Chapitre 17: Styx

11 1 0
                                    

Une démone, voilà ce qu'était Lorin. Telle fut la première pensée qui me traversa l'esprit lorsque, l'instant d'avant, je la vis pulvériser des soldats sans sourciller. Sur son visage flottait encore ce sourire indéchiffrable, comme si elle valsait avec la Mort en personne. Nous nous hâtions désormais à travers des ruelles plus sombres et étroites, fuyant les remparts intérieurs d'Azmar. J'avançais en tête, incertain de la direction à prendre.

« Droite ou gauche ? »,  chuchotai-je, mais Lorin garda le silence, le regard vide.

Sa conscience vacillait-elle ? Éprouvait-elle des remords ? Difficile à dire : elle était de ces âmes qui savourent la puissance pour mieux la dompter. Avant que je ne puisse m'interroger davantage, un nouveau péril surgit : une patrouille elfique nous bloqua la route, menaçant de leurs hallebardes. Cinq soldats hurlèrent un flot d'ordres indistincts, d'autres accoururent en renfort, et en un battement de cœur, nous fûmes encerclés.

« Lorin, si tu as un plan, c'est le moment, » lançai-je, la gorge nouée.

Elle ne répondit pas, le visage blême.
Pourquoi cet air absent ? Pestant, je sortis l'épée que Lefournis m'avait léguée lors de notre fuite nocturne. Peut-être pouvais-je gagner du temps. Saurais-je protéger Lorin... elle qui, pourtant, s'avérait si redoutable ?

Je songeai à la fois où j'avais vaincu Isil, maîtresse de l'école Oblivion, et un bref sourire d'assurance se peignit sur mes lèvres. J'ai déjà terrassé un adversaire de haut rang...

« Aëdan, ferme les yeux ! » cria Lorin, mais je ne l'entendis pas.

J'hurlai à mes assaillants :
« Approchez, bande de porcs !

- Aëdan ! répéta Lorin, se plaçant devant moi, comme pour me stopper.

- Ferme les yeux, c'est un ordre, insista-t-elle, l'air fébrile.
- Hors de question que tu les massacres encore, » protestai-je.

Son visage se rapprocha dangereusement du mien, son regard flamboyant. L'instinct me hurla qu'elle pourrait me frapper si je persistais. Soudain, une voix masculine, saturée de perfidie, retentit derrière nous :

« Voyons, Lorin... laisse donc faire le garçon. »

Nous pivotâmes ensemble. Un homme se tenait là, imposant, cheveux noirs flottant au vent, un rictus moqueur aux lèvres. Il ne portait aucune arme apparente, mais un frisson me parcourut : il dégageait une aura imposante, comme un puits de magie latent. Les Elfes, irrités par cette apparition, s'apprêtaient à charger.

« Qui est-il ?  me demandai-je. Et depuis quand se tient-il là ?

- Vous êtes en état d'arrestation ! » tonna un lieutenant elfe, brandissant sa hallebarde.

Je pris une longue inspiration, prêt à défendre Lorin malgré tout. L'inconnu cependant leva la main et s'adressa à moi :

« Mon garçon, ferme les yeux et respire. Dessine mentalement l'arme que tu tiens, imagine-la se multiplier. Laisse-toi guider par ta volonté. »

Interloqué, j'obéis, même si tout me paraissait absurde. Je sentis la poignée de mon épée, en dessinais mentalement les courbes.

Qu'espérait-il obtenir ?

Je rouvris la bouche pour protester, lorsque l'homme s'écria, ébahi :

« N'est-ce pas magnifique ? »

J'ouvris alors les yeux... et mon cœur s'arrêta : autour de moi lévitaient des dizaines d'épées identiques à la mienne, miroitant d'une lueur surnaturelle. Elles tremblaient légèrement, comme prêtes à fondre sur l'ennemi. Les Elfes reculèrent d'effroi.

Le Destin d'Aëdan [Original Story]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant