Deuxième partie : Chapitre 1 → L'art d'éprouver de la colère

0 0 0
                                    

          Le trajet de ce taudis où j'ai récupéré ce vieux croulant jusqu'au cimetière aura duré bien plus longtemps que ce que je ne me l'étais imaginé. Au lieu de mettre une heure de route, nous avons dû en mettre deux à deux heures et demie. En même temps, il faut dire que nous sommes parti avec un peu en retard. Et devinez la faute à qui.

          C'était un vrai supplice. Non ! Que dis-je ? Plutôt, un vrai calvaire !

          Je savais que je devrais passer du temps avec lui. Pour ça, je m'étais préparé. Mais ce dont je ne me doutais pas c'est que l'on devrait s'asseoir dans la même bagnole. Et en plus, on était assis côte à côte dans la voiture.

          À l'intérieur, c'était un silence de mort qui régnait. Le silence radio le plus long que j'ai connu.

          Nous étions tous deux des passagers de cette chose atroce – qui m'a fait partager le même espace que cet homme – qui nous amenait à notre destination.

          Je sentais parfaitement à quel point le chauffeur et le passager à l'avant étaient mal à l'aise en notre présence mais je ne disais rien. Normal après tout. Voir un père et son fils ne pas se parler ; ne même pas s'adresser un regard ; limite en train de se faire la guerre, je reconnais que c'est assez déstabilisant pour autrui. Et comme eux, on aurait envie de mettre fin à ce silence ... mais en même temps, on sait que si l'on fait ça, on risque d'y laisser au moins un bras. Surtout quand on se trouve à proximité de moi. J'ai très peu de patience. Donc, mieux vaut ne pas me parler.

          Au fond, je les comprends. Un tout petit peu. Mais, ça ne m'a pas empêché de faire arrêter le chauffeur en plein milieu de la route pour changer de fiacre. Les deux à l'avant suaient et respiraient comme des porcs. On ne s'entendait même plus penser !

– Eh bien ! Je ne me rappelais pas que le trajet était aussi long, et aussi périlleux.

– OK. Alors, pour commencer nous sommes parti en retard ; le cimetière n'ouvre qu'à huit heures ; les routes sont sinueuses ; je ne supporte pas d'être assis à côté de toi ; le chauffeur et le passager m'agaçaient au plus haut point et nous ne nous sommes pas adressé un seul mot depuis que nous sommes entré dans cette foutue bagnole ! C'est ...

– J'ai compris ! Pas la peine de t'égosiller la voix pour si peu. Je me faisais juste une remarque à moi-même.

– À toi-même ? ... Ah. La bonne blague ! Je crois que j'aurai tout vu en l'espace de quelques heures.

          Par pitié ! Mon Dieu, même si je ne crois pas en toi, même si je ne te prie jamais, par pitié, je t'en supplie, accorde-moi la force de supporter cet être détestable et abject sinon je crois que je vais commettre un meurtre.

– Qu'as-tu prié ?

          Comment s'est-il que j'ai prié ? Je n'ai pas même joint mes mains, ni levé ou baissé la tête.

– Oh je t'en prie, dit-il avec un ton désinvolte. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure quand tu pries. Et la dernière fois que tu as prié comme ça, je me suis pris un pied-de-biche dans la jambe.

          Ah bon ? Je m'en rappelle pas. Comment j'ai pu oublié quelque chose d'aussi drôle ?

– Si je prends en compte ce qui est arrivé il y a quelques années et ce que tu viens de prier, je peux en conclure que tu souhaites qu'il m'arrive un malheur.

          Et j'aimerai tant qu'un tel évènement se produise. Malheureusement, ça n'arrivera jamais.

– Mauvaise pioche le vioc ! Tu t'es gouré. Royalement.

– Ah ! Tant mieux pour moi alors.

          Non mais je te jure. Qu'est-ce que je fais qui me trahis à chaque fois ?

– Et je voulais te demander une chose. Je peux ?

– Tant que tu ne me demandes pas de t'embrasser, tout me va.

– Hmtp. Pathétique.

– Quoi ? Qu'est-ce que tu as dit ?

– Que ta façon de pensée est pathétique. Et ridicule.

          Je vais le couper en deux et lui trancher le cœur !

– Sinon, une fois que l'on sera arrivé au cimetière, pourras-tu te taire et ne pas m'interrompre même si je me perds dans mes pensées ?

– Ouais ! M'en fou. Ha ! Enfin, une voit... J'aurais pas dû arrêter la bagnole de tout à l'heure !

– Pourquoi dis-tu ça ?

          Le chauffeur de la bagnole descend de la carriole.

          Oh non ! Ne viens pas vers nous. Ne fait pas ça. Ce n'est pas possible ! Tous sauf ça. Ne fais pas ça !

– Bonjour messieurs ! Je vous prie de m'excuser mais il y a déjà deux passagers à bord. Vous allez devoir vous asseoir l'un à côté de l'autre le temps d'une heure. Si vous voulez bien me suivre.

– Très bien. Personnellement, moi je m'en fiche un peu. Tu viens. ... Hein ! Azel, que fais-tu ?

– Putain de merde ! Pourquoi j'ai fait ça ? C'est la pire connerie de l'année.


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
L'inconstance des SentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant