Chapitre 45

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Les cendres volaient dans l'air, portées par un vent presque imperceptible, s'élevant en volutes grises dans la lumière pâle du jour. Chaque grain semblait flotter, comme un souvenir éphémère de ce qui avait été. Pisani, autrefois une ville vivante, pleine de rires et de couleurs, n'était plus qu'un désert de mort. L'odeur âcre du brûlé imprégnait l'air, s'infiltrant dans leurs poumons, laissant un goût de métal sur leurs langues. Une odeur si forte qu'elle semblait coller à leur peau, à leurs vêtements, comme un rappel oppressant de la catastrophe.

Devant eux, le paysage s'étendait à perte de vue, uniforme et sinistre. Des bâtiments entiers avaient été réduits en décombres, leurs contours flous à travers la brume de cendres encore suspendue dans l'atmosphère. Des structures effondrées, leurs murs à moitié mangés par le feu, émergeaient des cendres comme des ossements, rappelant une bataille ancienne, une guerre perdue. Mais il n'y avait pas eu de bataille ici. Seulement une destruction totale, silencieuse, qui avait tout englouti dans son sillage.

L'équipe resta figée, comme pétrifiée par l'ampleur du désastre. Les battements de leurs cœurs semblaient se faire écho dans l'air lourd, le silence pesant les enveloppant, se resserrant comme un étau autour de leurs esprits. L'horreur se lisait sur chaque visage, leurs yeux élargis de stupeur face à cette vision cauchemardesque.

Dona, elle, avançait, chaque pas s'enfonçant dans les cendres molles qui crissaient sous ses pieds, une musique sinistre, presque irréelle. Chaque craquement, chaque froissement de ses vêtements était amplifié dans le silence, résonnant avec une netteté effrayante. Elle marchait lentement, comme en transe, les yeux rivés au sol, son cœur se serrant à chaque pas qu'elle faisait dans cet endroit maudit.

Elle avait vu la destruction avant. Elle avait vu des villes tomber, des villages être brûlés jusqu'à ne plus laisser qu'un souvenir. Mais ici, c'était différent. Ici, c'était Pisani. Ici, c'était l'endroit où elle avait vu Kerk, où elle avait cru à la possibilité d'une vie meilleure. Et maintenant, tout cela n'était plus qu'un amas de poussière et de cendres, soufflé par le vent indifférent.

« Comment... » Sa voix se brisa, étouffée par la bile amère de la désillusion qui montait en elle. « Comment... » répéta-t-elle, sans finir sa phrase, sans pouvoir articuler la fin de cette question qui n'avait, au fond, pas de réponse.

Le regard de John ne quittait pas Dona. Il pouvait presque sentir la douleur qui l'habitait, cette douleur muette qui semblait se répercuter dans l'air, emplissant l'espace autour d'eux d'un chagrin sourd. Il fit un pas vers elle, voulant poser une main sur son épaule, lui offrir un réconfort qui semblait à présent dérisoire face à l'ampleur de ce qu'ils voyaient.

Mais avant qu'il ne puisse faire un geste, Dona claqua des doigts, et en une fraction de seconde, elle disparut. Sa silhouette s'évanouit dans un souffle de cendres, se téléportant à l'endroit où tout cela avait encore un sens, à cet endroit où elle et Kerk avaient partagé des moments. Là où elle avait encore pu sentir la chaleur d'une présence humaine.

Là où l'espoir existait encore.

L'équipe resta en arrière, figée dans ce désert spectral. Le silence, qui les avait d'abord figés, devint maintenant assourdissant, presque suffocant. Chaque membre de l'équipe luttait contre ses propres pensées, contre la vérité implacable qui se tenait devant eux. Ils étaient entourés par la mort. Pisani n'était plus qu'une nécropole, chaque cendre soufflée étant un vestige d'une vie autrefois joyeuse. La désolation qui les entourait semblait s'étirer à l'infini, comme si elle avait dévoré le monde entier.

Leurs regards se croisèrent, empreints d'une profonde incompréhension, une terreur muette que personne n'osait exprimer. Comment quelque chose d'aussi brutal, d'aussi total, avait-il pu se produire si rapidement ? Ils avaient quitté cette ville pleine de vie, et maintenant, elle n'était plus qu'un fantôme.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant