8 - BEL

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Bel était assise en face du bureau de Brightbourne depuis : toute la fin de soirée dernière + huit heures.

Elle s'était profondément endormie entre 01h00 et 04h00 du matin. Elle s'était réveillée en sursaut un peu avant 06h00 pour attraper l'uniforme de rechange qu'elle gardait toujours dans un des tiroirs de son bureau. Histoire de ne pas croiser ses collègues en jogging et de préserver le peu de fierté qui lui restait devant ceux qui, contrairement à Brightbourne, avaient de l'estime pour elle. Finalement, elle ne fut à l'affût de la venue de son chef qu'à partir du moment où les rayons du soleil se mirent à percer franchement la brume bleue.

Elle avait eu beaucoup de temps pour observer le bureau parfaitement rangé de Brightbourne. Parfaitement rangé, car parfaitement vide. Vide, pas parce que l'homme aimait particulièrement l'ordre mais parce qu'il avait une capacité hors normes à déléguer toutes ses tâches.

L'utilisateur très spartiate du bureau arriva après 10h00 du matin. En somme, comme à son habitude. Il portait l'uniforme brun du Ministère de la Mémoire, qui l'engonçait beaucoup moins que ses costumes personnels. Ses yeux étaient cachés derrière des lunettes de soleil et ses cheveux blancs étaient moins bien gominés que d'ordinaire. Il avait la tête de quelqu'un qui s'était pris le train de la réalité en pleine figure alors qu'il tentait de s'échapper sur les rails de l'irresponsabilité.

Après lui avoir adressé un bonjour, qu'il ignora royalement, Bel continua de l'observer en silence. Elle remarqua d'abord qu'il se grattait frénétiquement le cou comme si quelque chose le démangeait affreusement. Elle aperçut ensuite, juste au-dessus du col de sa chemise, des entailles qui semblaient former une marque qu'elle n'arrivait pas à distinguer correctement. Enfin, elle vit sur son col plusieurs petites tâches de sang qui avaient transpercé le tissu beige. Elle trouva cela très inhabituel, pour un homme aussi propre sur lui que Brightbourne, que de venir au travail en ressemblant à un déchet et en se grattant comme s'il avait des puces. Elle n'osa cependant pas lui demander ce qui lui était arrivé ; elle n'en avait ni le courage, ni l'intérêt. De plus, il était dans un tel état qu'elle était presque certaine que même lui ne connaissait pas la réponse à cette question. 

Il finit par s'asseoir dans son énorme fauteuil blanc ; il se mit à fouiller dans la poche intérieure de sa veste et lança ce qu'il y avait trouvé sur le bureau entre eux.

— Vos 300 devises, bougonna-t-il. Avant que vous n'alliez dire au Ministre que je vous rackette.

Bel prit l'argent et se mit rapidement à le compter.

— Surtout ne perdez pas le Nord, Khan, comptez bien votre fric et continuez sur votre lancée impertinente d'hier soir.

Une fois qu'elle s'était assurée que le compte y était, elle leva vers lui ses yeux où se mélangeaient les couleurs d'un automne orangé à celles d'un printemps verdoyant.

— Je ne suis pas en train de vous manquer de respect, Monsieur. Je vous attends depuis hier soir, comme vous me l'avez demandé.

Il bailla ostensiblement avant de répondre :

— J'avais l'intention de vous rejoindre en quittant le Quartier Ouvert hier soir mais j'ai dû trop boire et j'ai dû tomber dans les pommes quelque part. Il se gratta le cou en continuant d'ensanglanter son col. Je me suis réveillé dans mon lit ce matin sans aucun souvenir d'y être allé. Ce qui fait que je n'ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir à votre sort... mais, heureusement, votre idole m'a appelé il y a quelques minutes et m'a donné une idée.

Bel fronça les sourcils.

— Mon idole, Monsieur ?

— Sternheart.

LE MOIS DU VIDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant