Chapitre 58 : Sur le champs des Oubliés

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L'aube filtrait difficilement à travers une brume épaisse, enveloppant For'Leona comme un linceul. L'air était lourd, chargé d'humidité et du parfum âcre des cendres. Sous mes pieds, le pavé était glissant, et je pouvais encore sentir l'odeur du sang qui s'élevait des ruelles sombres. For'Leona, la ville des lumières, était devenue une ville fantôme, hantée par les spectres de la nuit.

Nous partions enfin, laissant derrière nous les ruines fumantes et les souvenirs douloureux. Le chemin qui menait à For'Mor serpentait à travers des collines arides et des plaines désertiques. Loin de la puanteur des ruelles crasseuses, un silence presque irréel nous enveloppait. Seul le crissement de nos pas sur le sol poussiéreux et le chant des oiseaux brisaient la quiétude du matin.

Styx marchait devant, son dos raide, son silence pesant. Je n'avais pas besoin d'être devin pour comprendre qu'elle était troublée. Elle n'avait pas dit un mot depuis notre départ du manoir, son visage fermé et sombre. Moi non plus, d'ailleurs. Le souvenir du nom prononcé par Camilla résonnait encore dans mon crâne, comme un mauvais présage. Velzareth. Un nom que je n'avais jamais entendu auparavant. Un nom qui, à lui seul, avait suffi à faire vaciller Styx, la déesse implacable.

Sylthis, perchée sur mes épaules, observait le paysage avec émerveillement. Ses ailes frémissaient légèrement, captant chaque nouvelle sensation avec la curiosité propre aux enfants. Elle se tortillait pour mieux voir les montagnes qui se dressaient à l'horizon, les forêts denses qui bordaient le chemin, et les rivières argentées qui serpentaient à travers les plaines.

«Tout est... si grand», s'exclama-t-elle, la voix remplie d'émerveillement.

Je souriai légèrement. «C'est la première fois que tu vois un vrai paysage, n'est-ce pas ?», demandai-je.

«Je crois...», murmura-t-elle, son front se plissant dans un effort de concentration. «Je me souviens seulement de murs en pierre. De cages. D'endroits sombres. Mais c'est flou.» Elle ferma les yeux, comme si le simple fait de se souvenir lui causait une douleur intense.

Daemon, qui trottait nonchalamment à nos côtés, échangea un regard avec moi. Nous savions tous les deux que Sylthis n'était pas une enfant ordinaire. Son passé était un mystère, et ses souvenirs étaient fragmentés, comme les morceaux d'un miroir brisé. Et pourtant, à cet instant, elle ressemblait simplement à une gamine émerveillée par le monde, oubliant pour un temps les ténèbres qui la hantaient.

Le paysage changea progressivement. L'herbe jaunie laissa place à une terre sèche, durcie par le temps et le soleil brûlant. Des arbustes épineux et des rochers nus parsemaient le sol, témoignant de la rudesse du climat. Puis, plus loin encore, les vestiges du passé apparurent, comme des cicatrices sur le visage de la terre.

Des ruines. Un champ de bataille oublié.

Je m'arrêtai inconsciemment, mon regard glissant sur le sol jonché de débris. Les fragments de statues brisées se mêlaient aux restes d'armures rouillées, témoignant d'une bataille ancestrale. Des lames étaient encore plantées dans la terre, comme des stèles silencieuses marquant la tombe de guerriers oubliés. Le vent souffla, soulevant une fine poussière rouge qui dansait dans l'air comme les fantômes du passé.

Sylthis se figea, ses yeux écarquillés par l'horreur.

«C'est quoi... tout ça ?», murmura-t-elle, la voix tremblante. Elle désigna un casque fissuré, à moitié enfoui dans le sol, ses bords rongés par la rouille.

«C'est un ancien champ de bataille», répondit Styx, sa voix résonnant avec gravité. «Celui de la guerre de Karma.»

Je fronçai les sourcils. «Karma... »

Le Destin d'Aëdan [Original Story]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant