Ostru: Fragments d'un Monde Déchu

Chapitre 19

« Un jour, je te marierai ! » déclara Nim avec une fougue adolescente. Son visage jeune trahissait l'intensité de ses émotions, bien plus profondes que ce que l'on pourrait attendre d'un garçon de son âge. Il se tenait dans une chambre modeste, ses yeux fixés sur la femme en face de lui. Elle était d'une beauté qu'il trouvait presque irréelle, un éclat qui dépassait tout ce qu'il avait pu imaginer. Son sourire tendre illuminait la pièce, et chaque fois qu'elle souriait ainsi, Nim sentait son cœur suspendu dans le vide, pris dans un tourbillon d'émotions. C'était un de ces sourires qui, sans effort, déclenchent des sourires en retour. Mais pour Nim, ce sourire avait un pouvoir bien plus grand : il faisait battre son cœur à une vitesse qui lui donnait presque le vertige.

Avec une bague qu'il lui tendit, son regard plein de détermination, il lui fit cette promesse :
« Oui, Je te marierai. Je ne marierai personne d'autre que toi. Et je n'aimerai jamais quelqu'un d'autre. »

Il se souvenait encore du jour où il l'avait rencontrée. Il avait alors treize ans, et dès ce moment, son monde avait basculé. Il lui avait fallu trois ans pour la courtiser, trois longues années avant qu'elle accepte de s'abandonner à cet amour. Elle avait eu peur, et à juste titre. L'amour chez les rôdeurs n'était pas interdit, mais il était fortement déconseillé. L'amour incitait à la stabilité, à une vie rangée, à fonder une famille. Des désirs incompatibles avec la vie dangereuse et instable des rôdeurs, pour qui il n'y avait pas de retraite. Leur existence ne connaissait que deux issues : la mission ou la mort. Aimer quelqu'un signifiait prendre des risques, non seulement pour soi-même, mais aussi pour celui ou celle qu'on aimait.

Elle, en particulier, savait à quel point il était imprudent d'aimer. La vie des rôdeurs était un chemin semé d'embûches, de combats, de souffrances. Ce n'était pas une vie faite pour construire un avenir stable avec quelqu'un. Mais malgré cela, Nim ne pouvait se résoudre à refouler ce qu'il ressentait. Son cœur avait pris cette décision pour lui, et aucun code, aucun interdit ne pourrait lui dicter ce qu'il devait faire de ses sentiments.

Il savait que leur relation serait mal vue, que les autres rôdeurs murmureraient dans leur dos, affirmant qu'il était imprudent, fou peut-être, de s'attacher ainsi à une autre âme. Mais peu importait. Le cœur de Nim appartenait à cette femme, et il était prêt à tout pour elle. Peu importe si leur amour était considéré comme une faiblesse par d'autres, il n'avait qu'une certitude : il finirait ses jours à ses côtés.

Mais il n'aura fallu qu'une mission. Une seule, celle qu'ils avaient entrepris ensemble. Nim, alors âgé de seulement vingt ans, perdit lors de cette mission la seule raison pour laquelle son cœur continuait de battre. Tout s'était effondré en un instant, et la promesse qu'il lui avait faite, celle de passer le restant de sa vie à ses côtés, ne se réaliserait jamais.

Il n'avait pas eu la chance de vieillir avec elle, de la voir chaque jour comme il l'avait espéré, mais elle, elle avait passé le restant de sa vie avec lui. Dans son esprit, dans chaque battement de son cœur, elle continuait d'exister. Son absence pesait sur lui comme une ombre permanente, imprégnant chaque moment de son existence d'une douleur sourde et implacable.

Alors qu'il observait l'horizon, le regard perdu dans l'immensité de l'océan, Nim pensa à elle. Il venait de frôler la mort, une fois de plus, et cette pensée le ramenait toujours à la même personne. Il ne se souvenait plus de son visage avec précision, ni du son de sa voix. Ces détails s'étaient estompés avec le temps, emportés par les vagues des années. Mais l'amour qu'il lui portait, celui-là, restait intact, ancré dans chaque battement de son cœur. Chaque jour, il continuait de vivre pour elle, pour honorer cette promesse silencieuse qu'il s'était faite après sa perte.

La mort, cependant, semblait se rapprocher inexorablement de lui et de son équipe. Ce pressentiment pesait lourd dans son esprit. Il espérait, lorsqu'il finirait par la croiser, que ce serait enfin la fin de ses tourments. Peut-être, en partant, la retrouverait-il dans l'au-delà, là où aucune mission, aucun combat, ne pourrait les séparer.