Chapitre 9.

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Vendredi. Voilà un jour que j'appréciais particulièrement sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être parce que mon emploi du temps ce jour-là était plus léger que ceux des autres jours... Peut-être parce que j'étais née un vendredi, allez savoir. Quoiqu'il en soit, je fixai ma montre, attendant que la cloche ne sonne et que je puisse retourner chez moi. Ça faisait dix minutes maintenant que la salle d'art plastique était baignée dans un brouhaha sans pareil et que moi j'étais assise, mon sac sur mes genou, gribouillant tout ce qui me passait par la tête sur une feuille. Je n'estimais pas que mon talent en dessin était particulièrement remarquable mais je devais avouer que je débrouillais bien. Ce devait être le seul domaine non-académique dans lequel je m'en sortais plutôt bien, ce qui était une fierté. Je posai mon crayon lorsque je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche. Je le sortis sans vraiment être discrète sachant que Mme. Ramsingh, notre prof d'art tout droit sorti du Punjhab, était bien trop occupée à arrêter une guerre de peinture qui avait lieu tous les vendredis. Un message de ma mère, "je risque d'être bloquée au boulot ce soir aussi, désolé, je t'aime." Encore prise par son dossier en collaboration avec des Camerounais je m'étais dite. Je soupirai d'agacement un instant avant de ramasser le cellulaire là où il était. Plus que cinq minutes et je sortirais de cet enfer. Autant j'adorais les vendredis, la dernière de cours me rendais complètement folle. Je ne supportais pas le carnage provoqué par mes camarades de classe. J'étais quelqu'un de beaucoup trop calme je pense.
Lassée de dessiner, j'engouffrai et le papier, et le crayon dans mon sac à dos puis sortis deux carrés de chocolat de sa petite pochette. Je n'allais pas attendre d'être sortie de là pour en manger, de toute façon personne ne risquerais de m'appercevoir tant ils étaient tous occupés à se jeter de la peinture dessus. Je laissai le premier carré fondre sur ma langue, mes papilles gustatives bien sensibles au goût qu'avait la chose. Peu sucré, bien amer. J'adorais ça. Au tour du deuxième morceau de chocolat de se faire manger par moi. Encore le même numéro qu'avec le premier, mais je pris bien soin de savourer les moindres saveurs avec plus d'attention. Dès que le carré de chocolat fut avalé, la cloche sonna et je fus la première sortie de la classe. Il faisait gris bien que nous étions en été et que la saison de fortes pluies n'était pas pour maintenant. Mais -à mon grand malheur- il faisait vraiment humide, je le sentais. Et savez-vous ce que causait l'humidité chez les tignasses comme les miennes ? Mes cheveux frisaient. Mes cheveux qui, je dois le rappeler, consistaient à un amas de boucles brunes qui s'arrêtait au creux de ma taille. En général, ils étaient beaux (sans me vanter) mais pas quand ils étaient en milieu humide. Alors autant que je me grouille pour rentrer chez moi, en milieu sec. Je traversai le parking à moitié vide lorsque j'entendis de lointains cris...
"Mais putain Hemmings, t'aurais pu penser à passer à la station essence avant ! S'exclama ce qui me semblait être la voix d'Ashton.
- Mon frère a dû faire une virée nocturne avec sa meuf, c'est pas de ma faute !
- Du coup on fait comment pour rentrer...?
Un silence. Je les cherchai du regard, et les vis à proximité d'une voiture grise datant de 97 à en voir la plaque. Ashton venait de sortir de la voiture tandis que la portière du côté conducteur était ouverte, me laissant imaginer que Luke était dans le véhicule. Donc le blondinet avait son permis accompagné... Moi aussi je l'avais depuis le mois de juillet mais on va dire qu'il m'avait "servi" que lorsque ma mère s'était blessé à la cheville et que de ce fait elle m'avait attribué le rôle de chauffeur. Je ne m'attardai pas à les regarder encore, sous peine de perdre du temps et de retourner chez moi avec une coupe affro. Cependant, en prenant compte du temps que j'avais passé, plantée au beau milieu du parking, j'aurais dû me douter qu'un des deux m'aurait repérée.
- Birdtail ! Cria Ashton.
Presse le pas, disparais, me souffla ma conscience.
Mais mon cerveau avait bien décripté la détresse présente dans la voix du jeune homme et autant je ne l'appréciais pas, une partie de moi que je haïssais sur le moment me poussa à marcher vers lui, bien évidemment avant que je ne grogne quelques insultes.
- Oui ? fis-je, haussant les épaules.
- On... on est en panne.
- Et... ? Je retourne chez moi à pied, comptez pas sur moi pour vous aider.
- Putain... soupira-t-il.
Luke sortit de la bagnole, contemplant son ami qui passait sa main dans ses boucles.
- Trouve-nous une solution ma p'tite Connie, me supplia Luke.
Je le dévisageai, m'avait-il appelé... "ma p'tite Connie" ?
- Je ne sais pas moi ! Vous me faites perdre du temps, grognai-je.
Avais-je un caractère si peu sociable que cela ?
- Désolé, cracha-t-il, prenant un air vexé.
J'eus du mal à le prendre au sérieux. Son visage était à moitié rose, certainement s'était-il pris un coup de piceau il y a peu.
- Bon, soupirai-je. Sortez du lycée, tournez à droite, marchez jusqu'au bout de la rue, vous débaucherez sur l'autoroute. De là, vous faites un trajet de cinquante mètres vers la gauche et vous aurez une station essence et demandez deux galons d'essence, vous savez comment faire pour en mettre dans la voiture ?
- Ashton...
- Oui, je sais.
- Bien, si jamais on reffuse de vous donner de l'essence pour je ne sais quelle raison, dis-je en pointant le visage rose du blond, dites que je vous envoie.
- Toi ? Fit le bouclé, étonné.
- Oui moi. Sur ce, je ne sais pas ce que je peux faire de plus.
- C'est déjà un miracle que tu nous aides, on ne va pas trop en demander, dit Ashton avec un clin d'œil.
Un regard noir, et il s'excusa sur le champ.
- Bon, je m'en vais les gars, dis-je en sentant une gouttelette me tomber dessus.
- Au revoir Connie ! Firent-ils en cœur.
Je leur fis un signe de main et m'éloignai d'eux à pas rapide, avant que la pluie ne s'intensifie.
- Merci de ton aide Birdtail", entendis-je Ashton crier.
Pas le temps de répondre, la pluie se faisait de plus en plus abondante.

Je m'arrêtai devant cette porte qui n'était pas la mienne, essayant malgré mes vêtements mouillés et mes cheveux qui faisaient peur de paraitre présentable. Je me remémorai aussi ce que ma mère m'avait dit quand j'avais 4 ans : "alors, tu dis bonjour, tu te présentes, tu t'excuses de déranger, tu fais ce que tu as à faire puis tu dis au revoir, c'est simple non ?". Je soufflai un bon coup et sortit le paquet de mon sac. Des graines de pétunias.
J'étais devant la porte de ma voisine, sur le point de lui offrir des graines de pétunias. Hormis les comérages et ses fleurs, Chantal n'avait rien d'autre dans sa vie. Veuve et abandonnée par ses enfants. Ses pétunias étaient la seule chose qui lui semblait rester à jamais à ses côtés, il suffisait juste d'en prendre soin. Une plante n'est pas comme un humain. Un humain, que vous en prenez soin ou pas, il peut vous abandonner quand bon lui semble. Une plante, au contraire, ne vous abandonne que lorsque vous la quittez. Hier matin ma voisine était sortie avec son arrosoir dans son jardin, comme elle le faisait à son habitude mais elle n'avait rien à arroser. Dévastée, elle s'était enfermée dans sa maison.
Je tappai à la porte, attendant à ce qu'elle m'ouvre. J'entendis une clé tourner dans la serrure puis le visage de la retraitée s'offrit à mon chant de vision.
" Bonjour Chantal, je suis...
- Connie, ma voisine, me coupa-t-elle.
- Oui, je suis là pour ça.
Je lui tendis le paquet de graines et elle fronça les sourcils. Mais après avoir examiné la chose, elle me contempla, étonnée.
- Je...
- Je pensais qu'ils allaient être un p'tit peu plus chers mais ça va. Le vendeur m'a dit que ça va prendre pas mal de temps avant de pousser mais... voilà.
- Merci ma p'tite, c'est vraiment sympa.
Et pour la première fois de ma vie, je vis Chantal Benson sourire. Ça m'avait fait chaud au cœur.
- Je m'en vais, avant d'être complètement trempée, au revoir Chantal."
Et je courus jusqu'à ma maison, des goutelettes d'eau ruisselant sur mon être.

Quelle joie que de se retrouver dans des vêtements secs et d'avoir les cheveux présentables ! Je sortis de ma salle de bain et me décidai enfin à faire mon lit et à tirer mes rideaux, laissant la lumière illuminer ma sombre chambre. Je jetai un coup d'œil par la fenêtre, découvrant que la pluie avait cessé puis je l'ouvris, m'apprêtant à avoir une discution avec mon voisin, comme d'habitude. Sauf que celui-ci... me semblait être en charmante compagnie. Dans sa chambre, en train de lui faire la conversation, se tenait une brunette au visage rieur et bien jeune. Elle devait avoir 15 ans, tout comme Francis et elle me semblait adorable. Plus tard j'aurais une discussion avec le garçon au sujet de cette fille.

Un diner seule, devant les séries policières du vendredi. Cela devenait presqu'une habitude depuis quelques semaines. J'habitais seule avec ma mère, et celle-ci était ces derniers temps bloquée au boulot. Elle travaillait dur pour une promotion qu'elle attendait depuis tellement de temps... Et quand elle avait une soirée de libre, elle le passait avec James, son petit-ami. Je ne pouvais vraiment pas lui en vouloir, depuis le temps qu'elle cherchait un homme correct. Ma mère n'avait pas mon exigeance, bien au contraire. Elle agissait plus... plus par le feeling. Mais des fois son "feeling" avait tord et les échecs sentimentaux s'enchainaient. Puis un jour elle l'avait rencontré, son James. Un sympathique quarantenaire venant de Canberra et travaillant comme chef de service dans une entreprise d'informatique. Il la rendait tout simplement heureuse. Comme personne n'avait réussi à le faire depuis dix ans...
Je lavai mes couverts et mon assiette et mis le reste de risotto que notre cuisinière avait préparé dans un bol qui trouva sa place dans le réfrigirateur. M'essuyant les mains, j'observai les gouttes de pluie qui étaient revenues s'échouer dans la cour des Müller -soit la famille de Francis- et devant ma propre maison. Alors je remarquai un être sortir d'une voiture garrée en face de la maison de mon ami, courrir vers la porte de mes voisins et tapper énergiquement à la porte. La pluie le mouillait de la tête aux pieds. Il resta là, pendant cinq bonnes minutes à attendre qu'on lui ouvre la porte. Puis il recommença à tapper. Pas de réponse. Il grogna d'impatience et ce fut en entendant sa voix que je découvrit qui était cet homme.
Que faisait Bouclette dans la cour de mes voisins ?
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Yo laaads ! :) Alors c'est un vrai miracle parce que genre en trois jours j'ai écrit ce chapitre qui est le plus long jusqu'à l'heure... Donc, on découvre un peu plus la condition familiale de Connie, je ne vous ai toujours pas tout dévoiler seulement (quaaand même x)). :3 So yeah, des avis ? Merci de lire mes p'tits kiwis. ♥

Chocolate & Curls // IRWINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant