— Il y a des centaines d'objets rares dans cette pièce et c'est une vitrine vide qui vous intéresse le plus ?
La femme se retourna aussi vite qu'une bête acculée dans un coin et lança son plumeau droit vers la voix.
True eut à peine le temps de faire pivoter ses épaules couvertes des froufrous de sa chemise pour éviter l'objet qui se dirigeait vers lui telle une flèche possédée par le démon de la vitesse. Il posa des yeux éberlués sur Nara. Cette dernière s'était positionnée bas sur ses appuis, les poings serrés de part et d'autre de sa poitrine. Il observa un instant cette scène puis s'écria en un souffle :
— Vous êtes complètement cinglée ?!
Visiblement, il ne lui inspirait toujours aucune menace, mais la voix de Nara resta tendue lorsqu'elle lui demanda :
— Que faîtes-vous ici ? M'avez-vous suivie ? Si mon employeur pense que j'invite des intrus chez lui, je vais perdre mon travail ! Elle se permit d'ajouter : pas que ça ne vous parle, le travail, j'imagine...
True mordit son épaisse lèvre inférieure, clairement vexé, mais il ne se laissa pas impressionner. Cela étonna manifestement la femme qui pencha la tête sur le côté avant de lui demander :
— Ne me dîtes pas vous avez envie que je vous sorte de force ?
Elle se mit à avancer doucement vers cet homme qui semblait être fait tout de vagues ; des vagues dans les iris de ses yeux bleus, des vagues sur les mèches de son épaisse chevelure blonde, des vagues sur la fine peau de ses lèvres pâles, des vagues sur le léger tissu de sa luxueuse chemise, des vagues à l'âme... Elle s'arrêta devant lui et, bien qu'une tête les séparait, elle le toisa mentalement, instantanément.
— Déguerpissez d'ici, True Faith, lui ordonna-t-elle calmement. Je vous avais dit que je viendrais vous trouver pour discuter de nos affaires. Ici, n'est pas l'endroit. Et vous avez sûrement fort à faire ailleurs à l'heure qu'il est. N'avez-vous pas un siège pour lequel vous devez vous battre avec vos précieux amis d'enfance, par exemple ?
True se mit à glousser avant de lui répondre.
— Je me demande, il lut le nom inscrit sur le badge accroché sur le tablier de la femme, Mademoiselle Kang, s'il n'y a qu'à moi que vous osez parler ainsi ? Je n'ai jamais croisé un Aijiro osant parler ainsi à un Valtais. Et, je me demande, il détacha son regard du badge et le fit glisser le long du col de la robe de la femme vers son menton pointu puis son petit nez avant d'échouer dans la nuit de ses yeux, si vous oseriez parler ainsi à votre employeur ?
— Je viens de vous dire que j'ai besoin de garder ce travail. Pour moi, c'est la façon la plus simple de voyager entre la Vieille Ville et la Nouvelle Capitale. Bien sûr, que je ne parlerais jamais ainsi à la personne qui me permet de le faire.
True se pencha vers elle, non sans une légère appréhension, jusqu'à ce que leurs visages se fassent parfaitement face. Il se permit même de sourire avant de déclarer avec une pointe de sarcasme :
— Alors vous devriez mieux me parler.
Nara était hébétée mais il ne la laissa pas cogiter trop longtemps. Il pointa les immenses tableaux qui trônaient en hauteur sur les murs pour dissiper le peu de doutes qu'elle pourrait encore avoir. Elle remarqua enfin les portraits de trois hommes aux cheveux blond glacé, de la même couleur que ceux de True. Des cartels sous les tableaux précisaient : Athan Faith 2820-2920, Calen Faith 2900-3000 et Magnus Faith 2940-3012.
True pointa ensuite un dernier portrait plus récent.
Nara écarquilla les yeux.
— Je travaille pour vous ?! s'exclama-t-elle en fixant l'oeuvre où était peinte la copie conforme de ce sourire qu'il était en train de lui exposer.

VOUS LISEZ
LE MOIS DU VIDE
FantasíaLes brumes bleues de l'archipel Indigo murmurent que le retour du Mois du Vide est inévitable. Cette période redoutée est une épreuve de taille pour Nara, la leader désignée de la rébellion Aijiro. Alors qu'elle s'efforce de coordonner la résistance...