– Donc...
Reprends calmement ton souffle. Car même si tu ris dans ta barbe, comme moi, tu ne ris plus que tu ne respires et à la fin, on est au bord du malaise tellement on n'a plus d'air dans les poumons.
– Nous portions exactement la même tenue : de la paire de chaussures noires jusqu'à la façon dont on nous avait mis notre mouchoir dans notre poche de veston. Seul notre monture pouvait nous différencier. ...
Quel cliché !
– Pour commencer, ma mère m'avait choisi un poney. Il faut dire que je n'étais pas plus haut que trois pommes à cette étape de ma vie !
Je t'imagines parfaitement. Ça me fait marrer d'ailleurs.
– Hormis ma grande difficulté à monter sur son dos car je n'étais pas souvent monté à cheval, Grenat – c'était le nom de mon poney – était mignon et gentil. Cependant, mon père, lui, avait eu un cheval rustre qu'il a dû essayer d'apprivoiser pendant plus de quarante minutes. Pour être franc, j'en ai rit à tel point que je ne pouvais plus rester droit sur ma monture tellement j'avais mal au ventre. J'étais littéralement plié en deux si tu arrives à comprendre ce que je veux dire.
Et voilà, l'expression sur son visage s'est enfin adouci. Complètement. Cela me fait énormément plaisir de le voir sourire encore un peu. Même s'il baisse la tête, j'arrive à voir que ses yeux se referment délicatement, et en même temps il laisse paraître un tout petit rire presque inaudible.
Ce visage-ci me rappelle de bons souvenirs. Il me rappelle l'homme heureux que j'ai pu connaître avant quand je n'étais qu'une enfant. Que je suis nostalgique ! Je ne dois pas pleurer. Ce n'est pas encore le bon moment.
– Oui. Oui, oui, j'arrive à me l'imaginer dans ma tête. Et ça me rappelle une fois, quand j'étais petite. T'en souviens-tu ? J'essayais de monter ma monture : Aaron ... Il était blanc comme la neige et très grand, encore plus que toi maintenant, je crois.
– Sûrement, je ne me rappelle ... pas vraim ...
Il ne se souvient plus ! C'est peut-être plus grave que ce que je voulais le penser. C'est peut-être pour ça qu'il ne finit pas sa phrase. Combien de temps va-t-il lui rester pour pouvoir finir son récit ? J'aimerais tant pouvoir le finir avec lui ! Que nous le finissions ensemble. Tous les quatre. Aller reviens à toi s'il te plaît p...
– Qu'est-ce que je disais déjà ? m'interrompt-il dans mes pensées.
– Eh bien, je begaye surprise. ... Tu me racontais comment tu as rencontré cette femme, ton am... enfin, cette fille. Tu te rappelles ? Tu as dit que tu partais un jour à la chasse avec ton père, que vous portiez la même tenue de la paire de chaussures noires jusqu'à la façon dont avait été mit votre mouchoir dans votre veston, et que la seule façon de vous différencier ...
– ... Était notre monture, m'interrompt-il. Excuse-moi mais je n'arrivais pas à me rappeler jusqu'à quel moment de mon enfance je m'étais arrêté.
– Ce n'est pas grave. Continue s'il te plaît.
– Très bien. Alors, ma mère m'avait pris un poney qui était tout mignon, alors que mon père, lui avait un cheval rustre qu'il a dû essayer d'apprivoiser pendant plus de quarante minutes. Pour être franc, j'en ai rit à tel point que je ne pouvais plus me mettre debout tellement j'avais mal au ventre. J'étais littéralement plié en deux si tu vois ce que je veux dire.
Et voilà ! Il va radoter. Il va malgré tout continuer à me raconter son histoire pour la finir tranquillement avant la fin de la journée. Ou un autre jour, peut-être. J'espère.
– Je crois que c'était la première que je risse aussi fort. J'en avais les hauts le cœur !
Tu m'étonnes.
Je ne sais pas comment il était plus jeune mais s'il le lui d'aujourd'hui était comme ça à l'époque je le plein.
Moi en tout cas, je me serais esclaffée et sans aucune retenue.
– Puis, après que j'ai repris mes esprits et que mon père soit parvenu à monter péniblement sur le dos sa monture, nous sommes partis. Enfin, c'était ce que nous avons essayé de faire puisque le cheval de mon père ne se laissait pas du tout faire. Mais bon, après d'innombrables essais où il est tombé un nombre incalculable de fois, nous sommes finalement partis pour de bon en fin de matinée au lieu de partir à l'aube. Quand j'y repense, je me dis que c'était vraiment ironique ... voix-tu, c'était mon père qui tombait de sa monture alors qu'il pratiquait l'équitation depuis des dizaines et des dizaines d'années mais c'est moi qui suis parvenu à rester en place alors que je n'étais quasiment jamais mont...
Dommage ! On était pourtant sur une bonne lancée cette fois. En plus, je crois que c'était à partir de ce moment-ci de son histoire qu'il s'était arrêté la dernière fois qu'il m'en a parlé. C'était, il y a bientôt dix mois, je crois. J'en ai plus que marre d'attendre et de reprendre quand il le peut – peut-être quand il le veut. Allez quoi ! Tu avais dit que tu nous raconterais tout. Alors pourquoi t'arrêtes-tu encore dans ces cas-là ?
– Eh oh ! Tu es là ? Réveille-toi, crié-je dans ses oreilles si ridées !!
– Excuse-moi, j'avais l'esprit ailleurs.
– Ne t'inquiète pas, calme-je le jeu. Continue, s'il te plaît.
Je ne sais pas combien de fois j'ai dû répéter « Continue, s'il te plaît » mais ça commence à me saouler ça aussi.
– Très bien. Alors, tu sais ... en réalité, je l'ai rencontré dans un monastère le jour suivant où je suis parti dans la matinée pour la chasse. Tout le monde était épuisé. Moi, je l'étais parce que je n'avais quasiment pas mangé et dormi alors que mon père était épuisé parce que le cheval ne faisait rien de ce que voulait mon père. Il n'arrivait pas à le tenir droit. Heureusement d'ailleurs. Les gardes et moi-même nous marrions tellement à le voir galérer qu'à un moment nous sommes tous tombés de notre cheval à cause de notre fou rire.
– Excuse-moi, je t'interromps, mais dis-moi, pourquoi as-tu dit « heureusement » et non malheureusement ?
– Eh bien, ça, c'est parce que les gardes m'avaient dit que mon père était très irritable pendant les jours de chasse. Qui ne fallait faire aucun bruit, ne pas le distraire et patati et patata. Donc, le fait qu'il soit déconcentré toutes les dix minutes – et encore, je dirais plutôt toutes les deux minutes. Ça nous arrangeait pas mal. Surtout que ce n'était pas nous qui provoquions ce désordre, mais le cheval. Donc mon père ne pouvait pas nous sermonner, ni nous injurier. En plus de ça, il nous faisait perdre du temps – un temps précieux pour mon père. Nous nous marrions tellement qu'au bout d'un moment, nous nous sommes rendu compte que nous avions fait fuir toutes les bêtes à cause de tout le brouhaha que nous faisions.
– J'imagine qu'il n'était pas du tout content vu le personnage que tu me décris.
– Tu as raison. Non, ça c'est sûr, dit-il avec un sourire en coin tout content de m'avoir fait cette révélation.
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L'inconstance des Sentiments
RomanceUn jour, après avoir passez une bonne dizaine d'années dans un rustre monastère, quelqu'un vint chercher la belle, délicate et naïve Jane. Ou plutôt Hyacinthe. Enfin bref, du jour au lendemain, le mariage frappe à sa porte ... C'est un homme de bon...