Les semelles de mes bottines s'enfoncent dans le sol boueux alors que j'avance dans l'obscurité. La pluie, qui a battu le pavé sans relâche durant des heures, a laissé des flaques d'eau stagnante qui réfléchissent les rares lumières des réverbères. Le ciel est d'un gris lourd, chargé de nuages menaçants, et l'air est frais, presque glacial, avec une humidité qui s'infiltre dans mes vêtements. Chaque pas que je fais génère un bruit sourd, un léger éclaboussement qui résonne dans le silence pesant de la nuit.

Les arbres bordant le chemin, leurs branches dénudées, semblent se pencher vers moi, comme s'ils essayaient de me murmurer des avertissements. Un frisson me parcourt, mais je continue d'avancer, le cœur battant à tout rompre. Je suis déterminée à atteindre le commissariat, même si chaque seconde passée sous cette pluie battante me rend plus nerveuse.

Lorsque j'aperçois enfin le poste de police, je m'arrête à une certaine distance, mon regard scrutant les alentours à la recherche de caméras de sécurité. Effectivement, elles sont là, fixées sur les murs comme des yeux omniprésents. Je me demande si je peux livrer ce que j'ai à dire sans que les personnes qui ne sont pas au courant de l'accord que j'ai passé avec cet homme sachent que c'est moi.

Rabattant la capuche de mon pull sur ma tête pour dissimuler mon visage, je sors mon téléphone de la poche de mon jean et clique sur la vidéo que j'ai enregistrée. J'ai vite fait de supprimer celle de Hunter et les autres, ne voulant pas prendre le risque que quelqu'un d'autre la voie.

Avalant difficilement ma salive, je compose le numéro de Hunter. Après ce qui s'est passé aujourd'hui sur la route, je ne me sens plus en sécurité. Et puis, j'ai l'impression que ces derniers temps, Hunter fait tout pour me faire péter un câble. Lorsque Riley et moi sommes arrivés chez lui aujourd'hui, il n'était pas là, il n'y avait personne. J'ai appris par Tessa que Parker lui avait confié une mission et qu'ils étaient partis avec les autres au Canada. D'après ce qu'elle m'a dit, ils comptent revenir demain.

Ça ne me plaît pas particulièrement que ce soit elle qui me l'ait dit, plutôt que lui. Tessa est adorable comme fille, et même si c'est son ami, j'aurais aimé l'apprendre de sa propre bouche, à croire qu'elle a plus d'importance que moi.

Mon ego en a sacrément bavé, parce que le coup qu'il s'est pris est vraiment grand.

Ça sonne, mais il ne décroche pas.

Je pousse un soupir, mes mains moites trahissant mon anxiété, et je m'autorise enfin à m'avancer vers le commissariat. Je lève la tête pour croiser le regard des caméras, mais je sais que c'est inutile, puisqu'il y en a probablement à l'intérieur.

Lorsque je franchis le seuil du commissariat, une odeur de désinfectant et de papier jauni me frappe le nez. L'espace est vaste, mais il semble étrangement froid et impersonnel. Les murs, peints d'un gris pâle, sont ornés de quelques affiches de prévention, rappelant aux visiteurs l'importance de signaler tout comportement suspect. Des bancs en métal, aux coins usés, sont disposés le long des murs, offrant un endroit pour s'asseoir, bien que peu de gens semblent y prendre place.

À ma droite, un comptoir en bois sombre est surmonté d'un verre de sécurité, derrière lequel se tiennent deux policiers. L'un d'eux, un homme d'une quarantaine d'années, porte une barbe soigneusement taillée et des lunettes qui glissent légèrement sur son nez. Il scrute les documents étalés devant lui avec une concentration intense. Son uniforme, bien ajusté, arbore des insignes qui brillent sous les lumières fluorescentes.

L'autre policier, plus jeune, peut-être dans la vingtaine, a l'air détendu, bien qu'il soit attentif à son environnement. Il a les cheveux courts et une expression amicale qui contraste avec le sérieux de l'endroit. Il échange quelques mots avec une femme qui attend de l'autre côté du comptoir, lui offrant un sourire rassurant.

Au fond de la pièce, une série de bureaux est occupée par d'autres policiers, chacun plongé dans ses tâches. L'un d'eux, une femme à la chevelure brune tirée en un chignon soigné, consulte des dossiers avec une rapidité impressionnante. Son regard est déterminé, et elle semble parfaitement à l'aise dans cet environnement. À côté d'elle, un homme au visage marqué par le temps, probablement un vétéran de la police, tape sur son clavier avec une dextérité qui trahit des années d'expérience. Ses yeux sont perçants, et il scrute parfois la salle comme s'il pouvait lire dans les pensées des visiteurs.

C'est alors que je me tourne vers le policier qui m'a remarquée. Il se lève de son bureau, un sourire accueillant illuminant son visage. Il est grand, avec une carrure musclée, et son uniforme est impeccable, chaque pli soigneusement repassé. Ses cheveux, d'un blond cendré, sont coupés court, et son regard, bienveillant, inspire instantanément confiance.

- Asseyez-vous s'il vous plaît, mademoiselle, dit-il d'une voix profonde mais douce, invitant à prendre place sur l'une des chaises en plastique noir qui entourent son bureau.

Je m'approche lentement, mes mains moites trahissant mon anxiété. En m'asseyant, je remarque que le bureau est encombré de dossiers, de tasses de café vides et d'un ordinateur qui clignote. Il me fixe avec une attention qui me fait sentir à la fois écoutée et vulnérable.

La pièce, bien qu'un peu austère, est animée par le murmure des conversations et le bruit des imprimantes qui fonctionnent en arrière-plan. Les policiers échangent des plaisanteries, créant une atmosphère de camaraderie, mais je ne peux m'empêcher de ressentir une tension palpable en moi.

Je prends une grande respiration, essayant de calmer mon cœur qui bat la chamade. Ce lieu, avec son ambiance à la fois rassurante et intimidante, est désormais le cadre de ma déposition.

- Je suis là pour une déposition, articulai-je, la voix légèrement tremblante.

Le policier me lance un sourire rassurant, me faisant signe de continuer. Je sais que je dois me concentrer, mais l'angoisse me serre la poitrine. Je m'efforce de rassembler mes pensées, consciente que chaque mot que je vais prononcer pourrait avoir des conséquences.

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