Le navire fendit l'écume et s'amarra au port de l'île de Consolation, là où la brume flottait sur le sable de cendres.
Nara et une dizaine de passagers descendirent du navire pour se diriger vers l'autocar dont la seule destination était l'unique ville de l'île. Bien avant d'arriver devant le bus, Nara fit semblant de refaire très lentement les lacets de ses bottines pour le louper. Si elle voulait partir à la recherche de sa mère, elle ne pouvait pas se diriger vers la ville ; elle devait aller vers la base militaire qui se trouvait à l'opposé.
Elle savait, grâce à True, que l'île de Consolation était hautement surveillée. Elle était truffée de dispositifs de surveillance nécessitant beaucoup d'énergie or, la République n'en produisait pas beaucoup. Protéger ainsi ces terres volcaniques où rien ne poussait et où peu vivaient, ne laissait aucun doute pour Nara : il devait y avoir ici des installations précieuses pour lesquelles le Conseil était prêt à sacrifier une partie de ses ressources.
Elle repéra un véhicule militaire floqué du nom de la base garée, moteur tournant, le long de la route en bitume noir. Au loin, sur les vagues, approchait un petit navire privé. Nara paria sur le fait que le premier attendait le second et, qu'avec un peu de chance, elle avait raison. Elle pourrait ainsi se faufiler dans le 4x4 pour entrer dans cette forteresse. Pour cela, elle devait délaisser son corps humain et laisser place à l'esprit à huit pattes qui vivait en elle.
Une fois que le bus fut parti sans elle, la femme émergea de la brume stagnant au sol, et se rendit dans une cabane de pêcheur qui servait de lieu de rafraichissement aux voyageurs. Elle s'enferma dans une des cabines de toilettes et commença à se déshabiller dans ce lieu froid et humide.
— J'ai besoin de toi, murmura-t-elle, appelant la créature en elle.
Silence.
— Si tu m'aides, ajouta-t-elle en pliant soigneusement ses habits pour les cacher dans le réservoir des toilettes, tu pourras en avoir deux.
Vraiment ?!
— Vraiment, lui promit la femme.
Comment puis-je t'aider ?
— J'ai besoin que tu te glisses dans le véhicule qui attend au port jusqu'à ce qu'il arrive dans la base militaire.
D'accord.
— Quand tu seras dans la base, il faudra que tu me laisses reprendre forme humaine dans une salle où je pourrai trouver des vêtements ! Tu ne peux pas te permettre de faire ce que tu as fait aux sources chaudes. Je ne peux pas atterrir nue devant qui que ce soit aujourd'hui, précisa-t-elle sans plus un vêtement sur elle.
Évidemment.
Nara attrapa le couvercle du réservoir des toilettes et le remit en place pour cacher ses vêtements. Elle était désormais prête à laisser l'esprit de l'araignée voyager incognito jusqu'à la base. Ses yeux opaques se mirent à briller et s'emplir de reflets noirs et luisants. Lorsque les reflets se perdirent dans l'infini de ses pupilles, la bouche de Nara s'ouvrit pour laisser l'arachnide apparaître. Au fil de la descente de la créature vers le sol, la femme perdait de plus en plus conscience ; Nara disparu complètement au moment où le lien scintillant qui les liait se brisa. Libre, l'araignée courut aussi vite que possible vers le 4x4 et s'y introduit aisément.
Lorsque les passagers du navire accostèrent, ils s'installèrent effectivement dans le même véhicule qu'elle. Ils manquèrent de l'écraser, elle qui, par curiosité, vagabondait furtivement entre eux. Après une vingtaine de minutes d'une route sinueuse et endommagée, la délégation finit par arriver à destination. L'araignée fut la première à quitter la voiture et à courir vers un bâtiment dans l'espoir d'y entrer par une fenêtre. Elle s'introduisit par trois fenêtres avant d'en trouver une qui lui donna satisfaction et elle redonna à Nara sa forme humaine.

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LE MOIS DU VIDE
FantasyLes brumes bleues de l'archipel Indigo murmurent que le retour du Mois du Vide est inévitable. Cette période redoutée est une épreuve de taille pour Nara, la leader désignée de la rébellion Aijiro. Alors qu'elle s'efforce de coordonner la résistance...