Première partie : Chapitre 1 → L'art d'éprouver de l'amertume

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  – Tout a commencé par ce beau jour de pluie du mois de septembre.

          Ah ! Ça y est, il recommence à me parler d'elle.

          J'espère qu'il me racontera toute son histoire d'une traite cette fois-ci.

– Il mouillait. Il mouillait tellement, mais cela n'empêchait pas mon père de vouloir faire ce qu'il souhaitait. Alors, ce fameux jour de pluie, il cria dans toute la cour « À la chasse ». C'était LE mot d'ordre à ne pas contredire. Pourtant, il y avait bien deux personnes qui ont pu échapper à cette règle : ma mère et moi. ... Ma mère m'apparaissait comme un bouclier à chaque fois que mon père rugissait ce mot qu'elle trouvait grossier.

          « Grossier ». Ça ne m'étonne pas d'elle. Après tout, c'était une noble.

          Elle était complètement détaché du monde qui l'entourait. Hormis quand cela concernait les femmes ; les enfant ; la mode ; les commérages et j'en passe et des meilleurs.

          Une sauveuse sans limites pour ces personnes ; une vraie charognarde pour les autres.

– Ce terme me faisait peur et j'étais bien content d'avoir ma mère pour me protéger.

          Je peux comprendre pour l'enfant que tu étais. Je pense que j'aurais pensé la même chose si j'avais été à ta place.

– Mais cette fois-là, elle ne l'a pas fait.

          Ah.

– Pour quelles raisons, ça je n'en sais rien. Je le devine mais c'est tout. ... En conclusion, à l'âge de mes dix ans, j'ai participé au jeu de mon père qu'était la chasse. A contre-cœur bien évidemment. Jamais je n'y serais allé de ma propre volonté. Mais apparemment, je ne pouvais plus l'éviter. Cela faisait des années déjà que je n'y prenais pas part – grâce à ma mère. Aujourd'hui encore, je ne la remercierai jamais assez de m'avoir protégé de toute cette cruauté jusqu'à l'âge de mes dix ans. Elle refusait catégoriquement que je ne sois encore plus mêlé au sang.

          En un sens, elle t'a bien protégé. Voire couvé.

– J'imagine que tu l'idolâtrais. Elle devait être une femme ravissante.

– Vois ça comme tu veux. Si c'est de l'idolâtrie pour toi alors c'est que c'est sûrement vrai. Et non, ma mère n'était pas une « femme ravissante » comme tu l'as dit. Elle était belle, gentille, sérieuse mais aussi manipulatrice et odieuse avec les personnes qui lui tournaient le dos ...

          D'accord. Ne revenons pas là-dessus. Cette femme, on l'a compris tous les trois, c'est une démone. C'est peut-être poussé un peu loin, mais ce n'est pas grave. Après tout, elle est morte ; on peut dire ce que l'on veut.

          Il ferme doucement ses yeux pour ensuite pousser un soupir long presque effrayant. Il prend son verre d'eau pour en boire une, deux, non cinq gorgées je crois. Il tient encore fermement le verre à moitié vide dans le creux de ses mains vieillissantes, près de son abdomen. Les coudes posés dans le fond des accoudoirs du fauteuil dans lequel il est assis.

          Le seul qu'il y a dans ce taudis. Moi, je suis assise dans une chaise à bascule.

          Malgré la pression et la peur que je parviens à déceler dans son visage, il continue à vouloir me narrer son histoire.

– Nous devions partir à la chasse courant automne. Seulement, une personne que nous ne connaissions pas, nous a dit que l'heure de la chasse était en avance, qu'il fallait si prendre tôt pour pouvoir passer l'hiver au chaud et bien rempli. ... En réalité, nous n'avions ni besoin de nous chauffer, ni de prévoir de quoi manger car nous avions tout pour nous. Mais mon père a préféré mentir en disant que c'était pour cela que nous commencions à tâter le terrain dès la fin du mois de septembre. Malgré notre apparence plutôt aisé, cette personne n'a pas fait de grandes différences entre une personne du village et notre véritable identité. J'en ai été stupéfait. Mais ce qui m'intriguait le plus c'était pourquoi nous devions mentir sur qui nous étions vraiment. Ce à quoi mon père a répondu : « C'est notre devoir de nous mêler à ces populaces que nous connaissons peu. Nous devons apprendre à les connaître pour ainsi pouvoir nous comporter comme eux et nous y fondre sans être repéré. Point à la ligne. ».

          Dit comme ça, on pourrait croire qu'il voulait avoir une relation de domination sur lui.

– Malheureusement, je n'ai rien trouvé à y redire mais je me rappelle que je trouvais ce qu'il m'avait répondu horrible. Je l'ai prise comme une leçon de morale ou une loi à respecter à la lettre. À croire que nous devions nous servir de ces gens comme de vulgaires objets ! C'était pour moi le sous-entendu que mon père voulait que je comprenne. Je trouvais cette façon de pensée ignoble et abject ; mais je n'ai rien rétorqué à celui-ci, connaissant très bien le type de punition dont j'aurais eu le droit.

          Oh ! Il doit me parler de torture. Après tout c'était extrêmement courant à l'époque de son père.

          Cela ne m'étonnerait pas qu'il ait fait subir ce genre de chose à son propre fils. C'était le profil typique du père tyran avec son enfant.

          En plus, il me semble avoir déjà vu quelques marques dans son dos. ... Peut-être qu'il le battait vraiment. Enfin, ça il ne me le dira jamais. Et je ne vais pas m'étendre sur ce sujet sinon je risque de le braquer. Et puis, je n'ai pas vraiment envie de savoir. Je préfère rester dans l'ignorance pour ce genre faits.

– Enfin bref ... Lorsque vint le jour de la chasse, c'est-à-dire fin octobre, ma nourrice m'habilla comme mon père. Un vrai désastre puisque je n'aimais pas du tout son style vestimentaire. Lui, il était plutôt dans le style costume avec de l'élégance alors que moi, j'étais plutôt dans un style d'artisan ou de jardinier avec de la boue et de la poussière sur moi. J'aimais me faire passer pour un pouilleux ! C'est vrai et je le reconnais.

– Ah oui ?! Ça m'étonne beaucoup vu que je ne t'ai connu que lorsque tu portais des costumes.

– Oui, je sais. En grandissant, j'ai troqué mon style d'enfant contre celui de mon père. Mais jamais je n'ai porté ses vêtements. Quelle horreur sinon !

– C'est vrai, ai-je rigolé.

          Ah ! Lui aussi a rigolé.

         Mais c'était un petit rire qu'il ne voulait pas laissé voir à la foule.

          Pas grave. Là-dessus, je dirai presque qu'il est assez pudique. Et ça me va même s'il se contente de s'esclaffer dans sa barbe.


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L'inconstance des SentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant