Chapitre 35

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Ils étaient en train de se disputer, comme ils l'avaient fait pendant des mois. John l'observait, la femme qu'il aimait plus que tout. Même alors qu'elle s'énervait contre lui, il ne pouvait s'empêcher de ressentir cette même tendresse inébranlable. Ses petits gestes, ses intonations de voix, tout en elle le ramenait à ces moments simples qui lui manquaient tant. Elle incarnait ce qu'il avait perdu et ce qu'il cherchait à retrouver, désespérément.

« John, écoute-moi... » commença-t-elle, sa voix tremblante, remplie d'émotion, mais avant qu'elle ne puisse continuer, John, plus jeune et déterminé, la coupa.

« Noémie, je t'écoute. Bientôt, je changerai la donne, je vous ferai justice. » Sa voix, malgré sa douceur, était ferme, teintée de la même résolution qu'il s'était promis de conserver à chaque rêve. Il voulait lui promettre que tout s'arrangerait, que cette souffrance prendrait fin, que leur histoire ne se réduirait pas à cette perte.

Mais, tout comme dans chacun de ses rêves, la scène tourna rapidement à l'irrémédiable. Avant même qu'elle ne puisse répondre, avant qu'ils ne puissent se retrouver, tout disparut en cendres. Noémie s'effaça lentement sous ses yeux, réduite en poussière par une force implacable. Il ne tenta pas de la rattraper. Il ne tenta même pas de courir, comme s'il avait accepté que cette scène se répéterait à jamais. Chaque nuit, ce cauchemar revenait, chaque nuit il revivait la perte. Mais cette fois, une différence résidait dans son cœur.

Cette fois, son cœur ne se brisa pas avec autant de violence. La douleur était là, familière, mais elle était étouffée par autre chose : une flamme de détermination. Il savait que ce passé ne pouvait être changé, qu'il ne retrouverait jamais Noémie. Mais il brûlait maintenant d'une volonté farouche de ne plus être piégé par ces regrets. Il était temps de regarder vers l'avant. Il ne pouvait plus changer le passé, mais il était prêt à tout pour changer l'avenir.

Les cendres virevoltaient encore autour de lui, s'effaçant dans le vent, tout comme Ophélie avait disparu dans ce même vide qui le hantait autrefois. Mais au lieu de courir après un mirage, John resta immobile, les poings serrés. Il s'était promis, cette fois, de ne plus être esclave de ce qui avait été.

Et tandis que le rêve s'effaçait comme une fumée dans l'obscurité, John se réveilla brusquement, son souffle court mais son esprit clair. Il soupira profondément, comme chaque matin, mais cette fois, il n'était plus seulement hanté par le regret. Une nouvelle détermination le guidait, plus forte que jamais. Il ne pouvait plus rien pour Noémie et Ophélie, mais il leur devait de changer ce monde, de le rendre plus juste pour ceux qui vivaient encore.


Il observa la pièce qui lui servait de chambre, encore plongée dans l'ombre du matin. Hier soir, on l'avait appelé pour lui annoncer que Tame s'était réveillé. Une nouvelle qui l'avait soulagé, mais qui signifiait aussi que l'heure des adieux approchait. Il était temps de reprendre la route. John se leva, ses gestes un peu lourds, presque réticents. Il se prépara rapidement avant de rejoindre l'équipe dans le salon. Aujourd'hui, tout allait changer à nouveau.

Il avait réveillé ses compagnons peu de temps après avoir rendu visite à Tame. Il leur avait annoncé que demain marquerait le début de leur nouvelle étape, le départ. Chaque mot avait été teinté de gravité, mais aussi de soulagement.

Dans le salon, Dona était assise près de Kerk, riant à ses blagues avec une aisance qu'elle n'avait retrouvée qu'en sa présence. Ce n'étaient pas des blagues particulièrement drôles pour les autres, mais pour Dona, elles étaient les plus hilarantes qu'elle ait jamais entendues. Son rire sonnait vrai, pur, et pourtant, chaque éclat de rire cachait une tristesse sous-jacente. Elle essayait de savourer chaque instant, comme si ces moments volés avec lui pouvaient combler le vide des cinq années sans sa présence.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant