Chapitre 52 : L'invitation

5 0 0
                                    

L'aube se leva sur For'Leona sans éclat, noyée dans un brouillard stagnant qui accrochait les toits comme une toile de cendre. Les clochers restaient muets. Ici, le matin n'apportait aucune renaissance; il n'était qu'un prolongement morne d'une nuit qui ne s'achevait jamais tout à fait.

L'air, lourd d'humidité, charriait l'odeur rance de moisissures incrustées et de pierre humide. Chaque inspiration laissait un goût de rouille dans la gorge, comme si respirer revenait à absorber les relents d'une ville gangrenée.

J'ouvris lentement les yeux. Le sommeil m'avait accueilli à contrecœur, me livrant à des rêves agités, fragmentés, où l'ombre de Styx et le visage d'Erina s'entremêlaient dans une spirale indistincte.

Le lit sous moi était dur. Les draps, rêches et imbibés d'une moiteur désagréable. Mais c'était déjà un luxe dans cet endroit, où beaucoup dormaient à même le sol, sans autre protection que les murs humides des bâtiments abandonnés.

Un poids léger contre mon flanc. Je tournai légèrement la tête.

Sylthis.

Elle dormait profondément, enroulée dans mon manteau, comme si elle tentait de disparaître dans son épaisseur. Son souffle était ténu, presque imperceptible, comme celui d'un oiseau blessé.

Ses cheveux écarlates tombaient en cascade sur son visage, le cachant presque entièrement. Sa tunique, trop fine pour l'air froid du matin, laissait entrevoir des égratignures laissées par les chaînes, marques cruelles d'un esclavage injuste.

Je restai un long moment à la contempler, à observer la manière dont elle se blottissait contre le tissu rêche, comme pour y puiser un peu de chaleur et de réconfort. Tout en l'observant, je prêtais l'oreille aux bruits qui filtraient à travers les planches disjointes de la fenêtre. La ville reprenait vie.

En contrebas, les sabots des chevaux battaient un rythme sourd contre la pierre mouillée. Les marchands, déjà affairés, hurlaient leurs prix. Mais derrière le chaos quotidien, quelque chose semblait... différent.

Une tension latente.

Des voix plus feutrées. Des mouvements plus pressés que d'ordinaire. Un silence inhabituel flottait dans les ruelles entre les cris.

Un miaulement me tira de mes pensées. Daemon, perché sur le rebord de la fenêtre, observait la rue avec une intensité inhabituelle. Sa queue battait l'air avec nervosité, ses yeux fendus réduits à deux éclats dorés et suspicieux.

« La ville est plus agitée qu'hier. »

Sa voix était calme, mais une tension discrète perçait dans son ton.

Je passai une main sur mon visage. Bien sûr qu'elle l'était. Rien ne passait inaperçu à For'Leona. Encore moins un meurtre public.

Je me levai en silence, enfilant mon manteau à peine sec. « Il faut qu'on trouve des vêtements pour Sylthis. On ne peut pas la laisser comme ça. »

Daemon tourna la tête vers moi. Puis, sans prévenir, il bondit du rebord et attrapa ma jambe avec sa mâchoire.

Je sursautai légèrement.

« Prends garde, Aëdan. Il y a quelque chose... d'étrange avec cet enfant. »

Je fronçai les sourcils. « Que veux-tu dire ? »

Il ne répondit pas tout de suite. Il lâcha ma jambe et s'assit à mes pieds, léchant distraitement sa patte avant de lever vers moi un regard plus grave.

« Elle ne devrait pas être en vie. »

Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale.

« Elle a l'air... normale. »

Le Destin d'Aëdan [Original Story]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant