Chapitre 36

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Après plusieurs heures de trajet, Aster et Phran se retrouvaient dans un transport ouvert, gratuit certes, mais rudimentaire et loin d'être confortable. L'odeur âcre de sueur et de saleté envahissait chaque recoin du véhicule. Le transport, bondé jusqu'à craquer, semblait n'avoir jamais connu la propreté, les sièges étaient déchirés, des résidus d'immondices s'infiltraient dans les interstices du plancher, et la poussière collait à la peau.

Chaque passager se trouvait compressé contre les autres, les corps entassés les uns sur les autres dans une promiscuité étouffante. Ceux qui avaient la chance d'avoir une place s'accrochaient fermement à leur siège, tandis que ceux qui restaient debout se cramponnaient aux barres métalliques au-dessus d'eux, tâchant de garder l'équilibre malgré les secousses du transport.

Aster était collé contre Phran, son dos écrasé contre une autre personne qui semblait tout aussi épuisée que lui. Autour d'eux, des familles s'entassaient avec leurs maigres biens, leurs visages marqués par la fatigue et l'espoir d'une vie meilleure à Verdion. La chaleur était oppressante, accentuée par la masse humaine qui envahissait le véhicule. L'air devenait de plus en plus difficile à respirer, chargé des effluves de sueur, de poussière et d'autres odeurs désagréables.

Phran, les yeux bandés, ressentait chaque mouvement, chaque respiration étrangère, le poids d'inconnus contre elle. Le contact avec ces corps transpirants et fatigués l'écœurait profondément, un dégoût qu'elle n'arrivait pas à réprimer, bien qu'elle essayât de le dissimuler. Elle savait que ces gens, tout comme elle, n'avaient pas choisi cette vie. Ils étaient des victimes du système, poussés à prendre ce transport insalubre pour échapper à la misère de Docks et trouver refuge à Verdion, la ville cybernétique. Mais malgré cette compréhension, l'inconfort physique était difficile à ignorer.

Leurs visages étaient marqués par la lassitude, les yeux creusés par la faim et les privations. Certains murmuraient des prières, d'autres restaient silencieux, se contentant de fixer le vide, résignés. Chaque arrêt du transport déclenchait une vague de mouvements brusques, de coups d'épaule et de grognements, chacun tentant de ne pas être éjecté à l'extérieur par la foule toujours croissante.

C'était un spectacle désolant de pauvreté et d'espoir, où l'instinct de survie prenait le dessus sur toute dignité.

Au dernier arrêt, Aster tourna son regard vers Verdion, une ville qui tranchait violemment avec la désolation qui l'entourait. De loin, elle brillait comme une anomalie lumineuse dans ce paysage sombre et désolé. Les néons, hologrammes et structures cybernétiques illuminaient la ville d'une lueur artificielle, presque irréelle, donnant l'impression qu'elle appartenait à un autre monde, à une autre époque.

« On est arrivés, Phran, » dit doucement Aster en se redressant. Phran, accablée par la fatigue et oppressée par la foule, tenta de se relever. Le poids des personnes autour d'elle, la masse humaine compacte, rendait ses mouvements difficiles. Elle galérait à retrouver l'équilibre, mais avant qu'elle ne se perde dans ce tourbillon de corps, Aster lui prit doucement le bras. À sa grande surprise, elle ne réagit pas comme à son habitude avec une froideur distante, mais se laissa guider.

Lorsque le transport s'arrêta enfin, légèrement en dehors des portes de Verdion, c'était comme si une vague de désespoir et d'espoir mêlés déferlait en même temps. La foule se précipita vers l'extérieur, chacun luttant pour sortir en premier, comme si chaque seconde passée à l'intérieur les éloignait un peu plus du rêve de Verdion. Aster resserra sa prise sur le bras de Phran, l'empêchant d'être emportée par le courant chaotique des passagers.

Enfin, ils posèrent pied sur le sol poussiéreux, à quelques mètres de l'entrée de cette ville cybernétique. Devant eux, Verdion s'étendait comme une sorte de mirage à la fois futuriste et archaïque. Les bâtiments n'étaient pas gigantesques ni imposants. Au contraire, ils semblaient tirés d'un autre âge, des vestiges du monde d'avant l'apocalypse. Mais là où tout aurait dû être en ruine, les structures semblaient préservées, presque trop bien conservées. Les murs en béton, érodés par le temps, étaient recouverts de dispositifs cybernétiques et de projections holographiques, comme une peau artificielle cachant la décrépitude.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant