Sky Grimshade, tome 2

Chapitre 62 : Luna

Les jours se sont écoulés, et chaque matin, je me réveille avec cette sensation étrange, comme si tout était irréel. J'ouvre les yeux et prends un instant pour observer autour de moi. Le mur fuchsia, les posters qui décorent l'espace, les étagères remplies de bibelots colorés. Ce n'est pas ma chambre.

Je ne suis pas sur le campus. Non, cette pièce appartient à Emily, celle qui a insisté pour que je reste ici, entourée de chaleur et de lumière, loin de l'ombre de ce qui s'est passé. C'est sa chambre, pas la mienne, et chaque matin, la réalité me frappe à nouveau.

Je m'assois lentement sur le lit, mes doigts effleurant la couverture douce qui me recouvre. Encore une journée. Une de plus, où je dois me confronter à ce qui s'est passé, à cette fragilité qui m'envahit chaque fois que je pense à sortir de cette pièce.

Emily n'a rien dit lorsque Sky m'a ramenée ici. Elle s'est contentée de m'entourer de ses bras, de me murmurer que tout ira bien, qu'ici je pourrais guérir. Mais... est-ce seulement possible ?

Je laisse mon regard errer sur les posters, les photos d'Emily et de ses amis, des souvenirs de jours heureux. Une pointe de jalousie me traverse. Pourquoi ne puis-je pas être comme ça, insouciante et pleine de vie ?

Au fond de moi, je sais que je suis ici parce que tout a changé. Parce que retourner sur le campus, dans cette chambre qui était la mienne, c'est encore trop difficile.

La porte de la chambre s'ouvre doucement, laissant entrer une lueur plus vive. Lorianna se tient dans l'embrasure, ses cheveux roux tombant en cascade sur ses épaules. Elle me regarde, un léger sourire aux lèvres, mais ses yeux trahissent une pointe d'inquiétude.

— Bonjour, Luna, dit-elle doucement, sa voix pleine de cette chaleur maternelle qui m'apaise et m'effraie en même temps.

Je me redresse un peu, passant nerveusement une main dans mes cheveux. Elle vient tous les jours, soit pour m'apporter quelque chose à manger, soit simplement pour s'assurer que je vais bien.

— Bonjour, murmuré-je, ma voix rauque d'avoir trop peu parlé ces derniers jours.

Lorianna s'avance, tenant une petite assiette dans ses mains. L'odeur sucrée remplit immédiatement la pièce, et je reconnais des crêpes, empilées soigneusement, avec une touche de confiture à la fraise.

— J'ai pensé que tu aurais peut-être envie de commencer la journée avec quelque chose de doux, dit-elle en posant l'assiette sur la petite table de chevet.

Elle s'assoit sur le bord du lit, son regard se posant sur moi avec une tendresse que je ne suis pas encore habituée à recevoir. Elle est différente. Elle n'est pas ma mère, et pourtant, elle prend soin de moi d'une manière que je n'ai jamais connue.

— Comment te sens-tu aujourd'hui ? demande-t-elle, sa voix légère, sans pression.

Je prends une profonde inspiration, mes doigts jouant nerveusement avec le bord de la couverture. Comment je me sens ? C'est la question qu'on me pose tous les jours, et à chaque fois, je ne sais pas vraiment quoi répondre. Lorianna attend patiemment, sans me presser, son regard ancré sur moi, emplissant la pièce d'une douce chaleur.

— Je... je ne sais pas, avoué-je finalement, ma voix tremblante. C'est... difficile. Chaque matin, c'est comme si je devais me rappeler où je suis, pourquoi je suis ici...

Je sens les larmes monter, mais je les refoule, refusant de céder. Elle hoche la tête, son expression restant calme et bienveillante.

— C'est normal, souffle-t-elle. Tu as traversé beaucoup de choses, des choses que personne ne devrait vivre. Tu as le droit de te sentir perdue.