Chapitre 18.

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Cela faisait combien de temps que je ne m'étais pas réveillée à 11h un jour de semaine ? Un long moment à mon souvenir. Je sortis mes bras de sous mon drap, m'étirant avant de passer une main sur mon visage. J'avais ces rideaux qui empêchaient les rayons de soleil de pénétrer dans ma chambre, pourtant une faible lueur me tapait dans les yeux, me faisant grogner. Je me redressai finalement, saisissant mon téléphone qui était posé parmis une pile de romans sur ma table de chevet. En l'allumant, je vis que ma mère m'avait envoyé un message : "demi-journée pour moi, ce soir soirée pizza devant un film". J'haussai un sourcil. Ma mère ne rentrait jamais tôt du boulot, excepté lorsqu'elle était malade, chose plutôt rare toutefois. Mais d'un autre côté je devais pas m'en plaindre. Cela faisait plus d'un an que je n'avais pas eu l'occasion de passer un peu de temps avec celle qui m'avais mise au monde. Je ne réaliais pas tellement que cela faisait autant de temps, mais en y réfléchissant bien, c'était bien le cas.
Je sortis de mon lit après m'être tourné les pouces durant cinq minutes. Puis je me dirigeai vers ma salle de bain et manquai l'arrêt cardiaque en voyant ma chevelure dans le mirroir. Elle avait doublé de volume en une nuit mais j'essayai de lui donner une forme acceptable. Puis, je me rinçai le visage, brossai mes dents et me voilà partie pour une journée en pyjama.

A midi ma mère était retournée la maison et m'avait contemplé longuement avant de soupirer.
"A ton âge, les journées en pyjama ça ne se fait plus, m'avait-elle sorti.
- C'est écrit nul part ça. Tant que je pourrai passer mes journées en pyjama, je le ferai, lui avais-je répondu tout en mangeant ma salade.
- Je te vois bien à 40 ans en train de déambuller en pyjama devant tes gosses et ton mari.
- Je me trouverai un mari qui aime les journées en pyjama, ne t'inquiète pas."
Elle avait secoué la tête, l'air déconcertée par la personne que j'étais.
En même temps, j'étais si différente d'elle. Ma mère, depuis toute petite, était une personne très active, ne pouvant tenir en place à ne rien faire du tout, à part profiter du calme. Et suite à son divorce, son cas s'était "aggravé". Si elle n'était occupée au boulot à se construire une bonne réputation en tant qu'employée, elle trouvait toujours une sortie, une soirée ou une conférence où aller. En weekend cependant, elle se calmait un peu. Les samedis elle allait courir puis se rendait au marché, ensuite faisait les courses avant de cuisiner. Quant au dimanche, elle sortait avec son fiancé après son yoga matinale. Puis, il y avait moi. Je restais la plupart du temps dans mon lit, lisant, dessinant et m'offrant des petites siestes à toute heure de la journée. Des fois, j'écoutais Francis jouer des morceaux, lui donnant mon avis sur ce qu'il avait composé. Le mercredi et le samedi, je sortais courir. Je ne me rendais que rarement en centre-ville afin d'y manger ou faire les boutiques. Je n'avais pas changer de garde-robe depuis près d'un an, toutefois je n'avais pas tant changé entre temps. Quel genre d'adolescente étais-je ? Je n'en avais aucune idée. Et je comprenais pourquoi ma mère me regardait bizarrement assez souvent. Elle aurait pu avoir un enfant normal, mais elle était tombée sur une fille qui avait ce truc d'être exigeante et étrangement calme.

Avant que le Soleil ne disparaisse pour laisser place à une soirée qui s'annonçait tout aussi chaude que la journée, je m'étais finalement rendue à la douche. Une bonne douche glacée. Dans les jours où la chaleur reignait ainsi, toute personne normalement conçue penserait d'abord à prendre une bonne douche à tout moment de la journée. Mais moi, n'ėtant pas exactement comme les autres, je me plaisais dans mon pyjama, qui par ailleurs n'était pas si chauffant qu'il en avait l'air. A vrai dire, il se consistait d'un vieux t-shirt que le chien de Francis -Walter, un griffon blanc connu pour être extrêmement agité- avait tenté d'en faire son joujou, mais n'en résultaient que deux malheureux trous d'à peine un centimètre de diamètre, ainsi qu'un short mais selon ma chère mère, ne pas le porter ne ferait pas de différence. Néanmoins je me justifiais toujours en avançant que les shorts que je portais n'étaient pas courts, mais mes jambes étaient trop longues. Et aussi surprenant que cela pouvait sembler (ou pas), elle me croyait.
Au bout d'une dizaine de minutes, je sortis de la douche, me sentant rafraichie, chose qui fit apparaître un petit sourire sur mon visage. Et une fois habillée, et ma chambre plus ou moins rangée, je sortis de mon antre, allant dans ma cuisine. J'ouvris les quelques placards et le réfrigérateur afin de faire un inventaire de la quantité de chocolat noir belge qu'il me restait. La veille j'avais terminé le paquet qui était dans mon sac à dos et ce matin, je m'étais servie dans celui du placard "à biscuits". Soit, il me restait trois carrés dans ce placard, un paquet dans le frigo, la moitié d'un paquet dans le tirroir de ma table à chevet. J'avais de quoi tenir deux semaines si je controlais mes doses. Et là, je me rendrais à Hornsby me refaire un stock pour le mois. Je pris un verre et me servis un peu d'eau puis m'appuyai contre le plan de travail, soupirant. Je bus quelques gorgées lorsque ma mère entra dans la salle, souriant en me voyant.
"Je te cherchais Connie, dit-elle. Il faut qu'on parle.
J'haussai un sourcil, croisant les bras. La dernière fois qu'elle m'avait sorti cette phrase, c'était pour me parler de lingerie. "Tu grandi de jour en jour et je pense que tu es en âge de porter des sous-vêtements un peu plus séduisants." Je l'avais fixé pendant quelque seconde avant de la laisser en plan dans le salon et le lendemain, je m'étais réveillée avec un sac Victoria's Secret au pied de mon lit. Là, je n'avais aucune idée de ce dont elle pourrait me parler, mais la connaissant, je devais être prête à tout. Elle revint dans la cuisine, ayant remarqué que je ne la suivais pas et me regarda de manière sévère. Je roulai des yeux, la suivant finalement jusqu'à la salle à manger, où je m'installai en face d'elle.
- De quoi tu veux me parler cette fois-ci ? Demandai-je.
Elle sourit, se râclant la gorge.
- Tu es une jeune fille assez mature maintenant..., commença-t-elle.
- Je t'arrête tout de suite si tu veux me parler de ma vie sexuelle, la coupai-je.
- Non non non ! Rien à voir, on en parlera de ça quand tu me rammeneras un garçon à la maison. Non, si je te dis ça, c'est parce que j'aurais besoin de ton avis.
Je soupirai de soulagement, riant un peu avant de l'inviter d'un geste de la main à continuer.
- Avec James on a réussi à avoir un rendez-vous au bureau de l'Etat civil jeudi pour notre marriage.
- Ah enfin ! Souriai-je. A quelle heure ?
- A 14h35, j'ai essayé d'en avoir un l'après-midi afin que tu n'aies pas à te réveiller trop tôt. Parce que tu sais hein, que je veux que tu sois là ?
- T'es vraiment géniale maman, honnêtement, m'exclamai-je.
Elle rit, secouant la tête.
- Je connais tes priorités, le sommeil et le chocolat avant tout.
- Tu me connais comme si tu m'avais conçue.
Un silence. Je la regardai, elle aussi, et nous éclatâmes de rire. Ma mère était l'une des rares personnes capables d'apprécier mon humour quelque peu... merdique.
- Et donc... pour la lune de miel, on pensait à un petit tour d'Europe. Cela prendra un mois.
- L'idée est génial Maman, si vous avez le budget pour, fonçez-y ! Ne t'inquiète pas pour moi, je pourrai m'occuper de la maison durant ton absence.
- Oh pour ça, je te fais confiance ma puce, mais là n'est pas vraiment le problème.
Je fronçai les sourcils, penchant la tête.
- Par soucis de budget et de temps, c'est soit ma lune de miel, soit l'Irlande...
Je fermai les yeux et les rouvris tout en me mordant la lèvre inférieure. Je m'impatientais de quitter le pays pour rejoindre ma famille maternelle là-bas. Non pas que je n'aimais pas l'Australie, mais suite aux évènements de ces derniers temps, concernant Luke, Michael, Calum et Ashton, je  voulais prendre l'air et sortir de cette ville, au moins. Par ailleurs, ma mère n'avait jamais été aussi heureuse dans sa vie amoureuse avant maintenant, je ne pouvais pas l'empêcher de vivre un de ses rêves en compagnie de son futur mari. Je ne pouvais pas lui faire une chose pareille, ce n'était pas de mon genre et extrêmement égoïste. Après tout, elle le méritait. Si je voulais prendre l'air, je m'arrangerais pour peut-être retourner à Perth quelques jours, sinon je m'y ferais.
- Fais ta lune de miel, maman.
- Tu es sûre ?
- Hey, ça fait combien de temps que tu n'as pas été aussi heureuse dans ta vie ?
- Longtemps, répondit-elle le regard lointain.
- Alors profites-en, et amuse-toi bien avec James."
Elle tourna ses prunelles vertes vers moi et sourit. Puis elle se leva et je fis de même et je la pris dans mes bras. Je serrai ma mère fort contre moi, car cela n'arrivait pratiquement jamais. J'adorais ma mère, plus que je ne le montrais et le pensais. Nous n'avions pas cette relation fusionnelle qu'avaient certains enfants avec leurs mères, pourtant nous savions toutes deux, que sans l'une, l'autre n'était rien. Silencieusement et dans mon coin, j'avais vu cette femme se refaire une vie et son sourire se re-dessiner sur son visage. Depuis, je l'admirais chaque jour et des fois je me disais que je devrais lui montrer combien elle comptait pour moi plus souvent. Mais la manière dont notre relation se tenait actuellement suffisait.
"J'ai vraiment de la chance de t'avoir comme enfant, Connie."

Chocolate & Curls // IRWINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant