L'inconstance des Sentiments

Première partie : Chapitre 4 → L'art d'éprouver de la bravoure

– Oui mais, il faut me comprendre, me soupire-t-il avec un grand sourire. C'était la première fois que j'allais de mon plein gré, voir une personne qui m'était inconnue. Est-ce que tu arrives à t'imaginer, l'enfant que j'étais, aller de ma propre volonté voir une personne, et encore plus une fille ? Non, en tout cas je ne pense pas.

– Et tu as tout à fait raison. Je ne t'imagine pas du tout faire ce genre de galanterie.

          Il rigole. Super.

– Tu sais, si on m'avait dit ça quelques années auparavant, sache que je ne l'aurai pas cru.

– De quoi ? Des galanteries ?

– Non. D'aller voir une fille. Une personne que j'aime au premier regard. ... Quand j'étais petit c'était impensable pour moi d'aller voir quelqu'un. Et surtout d'être attiré par une personne. Alors, je pense que c'est normal que je n'ai pas su quoi faire pour lui plaire. Et puis, je t'admettrai que ce n'était pas mon objectif premier de la séduire. Je voulais d'abord apprendre à la connaître et qu'elle en fasse de même.

          Mouais. Je te crois, je te crois. Tu peux me le répéter autant que tu veux, j'aurais toujours un petit doute.

– Et puis, quand je suis allé la voir, elle était déjà particulièrement surprise ; alors j'imagine que si je lui avais offert quelque chose c'aurait été une catastrophe.

– En quoi est-ce que cela aurait été une catastrophe ? Ça aurait juste été mignon.

– Oui, cela aurait été mignon pour une personne provenant de l'extérieur – comme toi. Mais ... pour nous deux, ça aurait été différent. Elle se serait mise dans tous ses états. Ma simple vue était une surprise pour elle, alors ... voilà quoi. Sais-tu ce que j'ai fait pour la rassurer ?

          Un simple « non » devrait faire l'affaire.

– Eh bien, je lui ai demandé son nom et sais-tu ce qu'elle m'a répondu ?

– Je pense qu'elle t'a tout simplement donné son prénom : Jane.

– Oui, mais ce n'est pas tout à fait ça. Tu y étais presque ! Non, elle m'a dit : « Ici on m'appelle Jane, mais mon vrai prénom c'est Hyacinthe ».

          Quoi ?! Hyacinthe !

– Comme la fleur et l'homme dans la mythologie. ... Elle avait déjà plusieurs prénoms à ce moment-là ! Ça me surprends un peu, je t'avoue. Je pensais que le prénom de Hyacinthe avait été choisi par tes soins et pour une raison particulière.

– Non, c'est l'inverse. Les religieux lui ont donné pour nouveau nom. Celui de Jane parce qu'il convenait plus, selon eux. Eh oui, son vrai prénom fait référence au nom grec Hyácinthus ainsi qu'à la mythologie qui lui correspond.

– Celle où Hyácinthus est aimé d'Apollon et Zéphyr, ou de Borée – je ne sais plus. Il me semble que l'histoire raconte qu'Apollon lui aurait enseigné la musique, l'arc, la divination, la lyre, ainsi que des exercices sportifs, mais qu'un jour celui-ci le tue en ayant lancé un disque. Zéphyr l'aurait fait ricocher au niveau de sa tempe. Et c'est de son sang que sont nées les fleurs huákinthoi, en grec. C'est ce que maman m'avait raconté. Tu me confirmes ?

– Parfaitement. C'est tout à fait ça. Les hyacinthes sont nées dans le sang de cet homme, si tu ... 

– J'ai compris ce que tu voulais me dire, l'interromps-je. J'ai fait le lien avec CET évènement dès ta confirmation. Comme quoi rien n'est laissé au hasard.

– Très bien. Donc, pour en revenir à mon histoire, je lui ai donc donné le mien en retour – qui n'a pas de signification particulière au passage. « Merci », c'est ce qu'elle m'a répondu avec sa voix toute faible car elle avait encore peur de moi. ... Pendant ce temps où je faisais ma brève rencontre avec cette magnifique jeune fille, mon père avait demandé si nous pouvions rester dormir au monastère le temps de deux, trois jours. Et bien sûr, en voyant tu sais quoi, ils ont accepté très rapidement.