Ostru: Fragments d'un Monde Déchu

Chapitre 23

Tous les regards se tournèrent vers les deux jeunes filles qui traversaient le hall du château, l'une tirant l'autre avec une énergie débordante. Itani, pleine d'assurance et d'audace, tenait fermement la main de Phran, la traînant derrière elle, sans laisser place à la moindre hésitation.

« Non ! Tu viens, Phran, c'est tout ! » déclara Itani d'une voix forte, presque théâtrale, qui résonna dans le grand hall. Son ton n'autorisait aucune contestation, et son attitude désinvolte attirait l'attention. Les conversations s'arrêtèrent, des regards curieux se tournèrent vers elles. Certains souriaient, amusés par l'enthousiasme d'Itani, tandis que d'autres soupiraient, lassés par sa tendance à attirer les projecteurs.

Phran, bien moins à l'aise avec cette démonstration publique, essayait timidement de se dérober, son regard fuyant croisant celui des spectateurs. Elle se sentait exposée, vulnérable.
« Mais Itani, tu sais que... » commença Phran, sa voix plus discrète, cherchant à trouver les mots pour arrêter son amie.

Mais Itani ne lui en laissa pas le temps. Elle se retourna brusquement, ses yeux flamboyant d'impatience, et la coupa avec une force qui trahissait son caractère impulsif et sa volonté inflexible.
« Arrête un peu ! » lança-t-elle, son ton mêlant irritation et conviction. « Tu te sous-estimes sans arrêt, alors que tu as clairement du potentiel. »

Phran fronça les sourcils, se sentant à la fois gênée et agacée par l'insistance d'Itani. Elle détestait être mise ainsi sur le devant de la scène, surtout lorsqu'elle ne croyait pas en ce qu'on essayait de lui faire croire. Elle s'arrêta un instant, cherchant à se libérer de la poigne d'Itani, et répondit avec frustration :
« Je ne me sous-estime pas ! » répliqua-t-elle avec force, mais son ton se radoucit aussitôt, comme si elle n'était pas sûre de ses propres mots. « Je m'estime, Itani. J'ai peut-être un potentiel, mais face à toi ou à Tom, ça ne vaut rien. Je ne me fais pas d'illusions... pas même d'espoir ! »

Elle tourna son regard vers les spectateurs qui les observaient toujours. Cette attention indésirable la rendait mal à l'aise. Elle baissa la voix, presque dans un murmure :
« Mon Essens est incompréhensible et inutile. Comment une mentor comme elle pourrait accepter une personne comme moi ? » Elle soupira, les larmes menaçant de couler. La pression qu'Itani lui mettait était lourde à porter. Phran avait l'impression de ne jamais pouvoir être à la hauteur de ce que son amie espérait d'elle. « Elle ne prendra jamais le risque de miser sur moi... »

Itani, sentant le désarroi de Phran mais refusant de la laisser sombrer dans ses doutes, baissa légèrement le ton. Elle fronça les sourcils, cherchant à tempérer sa propre frustration. Elle savait que Phran avait tendance à douter de ses capacités et, pour Itani, rien n'était plus agaçant que de voir quelqu'un s'empêcher de briller.

« Ce n'est pas parce que tu ne comprends pas encore ton Essens qu'il est inutile, » dit Itani, sa voix plus douce, mais toujours animée d'une passion inébranlable. Elle s'approcha de Phran, cherchant à capter son regard. « Ecoute, Phran... tu ne vois pas ce que je vois, mais peut-être que cette mentor, elle, verra ce que tu as en toi. »

Phran ouvrit la bouche pour répondre, prête à exprimer une objection, mais Itani ne lui en laissa pas l'occasion. Elle prit les devants, comme toujours. Le dialogue n'était pas vraiment son fort quand elle se fixait un objectif, et convaincre Phran d'accepter cette chance faisait partie de sa mission du jour. Sans un mot de plus, Itani se retourna et reprit sa marche déterminée, entraînant Phran avec elle.

Phran, résignée et fatiguée de résister, suivit son amie, bien que chaque pas la rapprochant de cette fameuse mentor lui semblait une erreur.

Elles finirent par s'arrêter devant la fameuse porte. Itani, impatiente, frappa avec une détermination déconcertante. Phran, quant à elle, soupira déjà à l'idée de ce qui allait suivre. Elle détestait se sentir exposée de cette manière, surtout face à quelqu'un d'aussi important que Ladis.