Le Destin d'Aëdan [Original Story]

Chapitre 33 : Disparition d'enfants

Nous quittâmes For'Nian à l'aube, lorsque la ville se réveillait à peine. Le ciel, encore teinté d'un bleu profond, s'éclaircissait doucement à l'horizon, laissant place à des nuances d'orange et de rose. L'air était frais, chargé d'une humidité matinale qui s'accrochait à la peau et aux vêtements. Je sentais chaque inspiration remplir mes poumons d'une pureté vivifiante, un contraste frappant avec l'atmosphère souvent lourde de la ville.

En nous éloignant des remparts, le paysage s'étendit devant nous, dévoilant des plaines vallonnées, encore perlées de rosée. Les herbes hautes, d'un vert argenté sous la lumière naissante, ondulaient doucement sous la brise. Le murmure du vent, mêlé au chant timide des oiseaux qui saluaient le jour, créait une harmonie apaisante. J'entendais aussi le craquement régulier de nos pas sur le sol meuble, un rappel discret mais constant de notre progression.

Mes pensées, pourtant, étaient loin de cette sérénité. For'Nian et tout ce que j'y avais vécu pesaient encore lourd sur mon esprit. La mission, le poison, Lefournis... Les images tourbillonnaient dans ma tête, refusant de s'apaiser. Mais ici, dans cette immensité ouverte, les remords semblaient s'atténuer, comme dispersés par le vent. Pourtant, un frisson me parcourait parfois, comme si l'air lui-même portait des murmures d'avertissement.

Erina marchait à mes côtés, silencieuse, son regard fixé sur l'horizon. Je me demandais ce qu'elle voyait, ce qu'elle pensait. Elle avait ce don étrange de paraître à la fois si proche et si inaccessible. Par moments, ses yeux dorés captaient un éclat de lumière, et je ne pouvais m'empêcher de me demander si elle trouvait dans ce voyage ce qu'elle cherchait.

Le soleil montait lentement dans le ciel, réchauffant l'air et faisant scintiller les gouttelettes de rosée comme des diamants éphémères. Une douce odeur d'herbe fraîche et de terre mouillée flottait autour de nous. Par endroits, des fleurs sauvages éclaboussaient les plaines de touches de couleur : des jaunes vifs, des pourpres intenses, des blancs éclatants. Je me surpris à ralentir pour observer ces détails, à m'émerveiller devant la simplicité de la nature après tant de chaos. Mais même dans cette splendeur, un bruissement lointain ou l'ombre fugace d'un rapace me ramenaient à la réalité : cette paix ne durerait pas.

Nous fîmes halte près d'un bosquet pour déjeuner. Les arbres, aux troncs noueux et couverts de mousse, formaient une ombre agréable, nous protégeant du soleil désormais plus ardent. Je sortis une miche de pain et un morceau de fromage de mon sac, appréciant la simplicité de ce repas. L'air était empli d'un mélange de senteurs boisées et légèrement sucrées, comme si les arbres eux-mêmes respiraient autour de nous.

« C'est paisible, » dis-je enfin, brisant le silence.

Erina hocha la tête, son expression adoucie. « Oui, mais trompeusement paisible. »

Je savais ce qu'elle voulait dire. Chaque calme dans ce monde semblait n'être qu'un prélude à une tempête, une trêve fragile avant que le chaos ne reprenne. Pourtant, je m'accrochai à ce moment, savourant le répit qu'il offrait.

Nous reprîmes la route peu après, suivant un sentier qui serpentait entre les collines. La lumière du jour atteignait désormais son apogée, et les ombres s'étaient raccourcies, laissant le paysage baigné d'un éclat doré. Des insectes bourdonnaient autour de nous, et par moments, le cri lointain d'un oiseau de proie perçait l'air. Les collines se succédaient, parfois ornées de buissons de baies rouges ou de racines tordues sortant de la terre comme les doigts d'une ancienne créature endormie.

Mes pensées dérivèrent vers Isil. Je me souvenais des journées passées à parcourir des paysages similaires avec elle, à parler de tout et de rien. Je pouvais presque entendre son rire, doux et mélodieux, se mêler au vent. Ces souvenirs, bien que douloureux, m'apportaient une étrange forme de réconfort, comme une présence intangible mais bien réelle.