Les jours qui suivirent furent une lente agonie pour Patte Givrée. Chaque mouvement dans son ventre la faisait grimacer, chaque nouvelle sensation lui rappelait que la vie qu'elle portrait en elle ne devrait pas exister. Elle n'avait pas choisi ces chatons, et elle ne les accepterait jamais. Pourtant, il arrivait un moment où il devenait impossible de se cacher.
Le ventre arrondi, son état ne pouvait plus être ignoré. Ses camarades allaient commencer à poser des questions, à la regarder d'un œil curieux. Patte Givrée savait ce qu'elle devait faire. À contrecœur, le cœur lourd de honte, elle se dirigea un jour vers la tanière des guérisseurs, pour informer Cœur Roux. Le guérisseur devait être mis au courant en premier.
"Je peux faire quelque chose pour toi ? lui demanda le jeune mâle roux et blanc d'une voix innocente, comme si tout allait bien.
- Eh bien, oui je pense..., fit Patte Givrée, cherchant comment annoncer la nouvelle. Après tout, tu es guérisseur, c'est à toi que je dois m'adresser en premier."
Elle hésita à continuer. Son regard était fuyant, honteux. Elle ne voulait pas être ici. Elle ne voulait pas de cette vie qui grandissait en elle. Allait-il la juger ? Lui dire qu'elle avait perdu la tête, qu'elle était insouciante ? Quelle importance ?
"En fait.... Je pense que j'attends des chatons.
- Comment ? Mais qui..."
Cœur Roux s'interrompit, et Patte Givrée le remercia silencieusement. C'était évident, tout le monde allait se demander qui était le père de ces abominations à naître. Et elle n'avait aucune envie de répondre à la question.
"Félicitations, dans ce cas ! Le Clan du Tonnerre sera bientôt envahi de chatons ! s'exclama-t-il avec un entrain presque forcé.
- Merci."
Des félicitations ? En quoi c'était une prouesse ? Cœur Roux la félicitait pour la pire chose qui ne lui était jamais arrivée, c'en était encore plus humiliant.
"Ne t'en fais pas. Tu es jeune et forte, tout va bien se passer, tenta le mâle pour la rassurer, remarquant probablement son malaise. Si tu veux, tu peux t'installer dans la pouponnière dès maintenant. Je suis sûr qu'Aile Brisée sera ravie de te préparer un nid."
Patte Givrée renifla malgré elle. Elle avait oublié Aile Brisée, qu'elle allait devoir partager la pouponnière avec cette chatte si agaçante. Avec un peu de chance, elle serait trop désagréable pour qu'Aile Brisée ne tente de lui parler. Sans un mot de plus, elle quitta la tanière en traînant la queue.
Patte Givrée espérait de tout cœur que la mystérieuse maladie qui rôdait sur le territoire emporterait ses chatons avant qu'ils ne voient le jour. Mourir ne lui faisait plus peur. Si ces chatons maudits ne devaient pas survivre, elle non plus n'avait aucune raison de s'accrocher à la vie. Une odeur de lait et de mousse fraîche recouvrait la pouponnière, où Aile Brisée faisait sa toilette. En voyant Patte Givrée, elle releva la tête, la fixant étrangement.
"Qu'est-ce qu'il se passe, Patte Givrée ? lui demanda-t-elle doucement.
- Je suis... je porte des chatons." murmura-t-elle, le regard baissé.
Aile Brisée la fixa un instant, les yeux écarquillés, mais ne posa pas la question que Patte Givrée redoutait le plus : celle de l'identité du père. Par respect, ou peut-être par simple discrétion, la femelle infirme se contenta de hocher la tête, acceptant l'information sans jugement apparent.
"Moi qui pensait que Bois de Chêne se trompait, fit-elle en se levant avec difficulté. Je vais te préparer un nid, Nuage de Moineau est justement parti chercher de la mousse fraîche.
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Innocence
ParanormalComment continuer à avancer alors que tout semble perdu ? Au Clan du Tonnerre, une jeune chatte grandit dans l'ombre de son propre clan, luttant pour trouver sa place. De nature discrète, elle préfère de loin l'ombre rassurante de sa mère plutôt que...