Chapitre 10

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Les jours passaient, et Nuage Givré se sentait de plus en plus lourde. Pas dans son corps, qui semblait, au contraire, devenir plus léger, mais dans son esprit, qui était comme enfoncé dans une brume dont elle ne parvenait plus à s'extraire. Ses repas, quand elle se contraignait à en prendre, lui donnaient la nausée. Quant à son sommeil, il était devenu un champ de bataille où les cauchemars se succédaient sans fin. Presque chaque nuit, Pluie d'Épine revenait s'éteindre sous ses yeux, et malgré tout ses efforts pour bouger, pour crier, elle restait paralysée, incapable de la sauver. Parfois, c'était même elle qui agressait sa mère, comme si ses pattes avaient pris vie indépendamment de sa volonté. Ces nuits-là étaient les pires. Le matin, elle se réveillait en sursaut, espérant ne pas réveiller Nuage d'Araignée. Heureusement, celui-ci ne se doutait de rien.

Chaque jour, Nuage Givré constatait de nouvelles pertes : son pelage semblait terne et emmêlé, ses côtes étaient de plus en plus visibles sous sa fourrure. Mais la mauvaise saison approchant à grand pas, personne ne s'en inquiétait. Autrefois, elle aimait nettoyer sa fourrure et la rendre brillante, mais aujourd'hui, elle n'en voyait plus l'intérêt. Avoir un beau pelage n'était qu'une couverture masquant la vraie chatte qu'elle était, et elle n'avait plus la force de mentir. Son clan devait la voir comme elle était réellement : salie, usée, négligée.

Quant à Nuage d'Araignée, il devenait un peu plus fort et plus confiant chaque jour. Nuage Givré ne l'avait jamais vu aussi heureux que depuis qu'il passait ses journées avec Nuage de Chêne. Depuis que Cœur de Mousse était devenue guerrière, Nuage Charbonneux les accompagnait régulièrement.

Un matin, alors que Nuage Givré était assise à l'ombre, scrutant sans vraiment les voir les autres chats du clan, Nuage d'Araignée s'approcha, toujours aussi vif. Il déposa un lapin devant sa sœur, sautillant sur place.

"Regarde ce que j'ai attrapé ! C'est ma plus grosse prise, jusqu'ici !

- C'est toi qui l'as attrapé ?" répéta Nuage Givré, abasourdie.

Même si la chasse n'était plus aussi difficile que les premiers jours, la femelle avait encore beaucoup de mal. Elle n'avait encore jamais attrapé d'oiseau, à part un moineau qui s'était brisé une aile, et elle n'avait jamais osé essayer avec un lapin.

"Oui ! Il est énorme, non ? On pourrait aller chasser ensemble aujourd'hui. Vent Gris fait passer une petite évaluation à Nuage de Chêne. Qu'en dis-tu ? Ça fait un moment qu'on a pas passé de temps tous les deux."

Nuage Givré leva les yeux vers lui, le cœur serré. Tout en elle criait de dire oui, mais en le regardant dans les yeux, la femelle n'y vit que l'image de Pluie d'Épine agoniser. Comment pouvait-elle chasser, rire, passer du temps avec lui alors qu'elle lui mentait chaque jour ?

"C'est gentil... Mais je suis fatiguée, aujourd'hui, murmura-t-elle, évitant son regard. Peut-être une autre fois.

- Tu es sûre que ça va ? fit Nuage d'Araignée, perdant son sourire, penchant la tête sur le côté. Tu es... Bizarre, ces derniers temps."

Ne l'ai-je pas toujours été ?

"Je vais bien, ne t'en fais pas, mentit-elle. Je suis juste fatiguée de l'entraînement.

- Comme tu voudras. Si tu changes d'avis, n'hésite surtout pas ! Et n'oublie pas que tu peux toujours me parler, je suis là pour t'aider."

Elle hocha la tête, mais dès qu'il tourna les talons, elle cacha son visage dans son poitrail. Elle ne le méritait pas. Elle ne méritait rien de ce qu'elle avait.

Nuage Givré sentit sa gorge se nouer en reconnaissant le parfum de son père qui s'approchait d'elle. Depuis sa révélation, les entraînements étaient devenus encore plus durs, et la femelle ne réussissait aucun des mouvements les plus simples. Était-ce l'angoisse de se trouver près de Griffe de Chêne qui lui faisait perdre ses moyens ? Ou se cherchait-elle une excuse ?

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