Chapitre 23

21 4 0
                                    


PDV Sacha.

Lorsque j'ai ouvert les yeux ce matin, j'ai été frappée par une sensation de malaise. Mon corps était lourd, ma tête bourdonnait, et les événements des derniers jours se mélangeaient en un tourbillon confus dans mon esprit. J'étais allongée dans le lit de ma chambre chez mon grand-père, une pièce qui me paraissait si familière mais à présent si inconnue. J’ai l’impression de remettre toute ma vie en question. Et c’est horrible. Je n’arrive plus à démêler le vrai du faux. Ce que je pensais être mes souvenirs, comment les concilier avec ma réalité actuelle ? La seule chose dont je suis persuadée, c’est que je suis bel et bien vivante. La détonation qui s’est produite dans cette pièce sombre venait du vieil homme… contre lui-même…
Je ferme fortement les yeux comme pour essayer d’oublier. Je n’ai jamais eu autant envie d’oublier. Peut-être parce qu’au final, ma vie était construite sur des mensonges.

Je me suis ensuite réveillée en sursaut au milieu de la nuit, trempée de sueur, encore prisonnière de mes cauchemars. Des fragments de mémoire de mon kidnapping. Par la personne que je considérais comme mon ami, Lex, Alexandre. Et je l'ai tué... Mais je suis en vie. Vivante. Mais à quel prix ? Une soudaine panique me saisie, si bien que j'en oublie la révélation dévastatrice que Mael, l'homme que je pensais aimer, que je pensais connaître, en qui j'avais confiance, était un criminel, tout comme mes parents avant leur mort.

Je ne veux voir personne. C’est trop douloureux. Pas même mon grand-père, qui me veille avec tendresse, ni Mael, dont la simple pensée faisait naître en moi une colère sourde et un chagrin immense. Je ne peux plus leur faire confiance, à aucun des deux. Parce que mon grand-père devait savoir depuis mon enfance et qu'il ne m'a jamais rien révélé, attendant que j'explose alors que mes souvenirs étaient enfouis si profondément en moi.

Les jours ont défilé dans un brouillard d'émotions. Je me suis plongée dans un mutisme obstiné. Mon grand-père respecte mon silence, se contentant de déposer des plateaux de nourriture à ma porte. Mael, lui, reste à distance, malgré ses tentatives répétées de me parler. Je ne peux pas encore affronter la réalité de ses mensonges. C'est trop dur. Trop dur.

Un après-midi, alors que la lumière dorée du soleil pénétrait à travers les rideaux tirés, j'ai entendu des voix dans le couloir. Je me suis redressée, le cœur battant. La porte s’est ouverte doucement, et Tori, accompagnée de Léo et Lyam, sont entrés. Leur présence m’a été d’un réconfort absolue, une ancre dans ma tempête intérieure.

— Tori... Ma voix sort rauque, brisée.
Elle se précipite vers moi, me prenant dans ses bras.

— Sacha, on est là. On est là pour toi. Murmure-t-elle.

Léo et Lyam s'approchent à leur tour, leur inquiétude palpable. Leur chaleur et leur soutien sont ce dont j'ai besoin. Lentement, les mots ont commencé à couler. Je leur ai raconté tout ce qui s'est passé, l'horreur du kidnapping, la révélation de Mael, et la vérité sur mes parents. C'est un soulagement de partager ce fardeau avec eux, même si je ne peux pas encore affronter Mael ni mon grand-père.

Tori semble la plus surprise. Et je comprends. Les jumeaux savaient, ils ont toujours su. Peut être pas pour moi, mais ils savaient pour Mael. Et ils l’ont laissé m’approcher. Cette trahison est dure mais celle-ci, je m’en remettrai.

Pendant deux semaines, j'ai continué à les ignorer. Mael essayait chaque jour de me voir, mais je me débattais, refusant de l'écouter. Mon grand-père, quant à lui, respectait encore une fois mon besoin d'espace, mais je sentais sa tristesse à chaque fois qu'il frappait doucement à ma porte sans obtenir de réponse.

Puis, j'ai finalement cédé. Mael s’installe sur le bord de mon lit. Son visage est marqué par la fatigue et la douleur. Cela reste un soulagement de le voir avec ses membres intacts, bien que je me force à les écouter. Je prends une profonde inspiration, rassemblant le peu de courage qu'il me reste pour cette confrontation avec Mael Clarke.

— Pourquoi, Mael ? Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? Ma voix tremble, mais mes yeux sont secs. J'ai déjà pleuré toutes les larmes de mon corps. Pas moyen sur je craque de nouveau.

Il baisse la tête, incapable de soutenir mon regard. Lâche.

—Je voulais te protéger, Sacha. Je savais que la vérité te ferait du mal.

— De quel vérité parles-tu exactement ? Celle sur notre passé commun malgré les cauchemars dont je t’ai parlé ? Ou bien le fait que tu sois un putain de marchand d’armes ? M’emportais-je

Il ne dit rien sur le moment, me laissant le temps de déverser ma déception.

— Je... Les deux. Mais dans les deux cas, Sacha, c'était pour te protéger.

C'est si facile à dire. Pour me protéger ? C'est ça ? Alors qu’ils n’ont fait que me blesser encore et encore, me brisant le cœur et l’âme. Sans que je ne puisse me préparer à ce qui allait m’attendre !

— Et tu as cru que le mensonge serait mieux ? Ma voix monta d'un cran, ma colère éclatant enfin. Tu as détruit tout ce en quoi je croyais ! J’avais confiance en toi !

Il n’avait pas de réponse à cela. Le silence s’étira entre nous, lourd de tout ce qui n’était pas dit.

— Je suis désolé, finit-il par dire. Tout ce que tu dois retenir, Sacha, c'est que tu es la personne la plus importante à mes yeux. Je ferai tout pour toi, peu importe si je dois me brûler les ailes.

Ce n’est pas ce que je demande. Loin de là. Il m’embrasse le front avant de partir de ma chambre. Je le laisse faire. Avant qu’il passe la porte, je lui murmure assez fort pour qu’il entende :

— J’aurai compris. Si c'était toi, j’aurai compris.

Le lendemain, c'est au tour de mon grand-père de faire face à ma colère. Il s'assit avec moi dans le salon, une tasse de thé fumante entre les mains. Ses yeux sont fatigués, mais déterminés. Comme moi. Je suis prête.

— Il est temps que tu saches la vérité, Sacha, commence-t-il. Ton père, ma fille... Ils ont été pris dans un monde dont j’aurai dû me retirer depuis longtemps. J'étais un traficant d'armes, autrefois. Mais quand ton père et ta mère ont été tué,  j’ai compris mon erreur. Il était deja trop tard pour les reparer.

Il continue son récit et j’en appris énormément sur mes parents, leur amour et la raison de leur mort. Celle-ci était due à une autre famille puissante : les Hernandez.

L’histoire est devenue tristement célèbre. Les deux familles étaient deux concurrents, ennemis dans le business du trafic d’armes. Pour s’entendre, la mère de Sacha, Rosalie, devait se marier au fils aîné des Hernandez. C’était une union forcée. Rosalie aimait déjà un autre homme : Johnatan O’Connell, le père de Sacha. Alors que Rosalie a appris qu’elle devait se marier, elle a également appris qu’elle était enceinte de Sacha. Ils l’auraient tuée pour avoir bafoué son honneur et sa dignité. Dans leur monde, une femme se doit de rester vierge jusqu’au mariage. Mon grand-père les a aidés à s’en sortir, malgré l’alliance rompue. Mon père a tué son concurrent, par, d’après mon grand-père, légitime défense. C’est pourquoi les Hernandez en veulent à ma famille. Leur seul héritier a péri.

Je l'écoute difficilement, le cœur lourd, assimilant cette nouvelle facette de notre histoire familiale.

— Pourquoi ne m'as-tu jamais rien dit ? Demandais-je l’air grave.

— Je voulais te protéger de cette sombre réalité. Quand Rosalie et Jonathan ont été tués, cela a été un événement si traumatisant que par instinct de protection, ton cerveau a décidé de tout oublier. Alors je t’ai élevé en me taisant. Je ne voulais pas que tu portes le fardeau de nos erreurs.

Je ressens de la colère, de la tristesse, et pourtant, un sentiment de compréhension commençait à émerger petit à petit. Assez pour pardonner ? Je ne sais pas encore.
Tori vient souvent à la maison et je passe le plus clair de mon temps avec elle. Ça fait du bien.

Au bout de ces deux semaines, j’ai fini par accepter, à contrecœur, que ceux que j’aimais avaient menti pour des raisons qu’ils croyaient justes. La route vers le pardon va être long et sinueux, mais pour la première fois depuis longtemps, je voyais une lueur d’espoir à l’horizon.

First VowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant