Nous marchons d'un pas tranquille vers les rochers que cet homme m'a montré du doigt il y a quelques minutes.
Nous avons tout les deux des manières très différentes de marcher. Sûrement à cause de l'âge. Lui, il arrivait à peine à déambuler qu'il s'est retrouvé obligé de se servir tout le temps de sa canne pour essayer, et je dis bien essayer, de marcher à peu près droit. Quant à moi, je me déplaçais sur mes « deux guibolles toutes frêles » me dirait-il. Mais non. Il ne dit rien. C'est comme dans la bagnole, il reste de marbre. Sauf ces quelques fois où par exemple le vent décide de se montrer à nous. Il s'est arraché quelques phrases du style : « Heureusement que tu es là pour encore me câliner, toi ».
Tout ce qu'il disait avait un ton lyrique.
À force, ça devenait chiant. Surtout quand je me suis rendu compte en marchant qu'il était devenu complètement gaga. Il ne cessait de dégager de la bonne humeur. Même au beau milieu de macchabées. Il avait un sourire que je ne pourrai décrire. Un regard voguant dans le ciel illuminé d'un bleu particulièrement clair alors que normalement un veuf ou une veuve tournerait ses yeux mi-clos vers sol comme pour supplier le défunt de revenir d'entre le paradis ou l'enfer. Ce qui est évidemment impossible.
Enfin bref, tout ce qu'il faisait ne s'accordait pas. Ni avec celui que j'avais connu, ni avec celui que je côtoie, ni avec l'environnement dans lequel nous nous trouvons.
Ça me mettait mal à l'aise. Comment pouvait-il faire ce genre de chose à l'intérieur d'un tel endroit ? C'en est presque irrespectueux.
– Ah ! Nous y voilà.
– Il n'y a rien. Juste de malheureuses pierres sans rien gravé dessus.
– Justement ! Regarde entre toutes ces « malheureuses » pierres comme tu dis.
J'ai soupiré, j'y suis allé, j'ai regardé. Lorsque j'ai pu observer de plus près chacune de ces pierres, j'ai été surpris.
À la surface de la terre, derrière les rochers qu'il avait désigné, ce trouvait une sorte de petit pot de fleur où l'on ne voyait que le couvercle. On n'en voyait qu'un à la surface.
Pendant que je l'observais sans pour autant comprendre, cet homme est allé chercher une pelle. Il est allé prévenir le gardien de ses intentions et il lui en a donné une de plus.
Étrange vous dites-vous. Je me suis dit la même chose.
Il m'a prêté une pelle et avec moi, nous avons déterré ce pot de fleur. Une fois sorti de terre, nous en avons découvert un autre. Puis un autre. Et encore un. En tout, nous avions exhumé quatre corps.
Il me donna un nom pour chaque pot, ou plutôt, pour chaque urne. Une couleur, motifs et gravures correspondaient à un membre de la famille de Hyacinthe.
– Celui-ci en bleu avec une sorte de parchemin c'est celle de son défunt père. Il est mort d'une maladie que Hyacinthe et moi ne connaissions pas. Il ne voulait pas nous dire ce qu'il avait pour éviter de nous alarmer. Ça à produit l'effet inverse et ma femme s'est énormément inquiétée. Mais ... même lorsqu'il était en fin de vie, il s'est enfuit et ne nous a pas laissé le voir. C'est son fils, Conan, qui nous a annoncé la nouvelle de sa mort.
– Je vois.
– Celle-ci en rouge avec le ruban en dentelle appartient à sa mère. Elle est morte prématurément.
– Tu ne connais pas la cause de sa mort ?
– Non. À vrai dire, c'est mon beau-père qui n'a jamais voulu nous dire. Mais on a supposé que c'était une maladie qui touchait à la tête. ... Je crois que les maux étaient un sujet tabou dans la famille. Car quand ma chère femme abordait ce sujet et cela de quelconque manière, le premier homme de sa vie se refermait comme une huître et l'on ne pouvait plus rien lui soutirer.
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L'inconstance des Sentiments
RomanceUn jour, après avoir passez une bonne dizaine d'années dans un rustre monastère, quelqu'un vint chercher la belle, délicate et naïve Jane. Ou plutôt Hyacinthe. Enfin bref, du jour au lendemain, le mariage frappe à sa porte ... C'est un homme de bon...