Chapitre 3

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Je branche mon casque et sors de l'immeuble. Il fait beau, pour une fois. Il ne pleut pas quoi. Il faut dire que la définition du beau temps s'est évaporée comme l'eau de pluie d'hier. Enfin, il faut bien aller travailler et apprendre de nouvelles choses, ironiquement parlant.

Sur le chemin, j'entends des cris et des rires malgré mon casque censé être insonorisant. Il devait me protéger du bruit que font les gens, ce traître. S'il faisait nuit, je ne serais pas allée voir, mais vu qu'il fait jour, je n'ai pas encore peur des esprits maléfiques pouvant être dehors. Je m'avance vers la direction des voix.

Une fille se fait insulter par d'autres personnes. Elle a la tête basse et ne dit rien. J'observe de loin, ne sachant pas si je devrais intervenir ou pas, vu que je ne connais pas le contexte. Je pourrais me dire, peut importe le contexte, une personne se faisant agresser verbalement doit être défendue ! Une autre partie de moi me dit de m'en ficher totalement, ce que je ne ferais pas. Bientôt le groupe s'en va après avoir jeté un énième déchet sur elle. Des déchets jetant des déchets, quelle ironie. Elle se baisse et jette le reste. Avant qu'elle ne parte, je lui demande d'attendre.

Je sors de ma cachette tel un chat errant et va la voir. Je me demande si c'est raisonnable, de la voir après m'être cachée comme je ne sais quoi.

« Hé, hum, ça va ? demandé-je bêtement, sachant la réponse. »

Que je suis bête.
La demoiselle me regarde en plissant des yeux. Je n'en comprends pas le sens, essaie-t-elle de communiquer ou essaie-t-elle de me faire comprendre que je dois partir en n'ayant rien vu ? Et bien, je ne lis pas le langage corporel donc je continue.

« C'est bien de penser à l'environnement, en tout cas. »

J'ai l'impression de passer pour une débile profonde. Je n'ai jamais été bonne pour réconforter les gens. Il faut toujours que je rajoute mon humour lourd, que j'aime malgré tout.

« Merci, me dit-elle enfin. »

Je n'aurais pas cru qu'elle puisse parler. Elle se retourne et s'en va vers une direction inconnue qui devrait être l'école, vraisemblablement. Ou le pont, et je préfère penser que non, ou je la rattraperais de ce pas. Elle regarde le sol en marchant. Sa démarche reste légère.
La pensée du pont et du fait qu'elle puisse se prendre un poteau me hantant, je décide de la suivre avec ma grâce introuvable. C'est vraiment cliché.

Après qu'elle se retourna au moins 4 fois pendant le trajet, on arrive donc devant le collège, mon collège. Comment se fait-il que je n'ai jamais entendu parler d'intimidation dans cette école ?

« Pourrais-tu arrêter de me suivre ? Ou alors de faire ce que tu as à faire et d'en finir ? »

Je me hâte de trouver une certaine cachette, mais réalisant que mon temps de réaction étant nul, je me décide de respirer un bon coup et de prendre la parole.

« En fait, j'allais juste au collège comme à mon habitude, tous les matins, comme tous le monde. Je ne te suivais en aucun cas, du tout, nié-je. »

Avant qu'elle ne puisse rétorquer quoi que ce soit, je vois une cannette tomber sur sa tête. Ou plutôt, une cannette lancée sur elle. Je zieute la direction de lancer et remarque un groupe d'adolescents rigolant comme des truies.

Le groupe d'adolescents typique de 14 ans fumant et buvant à 8 heures du matin, pour avoir l'haleine bien fraîche, y'a pas mieux.

« Morgan, reste pas avec cette dingue, éloigne toi ! me crie un quelconque individu sans importance, cigarette électronique à la main. »

J'aurais voulu dire tellement de choses. J'aurais voulu dévoiler ma colère, frapper un mur comme j'en ai l'habitude de faire. J'aurais voulu prendre sa cigarette et la fracasser sur sa tête creuse, histoire que ça résonne bien. J'aurais voulu faire ça, mais tout ce que j'ai pu faire a été de dire :

« Excuse-moi, on se connaît ? »

Ils se regardent un moment.

« On est dans la même classe quand même, t'es débile ou quoi ?
— Ah bon ? Je ne savais pas qu'on avait des animaux en classe. »

Je pousse mademoiselle qui est restée plantée avec sa cannette vide à la main dans le collège et rentre, abandonnant lâchement le groupe cancéreux.

« C'était nul, me dit-elle en jetant sa cannette à la poubelle.
— Merci. »

Je souffle du nez, signe de joie et de fatigue mélangés ensembles tandis qu'elle roule des yeux avec un léger sourire.
On se présente et la cloche sonne, ce qui est fort dommage. Elle se nomme Élise. Elle me présente un sourire d'au revoir, qui est plutôt agréable à regarder. Ses doux yeux marrons ne sont plus mouillés, ce qui me fait vachement plaisir.
Elle se retourne et marche la tête baissée. Ça, ça me fait moins plaisir mais je compte bien changer sa démarche, même si je vais devoir ressortir des phrases un peu nuls contre des animaux quoi. En temps normal, j'adore les animaux.

Je cherche ma salle, ayant les mains dans les poches pour les réchauffer. C'est une belle journée qui commence.

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