Chapitre 61 : Sky

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Je sors, suivant ma sœur dans le couloir. La porte de la chambre en face s'ouvre juste à ce moment-là, révélant ma mère, un plateau-repas dans les mains, toujours plein. Elle ne mange toujours pas. Un nœud se forme dans ma gorge à cette vision. C'est comme si chaque bouchée de nourriture lui rappelait qu'elle doit se battre pour quelque chose qu'elle ne sait même pas si elle mérite.

Mes yeux glissent vers l'intérieur de la chambre à travers l'ouverture. Elle est là, assise sur le bord du lit, jouant nerveusement avec l'élastique autour de son bras. Elle essaie de se calmer, de se contrôler. La voir de la sorte, perdue, si vulnérable, me brise un peu plus.

Comme si elle sentait ma présence, elle lève les yeux vers la porte. Nos regards se croisent, et c'est un coup au cœur. Son regard. Rempli de peur, de confusion, mais surtout, d'une profonde douleur. Et puis, presque aussitôt, ses yeux se remplissent de larmes, menaçant de déborder.

Je reste figé, luttant contre l'élan qui me pousse à la rejoindre, à la prendre dans mes bras. Mais je sais que je ne peux pas, pas maintenant. Alors, je fais ce que je peux : je reste là, immobile, laissant mes yeux lui transmettre ce qu'elle a besoin de comprendre.

— Luna, murmuré-je d'une voix rauque, à peine plus forte qu'un souffle, espérant qu'elle entende tout ce que je ne peux pas dire.

Dès qu'elle détourne le regard, je reprends mes pas, le cœur lourd. Je lutte contre l'envie de rester planté là, mais je sais que je ne dois pas la forcer. Pas maintenant. Chaque seconde passée devant cette porte est une épreuve, un rappel cruel de ce qu'elle traverse, de ce que nous traversons tous les deux.

Le couloir semble s'étirer à mesure que je m'éloigne. Derrière moi, le bruit de l'élastique claque, de plus en plus fort, l'écho de sa tension, de sa lutte intérieure. Ce simple son m'arrache de l'intérieur. Elle est là, si proche et pourtant si loin.

Je serre les poings, continuant à avancer.

Reste fort, je me répète, même si tout en moi hurle de revenir sur mes pas, de lui montrer que je suis là. Mais je sais que je dois lui laisser l'espace dont elle a besoin, autant que cela me tue.

Je descends les escaliers, les bruits familiers de la maison m'entourant. En bas, je retrouve tout le monde : mon père, oncle Loick, papi, et même Drew, mon meilleur ami. Dès qu'il me voit, il s'approche sans hésiter et me prend dans ses bras.

Je ferme les yeux un instant, m'accrochant à cette étreinte. J'en avais besoin, plus que je ne le pensais. Drew me relâche, puis s'avance pour serrer ma sœur à son tour. D'habitude, je l'aurais averti de ne pas la toucher, par instinct protecteur. Mais aujourd'hui, je n'arrive pas à dire quoi que ce soit. Parce qu'au fond, tout ce que je veux, c'est serrer Luna.

Cette envie brûlante me ronge, me consume à petit feu. La sentir dans mes bras, la protéger, lui montrer qu'elle n'est pas seule. Mais je dois attendre.

— Comment tu te sens, mon frère ? demande Drew, sa voix pleine de cette sincère inquiétude.

Je lève les yeux vers lui, essayant de rassembler mes pensées.

— Je fais ce que je peux, murmuré-je, évitant de trop en dire. Elle... elle a demandé après moi, apparemment, mais c'est compliqué.

Il hoche la tête, le visage grave. Il sait, peut-être mieux que personne, à quel point tout ça est difficile pour moi.

— C'est normal que ce soit compliqué, mec. Tu fais ce que tu peux, et c'est déjà énorme, dit-il doucement. T'as toujours été là pour elle, et elle le sait, même si elle a du mal à l'accepter en ce moment.

Je hoche la tête, mais l'envie de dire plus se coince dans ma gorge. Tout ce que j'ai en tête, c'est cette dernière image de Luna, recroquevillée dans la chambre, jouant nerveusement avec cet élastique autour de son bras. Elle est si proche, mais si loin.

Sky Grimshade, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant