Chapitre 9

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Nuage Givré suivait Griffe de Chêne à travers les sous-bois, ses pattes effleurant à peine le sol couvert de feuilles mortes. La mauvaise saison était aux portes de la forêt, mais l'air était encore doux au milieu de journée. L'air était chargé de l'odeur du gibier, mais aujourd'hui, la novice peinait à se concentrer sur ces odeurs qu'elle avait tant de mal à déchiffrer en temps normal. L'atmosphère pesante entre elle et son mentor était presque palpable. Depuis sa punition, Griffe de Chêne lui avait à peine adressé la parole, et ne lui avait pas dit un mot aimable. Lui en voulait-il encore d'avoir transgressé les règles ?

Ils arrivèrent dans une clairière recouverte de mousse épaisse et moelleuse, un lieu souvent utilisé par les apprentis pour s'entraîner au combat. Une vague de nervosité monta dans les pattes de la jeune chatte. Si elle avait déjà du mal à chasser, réussirait-elle à se battre ? Griffe de Chêne se tourna vers elle, ses yeux verts durs comme la pierre.

"Bon, montre-moi ta position de combat."

Sans un mot, Nuage Givré s'exécuta, s'accroupissant comme le lui indiquait son instinct. Mais à peine avait-elle pris position que son père secoua la tête, ses moustaches frémissant d'irritation.

"Non, pas comme ça. Tu es trop tendue, tes pattes sont mal placées... Même un lapin pourrait te déséquilibrer.

- Désolée, fit-elle en se redressant, honteuse.

- Tu es lente, maladroite, c'est désespérant. Essaie de faire mieux, cette fois."

Quand ils étaient au camp ou en groupe, Griffe de Chêne était distant, mais Nuage Givré se convenait à se dire que sa compagne lui manquait, et qu'il était seulement dans sa personnalité de s'isoler des groupes. Elle aurait presque pu croire qu'ils se ressemblaient. Mais pendant les entraînements où il n'y avait personne d'autre qu'eux, il était froid, dur, parfois blessant, et rarement encourageant. Et comment lui en vouloir ? Malgré tous ses efforts, Nuage Givré était loin du niveau de son frère, qui progressait à une vitesse impressionnante. C'est normal qu'il ne veuille pas passer des journées en groupe avec Nuage d'Araignée, nous n'avons pas le même niveau du tout, s'était-elle convaincue. Je dois d'abord rattraper mon retard...

Nuage Givré s'efforça de rectifier sa posture, tendant les pattes en avant comme pour se préparer à bondir sur un ennemi invisible. Mais alors qu'elle se lança, elle calcula mal son attaque, et finit la tête dans la mousse, provoquant un soupir de Griffe de Chêne qui lui donna envie de disparaître sous terre.

"Dire que Pluie d'Épine est morte pour ça..." grommela-t-il juste assez bas pour que sa fille puisse à peine l'entendre.

Le cœur de Nuage Givré se figea, et son souffle devint difficile. Avait-elle bien entendu ?

"Qu... Qu'est ce que tu as dis ?"

Griffe de Chêne releva la tête vers elle, plissant les yeux et fouettant l'air de sa queue.

"Tu ne t'es jamais demandé ce qui lui était arrivé ?

- Eh bien... elle était malade ? répondit-elle, hésitante, sentant un frisson glacé lui parcourir l'échine.

- Elle aurait pu s'en remettre. Ce qui lui est arrivé est ta faute."

Nuage Givré écarquilla les yeux. Comment ça pourrait être sa faute ? Elle n'était qu'un chaton et pouvait à peine se tenir debout.

"Mais... Je n'ai rien fait ! se défendit-elle, la voix tremblante.

- Heureux sont les ignorants, grogna le guerrier en tournant autour de sa fille, ses yeux lançant des éclairs. Tu penses peut-être que Pluie d'Épine a pris sa part d'herbe à chat comme le lui avait demandé Bourgeon de Rose ? Tu seras surprise d'apprendre que le remède que tu as pris lui était destiné, et qu'elle n'a jamais pris sa part. Tu comprends, maintenant ? Sans toi, elle serait encore en vie, et je ne serais pas là à entraîner un blaireau aveugle !"

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