Sur chaque bocal était collée une étiquette écrite au pinceau avec toute la légèreté et la dextérité que nécessitait l'alphabet aijiro.Un alphabet que l'on ne devait normalement plus voir sur l'archipel, à l'exception de la Vieille Ville, se permit de penser Bel en se promenant entre les étagères extrêmement bien rangées de l'apothicairerie Kurage. La fonctionnaire décida de passer outre ce détail administratif et de continuer sa visite du petit magasin.
Un grand bocal rempli de fleurs d'indigo attira son attention. Les sphères étoilées semblaient ne pas avoir séchées. Bel pencha la tête, pensive, elle ne savait pas que l'on pouvait utiliser ces fleurs autrement que pour des teintures.
— Y a-t-il quelqu'un à qui vous devez des excuses ?
Bel sursauta légèrement. Elle ne vit personne autour d'elle, jusqu'à ce que son regard soit attiré par une forme ronde et rose. Une vieille femme se tenait juste à côté d'elle, surmontée d'un chapeau de tulle mimant une méduse. Bel observa l'apothicaire Kurage avec tant de curiosité qu'elle en oublia de répondre à la question qu'elle venait de lui poser. Cette dernière la relança :
— Ou peut-être êtes-vous venue pour que quelqu'un vous fasse des excuses ?
— N... non, balbutia Bel.
— Alors vous n'avez pas besoin de fleurs d'indigo, déclara Kurage en tournant les talons.
Bel se mit immédiatement à la suivre, curieuse, elle lui demanda :
— Comment peut-on faire des excuses avec des fleurs d'indigo ?
— En les offrant.
— Et comment peut-on recevoir des excuses avec des fleurs d'indigo ?
— Cette réponse-là... n'est pas gratuite.
Bel hocha la tête en faisant une petite moue que la vieille femme intercepta immédiatement.
— Vous n'avez pas l'air convaincu du pouvoir de ces fleurs ?
— Ce sont de belles fleurs, mais je ne pense pas qu'elles soient assez jolies pour tout pardonner ou tout se faire pardonner.
Une grimace se forma aux coins des lèvres tombantes de l'apothicaire. Elle posa ses petits yeux pareils à des billes sur Bel et d'un ton sec lui expliqua :
— Si elles étaient assez jolies pour qu'une impératrice les offre à son âme sœur pour gagner son pardon, je suis sûre qu'elles sont assez jolies pour nous autres, pauvres mortels !
Cette remarque laissa Bel dans un état de gêne particulièrement intéressant car, le charisme de la gérante était désormais devenu inversement proportionnel à sa taille.
Kurage finit par soupirer, un soupir que Bel prit très personnellement, avant de passer derrière son comptoir. Elle monta sur un escabeau pour arriver au-dessus de la tablette en bois et interrogea sa cliente :
— Vous êtes dans un magasin, c'est sûrement pour y acheter quelque chose ? Elle regarda la femme avec son bob de fangirl et son pull couvert d'une immense photo du membre le plus jeune du groupe. Bel sentait clairement qu'elle était en train d'être jugée. La vieille femme demanda à la plus jeune, très sérieusement : vous avez peut-être besoin d'un thé contre l'obsession ? J'en ai un qui marche particulièrement bien...
Piquée, Bel croisa les bras par-dessus sa veste pour cacher son pull et, avec lui, la photo de ce garçon qui avait presque la moitié de son âge. Il était évident pour Bel que Mona ne lui avait pas imposé cet habit par hasard mais pour l'effet gênant qu'il était présentement en train de lui faire subir. Pour disperser son embarras, Bel changea de sujet :

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LE MOIS DU VIDE
FantasyLes brumes bleues de l'archipel Indigo murmurent que le retour du Mois du Vide est inévitable. Cette période redoutée est une épreuve de taille pour Nara, la leader désignée de la rébellion Aijiro. Alors qu'elle s'efforce de coordonner la résistance...