Chapitre 69 : Initiation à la ferme

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L'odeur du foin sec flottait dans l'air, mêlée à celle du pain chaud et de la terre humide. Un parfum rustique, simple et réconfortant. Pour la première fois depuis des semaines—des mois, peut-être—je me réveillai sans la crainte imminente d'un combat.

Pas de cris.
Pas de fracas d'acier.
Pas d'odeur de sang brûlé.

Seulement le souffle léger du vent filtrant à travers les volets entrouverts, le grincement apaisant du bois sous son passage, et la rumeur lointaine d'une basse-cour qui s'éveillait.

Je pris une lente inspiration. Une tranquillité troublante m'enveloppait, comme si mon corps, encore engourdi, refusait de croire à cette accalmie.

C'était... paisible. Trop paisible.

Je me redressai difficilement sur le lit rustique, chaque mouvement éveillant une douleur sourde à travers mes muscles fatigués. Mes blessures tiraillaient, mais bien moins que prévu. Mon corps avait toujours guéri plus vite que la normale—un avantage qui m'avait sauvé plus d'une fois.

Dans un coin de la pièce, recroquevillée sur une chaise en bois, Sylthis dormait. Une couverture épaisse tombait en cascade sur ses épaules menues, et quelques mèches rousses s'échappaient de ses boucles, voletant doucement au rythme de sa respiration. Elle semblait paisible. Détendue. Comme si, pour la première fois depuis que nous nous connaissions, elle se permettait de relâcher sa garde.

Un bruit de pas sur le plancher interrompit mes pensées.

Je tournai la tête avec prudence.

Une silhouette massive apparut dans l'encadrement de la porte, large d'épaules, vêtue d'une chemise simple mais usée par le labeur. Une barbe poivre et sel recouvrait son menton carré, et ses yeux bruns pétillaient d'une chaleur sincère, bien différente de celle que l'on trouve sur un champ de bataille.

« Ah, enfin réveillé, le dormeur, » déclara-t-il avec un sourire en coin.

Sa voix était grave, rocailleuse, comme un homme habitué à parler fort par-dessus le vent et le tumulte du travail manuel.

Je ne répondis pas immédiatement, cherchant à comprendre à qui j'avais affaire.

« Moi, c'est George, » reprit-il en croisant les bras. « Et toi, t'es l'gosse que Styx a failli m'assommer pour qu'j'lui prête un lit. »

Évidemment.

Un rire franc s'échappa de sa gorge en voyant ma réaction.

« Repose-toi autant qu'il te faut, gamin. T'as une sale mine, mais t'es encore en un seul morceau. C'est déjà ça. »

Il me donna une tape sur l'épaule. Pour lui, c'était sûrement un simple geste amical, mais mon corps meurtri protesta violemment. Je grimaçai.

« Descends manger quand t'es prêt. Yuna a fait du pain. »

Il s'éloigna en laissant la porte entrouverte.

Je mis un moment avant d'oser me lever. Mes jambes tremblaient sous mon poids, mais je parvins à me redresser. Lentement, en m'accrochant aux meubles, je m'approchai de la fenêtre.

Ce que je vis me coupa le souffle.

Une vaste plaine dorée s'étendait à perte de vue, bordée de collines boisées qui captaient les premiers rayons du soleil. Un ruisseau serpentait à travers les champs, son eau claire miroitant sous la lumière matinale. Ici et là, des silhouettes s'affairaient, allant et venant entre les bâtisses de pierre et de bois, robustes et accueillantes. Des chevaux trottaient librement dans un enclos, leurs crinières dansant au gré du vent.

Le Destin d'Aëdan [Original Story]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant