Chocolate & Curls // IRWIN

Chapitre 27.

Orsay était retournée chez elle le vendredi. Pendant pratiquement trois jours, nous avions parlé, ri, même que nous étions parties chez Francis le jeudi, et que son chien avait failli mordre la bleutée. En bref, j'avais passé un bon moment en compagnie de ma meilleure amie et de mon voisin.
Ce weekend-ci, j'étais de nouveau seule dans mon chez-moi. Dans deux semaines, ma mère allait être de retour. Non mais pas que ça me ferait plus de compagnie car, s'étant absentée durant un mois, son retour dans la banque où elle travaillait engendrerait des jours et des jours de boulot et je devais m'attendre à ce qu'elle rentre tard à la maison. Contrairement à ce que de nombreuses personnes pouvaient penser, le fait qu'elle soit pratiquement absente ne faisait pas d'elle une mauvaise mère. En arrivant ici pour la première fois, la maison était encore neuve, l'odeur de peinture flottait pendant des mois entre ces quatre murs. De ce fait, la maison avait coûté chère à  ma mère, elle se vit prendre un crédit. Et pour éviter que les intérêts n'augmentent trop, elle travailla d'avantage, afin de rembourser la banque. Heureusement pour moi, j'avais compris bien tôt pourquoi elle n'était que très peu présente, parce que ma mère, seule, nous permettait de nous loger, de manger et de partir en vacances. Elle était bien cette p'tite dame, j'étais fière de ma mère.
Je tournai ma tête vers la fenêtre de la cuisine. Il faisait beau aujourd'hui, et très chaud. D'un côté, je n'étais pas étonnée : on était en été. Et à mesure que les jours passaient, je regrettais l'hiver. Il y avait ce moment en été où je devais abandonner mes skinny jeans pour des shorts ou jupes, et je redoutais ce moment. J'aimais juste beaucoup trop mes jeans. Je soupirai avant d'aller à ma douche, après j'irais chez Francis.

Toujours habillé de sa vieille chemise à carreaux verte et noire, le blondinet m'ouvrit la porte de chez lui, souriant. Une odeur de curry flottait dans la maison : Katy nous faisait de l'indien pour ce midi. Je pris presque par automatisme le chemin vers la chambre de mon voisin et m'assis dans sur son lit. Il rentra ensuite, les yeux rivés sur son téléphone.

"A midi on fait un Skype avec Logan, me dit-il avant de ramasser l'appareil dans sa poche arrière.

- Il ne sera pas un peu tard là-bas ? Demandai-je en essayant de calculer le décallage horaire.

- 19h, ce qui est relativement correct.

J'hochai la tête.

- Ça fait combien de temps que je ne lui ai pas parlé, hein ? Pensai-je à haute voix.

Le jeune garçon laissa sortir un petit rire.

- La dernière fois, tu avais 14 ans, sourit-il.

- Oh mon Dieu, il ne va pas me reconnaitre !

- Ne parle pas comme si tu t'étais ramassée des rides et t'avais perdu des cheveux entre.

- Non, mais j'ai gagné des cheveux en trois ans.

- Il va croire que tu es devenue le Roi Lion.

Je lui donnai une petite tape à l'épaule, faussement vexée par sa blague. En réalité, j'étais tout à fait capable de faire une remarque pareille sur ma propre chevelure. J'étais à vrai dire la première à faire des remarques pseudo-comiques sur moi-même, mais j'avais du mal à les accepter lorsqu'elles venaient d'autrui. Nous éclatâmes de rire, avant de retrouver notre sérieux.

- Il ne te manque pas beaucoup ? Lui demandai-je.

Il détourna le regard, réfléchissant. Étant fille unique, je n'avais jamais su ce que c'était de grandir avec d'autres gosses dans la famille. Mais de ce que je voyais avec mes cousins et mes voisins, les relations entre frères/sœurs étaient le parfait mélange de haine et d'amour. Ils pouvaient passer le plus claire de leur temps à se crier dessus, le jour où l'un d'entre eux s'en allait, c'était carrément la fin du monde. J'avais essayé plein de fois d'imaginer ma vie si je n'étais pas enfant unique : j'aurais été une toute autre personne. Peut-être ne serais-je pas si exigente, ennuyante et facilement confuse dans ma petite tête. Peut-être ne serais-je pas tant dépendante au chocolat noir belge. Je n'en savais rien.