Le Destin d'Aëdan [Original Story]

Chapitre 46 : Les dernières heures

Le silence qui accompagnait notre retour à For'Nor était plus lourd que jamais, un poids invisible qui écrasait chacun de mes pas. Styx ouvrait la marche, son manteau noir flottant légèrement dans le vent glacial. Ses traits étaient figés dans une expression qu'il était impossible de lire, mais je devinais la tempête qui grondait derrière ses yeux sombres. Erina, quant à elle, gardait les bras croisés, ses épaules voûtées par une fatigue bien plus émotionnelle que physique. Quant à moi, un mélange de honte et de frustration me rongeait.

J'ai échoué.

Lorsque les portes massives de la salle principale du quartier général se refermèrent derrière nous, Nicolaüs leva immédiatement les yeux de la carte qu'il étudiait. Sa silhouette imposante, malgré son âge, semblait dominer la pièce. Ses traits marqués par les années de combat se durcirent dès qu'il croisa mon regard. Il n'avait pas besoin de mots pour comprendre que notre mission s'était soldée par un échec.

Le chef de la Résistance était un roc, mais à cet instant, même lui ne pouvait masquer l'ombre de déception qui passa dans ses yeux. « Alors ? » lança-t-il, sa voix tranchante brisant le silence. Elle résonna contre les murs de pierre nus, amplifiant la tension.

Je pris une profonde inspiration, cherchant des mots qui ne viendraient jamais adoucir le coup. « Les négociations ont échoué. L'empereur elfique est déterminé à unifier Forté sous sa bannière. Hazard, son porte-parole, a laissé entendre que l'attaque est inévitable. »

Le silence qui suivit était assourdissant. Nicolaüs plissa les yeux, ses doigts se refermant sur le bord de la table. « Et cet objectif d'unification, vous semble-t-il sincère ? » demanda-t-il, sa voix à la fois calme et perçante, comme celle d'un homme qui voulait croire à une impossibilité.

Styx, toujours debout à mes côtés, croisa les bras, son ton glacial perçant comme une lame. « Peut-être sincère, mais certainement pas désintéressé. Ce que l'empereur appelle "unification" n'est rien d'autre qu'une occupation déguisée. La guerre qu'il propose n'apportera rien de durable, si ce n'est davantage de ruines. »

Nicolaüs resta immobile, ses yeux d'acier fixés sur la carte. Il pesait chaque mot, chaque implication, comme un général contemplant les pièces sur un échiquier dont il ne pouvait contrôler toutes les règles. « Et leur armée ? Leur moral ? » demanda-t-il finalement.

Erina redressa légèrement les épaules, son visage s'animant malgré la lassitude qui pesait sur elle. Sa voix était ferme, presque didactique. « Ils sont impeccables. Organisés, disciplinés, confiants. Leur campement est un modèle de perfection militaire. » Elle fit une pause, hésitant un instant avant d'ajouter : « Mais peut-être que leur confiance est aussi leur faille. »

Je pouvais presque voir l'engrenage tourner dans l'esprit de Nicolaüs. Il se tourna lentement vers un point invisible devant lui, son regard d'acier aussi implacable que les montagnes qui entouraient For'Nor. Puis, après un instant, il parla. « Alors il nous reste peu de temps. » Il se redressa de toute sa hauteur, sa voix s'élevant comme un commandement. « Messager, allez chercher les chefs de section. Rassemblez-les pour une réunion stratégique immédiate. »

Le jeune homme s'inclina brièvement avant de s'élancer hors de la pièce. Nicolaüs se tourna vers nous, son regard lourd d'attentes. « Vous avez fait ce que vous pouviez. Mais maintenant, il est temps de nous préparer pour ce qui vient. »

Peu après, dans la grande salle du quartier général, l'atmosphère était lourde, imprégnée de tension et de peur maîtrisée. Autour de la table de bois brut, marquée par les coups et les années, les chefs de section de For'Nor étaient rassemblés. Leurs visages étaient un mélange d'épuisement et de détermination. La pièce, faiblement éclairée par des torches vacillantes, semblait exhaler une gravité qui se reflétait dans chaque regard échangé. Ces hommes et ces femmes, vétérans de guerre, artisans devenus soldats, ou leaders locaux, savaient que la survie de la ville reposait sur les heures à venir.