Et maintenant, quoi ? C'est cette question que je me pose depuis quelques jours déjà. Le brevet est passé, la fin des cours avec, et pourtant il ne reste que des questions sans réponse dans mon esprit. Je me demande si je vais vraiment au lycée du coin. Je me demande ce que je vais faire. Je me demande si je dois vraiment choisir maintenant. C'est vrai, pourquoi devrais-je choisir maintenant, alors que tout ce que je sais faire, c'est appliquer un théorème de Pythagore sur un triangle rectangle ? C'est vrai que j'aime la musique. Mais, est-ce que je veux me lancer dans la musique ? Est-ce que maman voudrait que je me lance dans la musique ? Est-ce que les gens acceptent encore des artistes venant de nul part ?
Mon téléphone vibre une, deux et trois fois avant que je ne le sorte. C'est un appel de Clara que je décroche.
« Allô ?
— Tu viens ou pas ?
— Bonjour, ça va et toi ?
— Très bien, excellent, sa majesté Morgan voudrait-elle me faire le plaisir de me dire si elle vient à la maison ce soir ?
— Attendez. »
Silence sur l'appel, seulement les bruits parasites du vent cognant sur son micro.
« Elle me dit qu'elle sera présente.
— Parfait, à ce soir.
— Elle vous dit à ce soir. »
Et elle raccroche. C'est vrai, il vaut mieux profiter avant de se demander. Mais, après cette soirée, que faire ?
Dix-neuf heure trente. Pile à l'heure je suis. Devant la porte bleue je suis et personne ne répond à mes appels. Je m'assieds par terre et attend, mais l'attente se fait longue, beaucoup trop. Si bien que je commence à avoir froid. Et puis, je la vois qui arrive. Elle a les cheveux attachés en chignon relâchés et jamais je n'avais senti autant de papillonnements dans mon intérieur, si bien que je dois inspirer un peu plus fort chaque seconde de plus où Ambre s'approche de moi.
« Ben, pourquoi t'es toute seule par terre ? me demande-t-elle.
— Je me le demande aussi, dis-je en me levant pour lui faire la bise.
— Ils répondent pas ?
— Non, je comprends pas. »
A cet instant, un « bip » étendu de la porte nous fait comprendre que nous pouvons rentrer par je ne sais quel miracle.
Tiens, l'odeur a changé depuis. Avec les révisions, je ne suis pas allée chez Nick depuis longtemps. Sûrement par la présence de Clara, c'est une odeur plus douce mais en même temps un peu fruitée maintenant. Ou alors c'est à cause des fruits à l'entrée.
« Bon, désolée d'avoir été lente, j'ai juste fait cramer quelque chose, me dit Clara en prenant nos manteaux.
— Je croyais que vous cuisiniez pas ce soir ? demandé-je.
— Alors, non. C'est vrai. »
Et elle part, emportant nos manteaux à l'étage, me laissant dans l'incompréhension totale.
« Elle a quoi ? demandé-je en me retournant vers Ambre.
— Aucune idée, dit-elle en souriant. »
Oh et puis, je suis habituée maintenant. Je rentre dans le salon afin de m'assoir et remarque Nick sur la terrasse. Je lui fais coucou de la main, mais il ne semble pas me voir étant de dos. Je me lève et toque sur la vitre. Il se retourne en sursaut, souffle de soulagement et m'ouvre le portail.
« Quoi de neuf ? demandé-je.
— Rien, je m'occupais de Collie.
— Oh, Clara l'a emmené ?
— Oui, elle s'est dit que tu voudrais le voir.
— Elle me connaît déjà si bien. »
Je rentre dans la terrasse et vois Collie courir dans le jardin, une balle dans sa gueule.
« Viens par-là toi », dis-je en lui faisant signe de venir.
Je passe plusieurs minutes à jouer avec lui avant de me rappeler qu'Alice ne ferait jamais ça. C'est dommage, mais bon, je me dis qu'elle me fournit beaucoup en support émotionnel. Au pire, j'irai chez Clara si je dois me défouler avec son chien.
« Bon, vous venez ?
— Ouais, on regarde quoi, demandé-je.
— Comme vous voulez.
— Pas de film d'horreur s'il-vous-plait, dit Ambre.
— Parfait, met celui dont on en a parlé, dit Clara avec un sourire narquois aux lèvres. »
Sur ces belles paroles, Nick sort une disquette de DVD qui fait ma foi, froid dans le dos. À peine le film commencé qu'une personne meurt déjà, super.
Vers la moitié du film, le suspens devient insoutenable. La paranoïa est bâtie lentement alors que l'héroïne avance dans un couloir lugubre. Alors que j'analyse les mouvements de caméra un peu dépassés, un cri de fait entendre de l'écran, mais aussi de ma droite. Et d'un coup, le noir complet. Ou plutôt, une lumière qui essaie de passer. Je toucher la matière qui bloque la lumière devant moi : un plaid. Je ne la vois pas, mais je sais que c'est le plaid d'Ambre sous lequel elle est réfugiée depuis le début du film. Je ne peux m'empêcher de lâcher un rire moqueur et essaie par la même occasion de sortir de la couverture. Mais quelque chose m'en empêche. J'essaie de pousser le plaid mais rien n'y fait, c'est comme s'il était cloué au canapé.
« Pourquoi ? », dis-je, un peu irritée.
Je sens alors un courant d'air frais à ma droite et comprends qu'Ambre a réussi à sortir. Pourquoi est-ce que ça me fait ça à moi ? Soudain, la pression s'écarte et en un mouvement agacé, je pousse la couverture pour, encore, me retrouver dans le noir.
« Il se passe quoi ici... »
Je pense d'abord que c'est une blague, jusqu'à que j'entende des pas pressés d'un bout à l'autre de la maison. Et soudain, une petite voix que je reconnais, rejoint par deux autres chantent à l'unisson :
« Joyeux anniversaire... »

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Inaccessible
Romance« C'est bizarre, j'ai l'impression d'être plus triste quand je pense à elle, alors que l'on dit sans arrêt que l'amour rend heureux. Cette image de l'amour que la culture populaire embellit de passion et de romance n'apporte en réalité que de la déc...