Chapitre 8

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Au milieu des ronflements des autres apprentis, Nuage Givré n'arrivait pas à dormir. Quand elle fermait les yeux, elle voyait à nouveau le regard déçu et méprisant de Griffe de Chêne. Aujourd'hui, la jeune novice avait assisté à son deuxième cours de chasse, qui avait été encore plus catastrophique que le premier. Elle n'arrivait pas à calmer sa queue quand elle chassait, si bien qu'elle frottait contre le sol et faisait fuir toutes les proies. Et parvenir à isoler les odeurs du gibier du reste des parfums de la forêt était un exercice compliqué, surtout sans conseil de la part de son mentor. Elle se demandait si Épine de Sapin procédait de la même façon avec Nuage d'Araignée. Peut-être que c'était normal après tout, que les apprentis étaient censés apprendre par eux-mêmes sans dépendre de leurs aînés.

Mais cette nuit-là, la honte la consumait. Malgré ses efforts, Nuage Givré était encore rentrée bredouille, alors que son frère avait attrapé sa première prise, un mulot, qu'il avait offert aux anciennes. Nuage d'Araignée commence déjà à contribuer au clan, alors que je ne suis même pas capable de repérer une souris, se lamentait la femelle. Même si ses camarades lui répétaient que c'était normal, que tout le monde avait son propre rythme, elle n'en croyait pas un mot. Tant qu'elle ne saura pas chasser, Nuage Givré serait un poids pour le Clan du Tonnerre.

Alors qu'elle se retournait dans son nid en quête de sommeil, une idée germa dans son esprit. Quand elle était avec Griffe de Chêne, elle était si intimidée qu'elle n'était capable de rien, et ses mouvements devenaient aléatoires. Pourquoi elle n'irait pas s'entraîner seule, dans ce cas ? Elle ne pouvait pas attendre le prochain entraînement pour prouver sa valeur et risquer une nouvelle humiliation. Elle devait agir maintenant.

Sans un bruit, Nuage Givré se redressa et jeta un regard furtif autour d'elle. Les autres apprentis dormaient profondément, et le camp était désert. Elle se faufila discrètement hors de la tanière, son cœur battant à tout rompre, puis se glissa à travers l'entrée du camp, ses pas feutrés sur la mousse humide.

La nuit était fraîche, et la lune éclairait faiblement les bois. C'était la première fois que Nuage Givré découvrait la forêt de nuit, et elle ne pouvait qu'avouer que l'obscurité la rendait encore plus intimidante. La jeune chatte avançait prudemment, le souffle court, guettant le moindre bruit. Si elle ne pouvait pas apprendre avec son père, alors elle apprendrait d'elle-même. Elle se jura de ne pas rentrer tant qu'elle n'aurait pas attrapé quelque chose, peu importe le temps que cela prendrait.

Se souvenant de ses erreurs de la journée, la novice essaya de reproduire la position du chasseur. Elle leva de nouveau la truffe pour humer l'air, cherchant la moindre trace de gibier. Le vent était faible, mais elle s'efforça de l'avoir dans le bon sens cette fois-ci, prenant soin de ne pas révéler sa présence.

Le temps passa, et malgré tous ses efforts, chaque tentative échouait. Un craquement de brindille, un mouvement trop brusque, une maladresse... Tout semblait la trahir. L'épuisement commençait à se faire sentir, mais elle refusait d'abandonner.

Alors qu'elle s'endormait presque debout, les premières lueurs du jour commencèrent à percer à travers les arbres, comblant la jeune chatte de désespoir. Soudain, une odeur éveilla ses sens. Se fiant à sa truffe, Nuage Givré repéra un petit rongeur, probablement une musaraigne, en train de se rafraîchir dans une flaque d'eau. C'est ma dernière chance, se dit-elle. Après ça, je devrais rentrer au camp en admettant le fait que je ne suis pas faite pour la chasse. Son cœur accéléra, mais elle se força à rester calme. Elle s'accroupit lentement, s'approchant pas à pas, retenant son souffle. Levant la queue pour éviter qu'elle ne traîne au sol, elle avança sur la pointe des pattes, évitant les petits obstacles.

La petite chasseuse avait presque atteint la position idéale pour bondir lorsqu'un léger tremblement de sol, causé par ses propres mouvements maladroits, fit sursauter le rongeur. La musaraigne leva la tête, ses petits yeux brillant dans la pénombre, puis Nuage Givré s'immobilisa, retenant son souffle. Maintenant, se dit-elle, voulant profiter de la confusion de l'animal. Mais avant qu'elle ne se décide à réagir, un cri de corbeau perça le silence de la forêt, provoquant une agitation dans les feuilles mortes sous l'effet du vent. La musaraigne, effrayée par le bruit, s'élança précipitamment dans la direction de Nuage Givré, fonçant droit sur elle. En un instant, la jeune chatte fut prise de panique et tenta de bondir en avant, ses mouvements étant loin d'être aussi précis qu'elle l'aurait souhaité.

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