Il savait que s'il n'arrêtait pas d'embrasser le vampire à l'instant, il ne trouverait plus la volonté de le stopper et ils finiraient par faire l'amour sur cette chaise de jardin.

"Bien sûr, répondit Jasper qui, malgré sa déception, comprenait et respectait le choix du jeune homme.

- Je n'ai jamais aussi bien dormi qu'hier soir." chuchota à nouveau Harry en se tournant sur le côté.

Cette phrase fit chaud au cœur mort du vampire qui se glissa derrière son âme-sœur et le prit dans ses bras. Le sorcier s'endormit vite, plus serein qu'il ne l'avait jamais été.


Âme fataleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant