Chapitre 27

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Six jours, et maintenant le septième. Phran et Aster ne pouvaient s'empêcher de compter le temps qui s'écoulait depuis qu'ils avaient entamé leur périple dans le désert brûlant d'Ubes. Chaque jour semblait plus long que le précédent, et avec la fatigue accumulée, chaque pas devenait une épreuve. Leurs pieds, enflés et brûlés par le sable, laissaient des traces dans la terre aride. La chaleur implacable du soleil avait attaqué leur peau, la desséchant jusqu'à l'os. Chaque souffle d'air sec leur déchirait la gorge.

Leurs vivres s'étaient épuisés il y a longtemps. Ils avaient dû, contre la volonté de Phran, se résoudre à voler de quoi survivre à de pauvres commerçants ou paysans errant dans ce même désert, eux aussi cherchant à échapper à quelque menace inconnue. Phran détestait l'idée, mais dans cet environnement, la survie primait sur toute morale. Ils n'avaient pas le luxe de penser aux autres ; la loi du désert dictait de s'occuper d'abord de soi. Ils devaient survivre, coûte que coûte. D'autant plus que les Counter, ces implacables traqueurs, avaient intensifié leurs recherches. À chaque instant, l'angoisse d'être découverts rôdait, rendant le sommeil impossible.

Le silence pesait entre eux. Depuis des jours, ni l'un ni l'autre ne parlait beaucoup. Ce n'était pas par choix, mais plutôt par une sorte d'accord tacite. Ils trouvaient un étrange réconfort dans ce silence, même si la rancune entre eux restait palpable. Leur relation ne s'était pas améliorée, mais Phran comprenait désormais qu'elle devait collaborer avec Aster si elle voulait s'en sortir vivante. Elle avait, pour le moment, mis sa rancœur de côté, laissant place à la nécessité. Le désert ne permettait pas les querelles.

Puis, au loin, après ce qui semblait être une éternité de marche sous un soleil de plomb, Aster aperçut enfin les contours flous de Lusiana. La vue de la ville fit éclore un sourire instantané sur son visage, un sourire qui contrastait avec la gravité des jours passés. Il poussa un soupir de soulagement, presque incrédule de se retrouver enfin à l'orée de la civilisation. Lusiana, avec ses murs imposants et ses tours surplombant le désert, était une oasis dans ce paysage désolé.

Il se tourna vers Phran, qui marchait toujours en silence à ses côtés. Elle avait progressivement appris à apprivoiser son obscurité. Ses autres sens semblaient s'aiguiser de jour en jour, et elle trébuchait moins souvent. Chaque geste était plus assuré. Pour Aster, c'était un soulagement. Au moins, elle ne risquait plus de ralentir leur avancée avec ses chutes. D'une voix rauque, brisée par la déshydratation et le long silence des jours précédents, il prit la parole :

« On est à Lusiana, Phran. » Sa voix, faible, s'éteignit brièvement sous l'effet d'une quinte de toux. Il s'éclaircit la gorge avant de reprendre. « Il ne reste plus qu'à passer les gardes, et on pourra enfin se reposer. »

Ces quelques mots apportèrent à Phran une vague de soulagement si intense qu'elle ne put retenir un sourire, le premier véritable sourire qu'Aster avait vu sur son visage. C'était un sourire de joie pure, presque enfantine, un sourire qui exprimait tout l'espoir refoulé, l'espoir qu'elle avait enterré dans les profondeurs de sa douleur. Contaminé par cette énergie soudaine, Aster sourit à son tour, bien que son sourire soit plus discret, presque surpris.

Phran poussa un long soupir, un soupir d'épuisement mêlé de soulagement. Elle se laissait enfin gagner par l'idée qu'ils étaient proches du but. Certes, il restait encore à passer la garde pour entrer dans Lusiana, mais cela semblait un obstacle bien moindre comparé au désert impitoyable qu'ils venaient de traverser. La chaleur étouffante, la soif constante, les nuits où l'angoisse empêchait le moindre repos... Tout cela appartenait désormais au passé.

Pour la première fois depuis longtemps, Phran sentit une étincelle d'espoir renaître en elle. Le pire semblait derrière eux. Le désert ne la rongerait plus, ne la mettrait plus à l'épreuve. À cet instant, elle se permit de croire que, peut-être, une fois à Lusiana, tout pourrait enfin aller mieux.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant