Nous venons d'arriver au village. Il doit être onze heures passé vu la chaleur qu'il fait, je pense. Comme à l'aller, cet homme m'a demandé de rester quelques instants avec lui dans la voiture même si nous n'étions pas encore à notre destination.
– Thalia ne t'a rien dit j'espère ?
– Dit quoi ?
– Sur ma rencontre avec ta mère.
Comme je ne savais pas quoi répondre à cette question inattendu, je lui ai sorti la réplique de sa mère : « Les affaires des hommes sont celles des femmes ; les affaires des femmes sont uniquement celles des femmes ». Lorsque je lui ai dit ça, il s'est mis à pouffer de rire. Je ne pensais pas le faire rire comme ça ; tout ce que je voulais c'était ne pas lui « oui » ou « non » car il aurait su si je mentais. Là, au moins, un doute planera.
Il ne s'arrêtait pas. Il ne s'arrêtait plus.
Au début je riais un petit peu avec lui, mais ça en devenait lassant. Enfin bref, je ne l'avais jamais vu autant rire aux éclats.
– Nous sommes arrivé à bon port messieurs ! cria le conducteur pour nous prévenir de notre arrivé.
Une fois que nous étions réellement arrivé au taudis, il me pria de l'attendre dans le jardin.
– Je dois aller faire un tour dans la maison. Ne me pose pas de question et va dans le jardin.
– Très bien. Mets-toi en marche et laisse-moi toutes les urnes.
– Non. J'en prends ...
– Tu es incapable deux faire deux choses en même temps, lui ai-je crié au nez. Marcher avec ta canne est déjà une épreuve pour ta grosse carcasse, alors si en plus de ça tu dois porter deux urnes et ce que tu vas chercher ta chose dans ta maison, alors je ne donne pas chère de ta peau.
Pour une fois, il m'a écouté et il est parti en me laissant les cendres.
Pendant ce temps, je suis allé derrière la maison sans pourtant y entrer. J'ai emprunté un petit chemin de cailloux sur le côté de celle-ci. Je l'ai attendu dans le jardin quelques minutes tout au plus avant qu'il ne me rejoigne difficilement par la petite allée où je suis passé. Je l'ai laissé porté ce qu'il tenait par pitié pour lui. Rien de plus.
Il avait les yeux rouges et un peu gonflés. Il a dû chialer en regardant cet objet à l'intérieur de ce pochon.
– Allons au fond du jardin tu veux. Et dépassons la petite clôture blanche.
– Pourquoi ? Je croyais qu'il y avait quelqu'un qui voulait me voir ici. Chez toi.
– Oui. Et il se trouve dans la forêt qui m'appartient. Il faut qu'on aille à sa rencontre car il ne sortira pas de là-bas de son plein gré.
– Comment ça ? Je ne comprends pas vraiment là.
– Contente-toi de faire ce que je te dis. C'est pour ton bien, celui de Thalia, de Gabriel et le mien.
Putain ! Il a dit leur prénom. Il s'en rappelle ? Mais qu'est-ce que notre bien vient faire là-dedans ? Ce ne serait pas plutôt pour nous faire du mal ?
Je ne comprends plus rien de ce qu'il me raconte. Soit l'un de nous deux est beurré comme un p'tit LU – ce qui est improbable puisque nous n'avons rien bu – soit je suis complètement à l'ouest.
– Et jusqu'où doit-on aller ?
– Va savoir. Il nous fera signe quand nous serons arrivés au bon endroit.
J'avoue que je me suis senti acculé quand il m'a annoncé ça. Je ne comprenais pas ce que nous allions faire dans une forêt. Pourquoi ne pas nous rencontrer dans la maison du proprio, ai-je pensé sur le coup. Et plus nous nous enfoncions à l'intérieur, plus mes appréhensions s'intensifiaient. J'étais constamment sur la défensive.
Je voulais demander à cet homme ce que nous faisions concrètement dans cette immense forêt avec les cendres. Malheureusement, aucun mots ne sortait de ma bouche. Aucun. Pas un seul. Je ne savais pas où il avait décidé de m'amener, mais ce qui est sûr, c'est que lui s'en foutait à un point que je ne saurai décrire. Il avait l'air heureux. Il ne cessait de fredonner un petit air musical. Puis, quand l'envie le prenait, il se mettait à chanter également.
L'horreur assurée ! Et pour ne m'inspirer que plus de dégoût encore, il chantait des paroles d'amours. Que de malheur pour mes petites oreilles ! J'aurais préféré frapper sa tronche contre un arbre pour lui fermer son clapet que de l'écouter avec son petit air niais. Mais c'était impossible avec les urnes que je portais et l'épée de Damoclès que me pointait Thalia.
– Ha !
Ce soupir n'était pas celui de cet homme. Et ce n'était pas le mien non plus. Quelqu'un nous observait. Tout de suite j'ai pensé à cet homme qui souhaitait me voir. Alors je lui ai demandé à cet homme, mais une fois de plus il ne m'écoutait pas.
Cela a fait ressurgir quelques mauvais souvenir d'enfance. Ce sentiment d'abandon et d'inexistence.
Une fois arrivé à une rivière, nous avons fait une halte pour que le vieillard puisse reprendre son souffle. Elle a bien dû s'éterniser jusqu'à ce que la chaleur du soleil soit rendu à son point culminant.
Mais bon, je peux l'excuser pour ça. Après tout, avec cette fournaise et ces côtes en permanences, je reconnais que pour venir jusqu'ici, il faut avoir de bonne jambes et un bon coffre. Malheureusement ou heureusement, ce n'est pas son cas. Il n'en possède aucun des deux.
– Arrête donc de te moquer de moi. Je sais que je deviens vieux mais ce n'est pas la peine de me le dire avec ce sourire en coin et ce regard satisfait de me voir entre la vie et la mort.
– M'en fous. Qu'est-ce qu'on fait ici ? Pourquoi tu as tenu à prendre les cendres de la famille de Hyacinthe ? Et quel est cet objet que tu transportes ?
– Tu vas voir très bientôt. Reprenons notre marche jusqu'au prochain point d'...
Ah. Encore une absence. Bon, il ne reste plus qu'à attendre qu'il se réveille. Mais j'avoue que ça me fait chier comme même. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir attendre sous cette chaleur et s'il va revenir à lui.
– C'est moi ou il devient sénile au fur et à mesure que les années s'écoulent ?
– Qui êtes-vous ? Que nous voulez-vous ?
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L'inconstance des Sentiments
RomanceUn jour, après avoir passez une bonne dizaine d'années dans un rustre monastère, quelqu'un vint chercher la belle, délicate et naïve Jane. Ou plutôt Hyacinthe. Enfin bref, du jour au lendemain, le mariage frappe à sa porte ... C'est un homme de bon...