Quatrième partie : Chapitre 4 → Mes premiers et réels sentiments

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          « Cette nuit. Cette « nuit de noces » comme tout le monde l'appelait aura été la pire de toutes celles que j'ai dû passé depuis la naissance dans ce corps. Jamais je n'ai éprouvé autant de sentiments en l'espace de quelques heures.

          Les femmes de chambres ou domestiques – je n'ai plus le terme mais je n'en ai rien affaire – m'avaient très, peut-être trop même, conseillé de mettre mon corps soi-disant svelte – je ne sais toujours pas aujourd'hui ce que ce terme signifie par ailleurs –, tirer en arrière mes cheveux couleur corbeau afin de faire ressortir la couleur bleutée de mes fins et minces yeux, et de faire remonter mes fossettes. Elles m'avaient également incité à mettre sur ma peau « étrangement balafre » une sorte de peinture afin d'effacer mes entailles et de ne poser délicatement sur mes « frêles épaulettes » un simple peignoir.

Ce à quoi j'ai tout refusé : cheveux détaché, robe de chambre ainsi que peignoir, aucune crème ou je ne sais quoi sur ma peau ... Enfin, tu m'auras compris, j'avais donc décidé de t'approcher de manière naturelle et de te charmer plus encore avec le si peu d'atouts élégants que je possédais entre mes mains.

          Pour commencer, je suis passé d'un sentiment de gêne éternel à un confort immense quand elles m'ont quitté. J'étais ravie. J'étais la plus heureuse...

          ...  jusqu'à ce que tu fasses ton apparition.

Comme moi, tu avais souffert des exacts monologues de tes valets et tu te trouvais actuellement dans une tenue des plus volatiles et transparentes qu'elle ne laissait place à l'imagination. En ce cas, je pourrai dire que tu n'y mettais pas du tien aussi. Mais ce n'est pas grave car ce que j'ai éprouvé n'était un sentiment de gêne. Au contraire, c'était un sentiment de désir : je te voulais comme cette nuit dans cette maison. Je voulais m'endormir – sagement cette fois-ci – comme nous l'avions fait au petit matin. Je pouvais sentir ardemment ce désir si puissant de ... simplement ... profiter de ta chaleur et toi de la mienne.

C'est pour cela que j'ai tourné la tête, que je ne t'ai regardé, que tu as pu croire à un sentiment de gêne de ma part. Mais ce n'était pas le cas.

          Le rideau noir de la nuit accentuait la présence des étoiles. Et celles des étoiles filantes. Comme celles d'il y a ... quelques années. Quelques années parce que je ne sais pas combien de temps mes écrits resterons sans réponse. Ces tirs laissaient derrières eux une longue traînée lumineuse mais éphémère. Je trouvais cela magnifique et étrangement fabuleux. Sûrement parce que je n'en avais vu avant jamais mais peut-être aussi pour la raison qu'avant je m'endormais tôt et non à une telle heure tardive.

Je trouvais cela resplendissant – je parle de deux choses – ce nouveau phénomène que je ne connaissais et cette manière que tu avais bien à toi, de prendre de grandes attentions de ma personne sans pour autant la dénigrer. Loin de là ! Tu étais tout l'opposé : attristé [par mes blessures] et franc [dans tes gestes].

Malheureusement, mon comportement m'aura discrédité avant que je ne t'en fasse part. J'ai eu peur et je te l'avoue seulement maintenant. J'ai eu peur que tu agisses comme les autres. J'en étais terrifié. Mais cela n'excuse pas mes gestes. Je n'aurais pas dû t'érafler ou mordre cette blême peau qui renfermait tout ce liquide rouge, presque noir, que tu possédais. Mais également, je n'aurais pas dû t'attaquer au visage, chose qui m'a fait te regarder droit dans les yeux parce que j'adorais la couleur qu'ils arboraient. Je m'en suis voulu de t'avoir fait ça jusqu'à ce que je puisse apercevoir des domestiques me traquant avec leurs cordes et ce couteau. J'ai cru que tu avais demandé à ce qu'on se débarrasse de moi ; c'est pour cette raison que je t'en voulais. Et c'est aussi pour cela que je n'osai pas t'approcher une fois revenu. J'ai eu peur que tu finisses toi-même le travail. Mais tu as apaisé mes sentiments en envoyant cette arme au loin de la pièce. J'aurais aimé savoir à quelle distance il se trouvait mais une seconde fois, tu m'as apaisé en me demandant ce que je préférais : te ligoter ou te laisser tranquille. À vrai dire, je voulais les deux. Ce qui explique pourquoi je ne serai pas tes nouveaux liens. Cela me rassurais de te savoir attaché mais cela me rendais aussi triste. »

L'inconstance des SentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant