– Pourquoi l'avais trouvé-tu singulière ?
– Parce que jusqu'à ce jour précis, on ne m'avait jamais demandé ce qui m'amenait à être gentil avec les autres. Même mon seul ami ne m'avait jamais demandé ça. ... Alors je lui ai répondu que c'était parce que je la trouvais unique. Différente des autres – de ma mère, seule figure féminine présente. Que c'était en partie pour ça que je faisais tout ça – ces petites attentions – mais que je ne pouvais pas dévoiler la véritable raison de cette gentillesse à son égard.
– Ah ouais ? Pourquoi tu ne pouvais pas lui révéler la vraie raison de cette gentillesse ?
– Eh bien, disons que j'avais un peu honte. Et je trouvais cela inapproprié de lui dévoiler mes sentiments alors qu'elle était dans un état lamentable et que nous ne nous connaissions à peine. Je ne voulais pas qu'elle croie que j'avais pitié d'elle, même si c'était un peu le cas. Et contrairement à ce que tu penses, elle n'a pas insisté ; elle est même restée muette.
Mais je n'ai jamais pensé à ça. Qu'est-ce que tu viens t'imaginer ?
– Ma réponse évasive et mon silence ont dû être plus expressif que je ne le voulais. ... Mais je pense qu'elle a été déçu parce qu'elle n'avait pas envie de réengager la conversation. Et pour essayer de nous sortir de ce silence troublant, je lui ai demandé si elle viendrait jouer avec moi les jours suivant.
– Et qu'a-t-elle répondu à cette invitation plus que surprenante, dis-je sur un ton railleur ?
– Qu'il fallait l'accord de ce chien de religieux, rétorque-t-il de suite. ... Enfin, avec la peur que j'avais réussi à faire à l'autre, obtenir son accord ce n'était trois fois rien pour moi !
Putain ! Ça fait combien de fois qu'il rit à ce point pour cette magnifique créature ?! Il n'arrête pas d'aborder un ton joyeux malgré la dure histoire qu'il me narre. Cela me réchauffe le cœur de le voir encore heureux en dépit de la situation.
– Mais dis-moi, qu'est-ce que vous avez fait tous les deux cet après-midi là où tu l'as soignée ?
– Il me semble que ... Ah oui ! Je me rappelle ! Avec cette toute jeune fille, nous avons fini par parler après que je lui ai posé cette question. Beaucoup parler. Nous avons parlé de tout et de rien. De la pluie et du beau temps.
Vous évitiez les sujets difficiles si je comprends bien.
– Et puis, nous avons joué à des jeux que je connaissais. Je l'ai vu faire tellement d'expressions différentes ce jour-là : elle est passé de la curiosité de découvrir quelque chose qu'elle ne connaissait pas ; à la joie quand elle arrivait à jouer dans les règles de l'art ; aux pleurs quand elle perdait – même si c'était rarement ; à l'incompréhension quand elle ne se rappelait plus des règles ; à la satisfaction de gagner contre moi alors qu'elle ni connaissait rien la veille ; à la mauvaise foi de se voir perdre aux jeux où j'étais imbattable malgré les efforts que je fournissais pour l'aider à gagner. Et même si je n'ai fait quasiment que perdre cette journée, je prenais autant de plaisir à la laisser gagner qu'à jouer.
Si ça ce n'est pas mignon et attentionné alors je ne sais pas ce que c'est.
– Ses yeux bleu clair, devenaient flamboyants pour moi. Ils m'apparaissaient comme de belles flammes bleues. Ils exprimaient tellement d'émotions à la fois que je serais incapable de toutes te les citer.
– Je parie que c'est comme ça que tu l'as fait tomber amoureuse de toi. En jouant.
– Oh que non ! Oh que non. J'aurais aimé la faire tomber amoureuse de moi comme ça, mais à vrai dire, je ne lui ai laissé ni le temps de m'aimer, ni le temps d'apprendre à me connaître. C'est en partie ce que je regrette le plus dans toute mon existence. Et ça a été ma deuxième erreur.
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L'inconstance des Sentiments
RomanceUn jour, après avoir passez une bonne dizaine d'années dans un rustre monastère, quelqu'un vint chercher la belle, délicate et naïve Jane. Ou plutôt Hyacinthe. Enfin bref, du jour au lendemain, le mariage frappe à sa porte ... C'est un homme de bon...