Chapitre 18

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L'odeur de produits vient me chatouiller mon odorat alors que je passe les portes automatiques de l'hôpital. Si ce n'était pas pour Ambre, je ne pense pas que je serais revenue depuis. Cela me rappelle de mauvais souvenirs. Avançant lentement, j'écoute l'écho de mes pas sur le carrelage et regarde les visiteurs assis à attendre péniblement un verdict très lent à venir. Je les plains et compatis intérieurement. Tellement absorbée par cette image de salle d'attente, je ne remarque pas le fort gaillard dans lequel je me cogne.
« Pardon... Ah. »
Que d'imprévus aujourd'hui. Devant se dresse celui qui hante mes cauchemars, Rayane. À part un bandage sur son nez, il a l'air de bien s'en sortir. Il me regarde avec des yeux n'inspirant rien de bon. Je remarque un léger plissement dans le coin de son œil. Un signe de rage interne. Il vaudrait mieux que je disparaisse de son champ de vision avant que cette zone calme rongée par l'angoisse soit victime de plus de coups et de cris.
Me retournant, je le vois partir, tout seul. Pas de visites, pas de parents, pas d'amis. C'est... triste. Il me viendrait presque l'envie de le rejoindre et lui tapoter l'épaule. Heureusement, je ne suis pas inconsciente à ce point. J'aperçois la principale en reprenant ma route. Je vois, elle lui a parlé. Elle s'arrête devant moi et roule des yeux avant de prendre la parole :
« Celui-là, il ne fait pas d'efforts. »
Constatant mon silence, elle continue :
« Je m'en vais retourner au collège, il me reste un peu de travail. Si tu veux rester, je suis sûr que ça fera plaisir à Ambre. Je justifierai ton absence d'aujourd'hui aussi. »
Madame doit prendre mon silence comme un signe d'approbation, puisqu'elle s'en va sous un pas précité. Je me demande pourquoi a-t-elle autant d'empathie à mon égard. Au moins, elle porte attention à sa fille, contrairement à ce que j'aurais pensé. Au fait, elle me tutoie. Tutoyer en temps que principale n'est pas possible, alors elle le fait bien en tant que parent ? Que dire... C'est bien, je suppose. Il est déjà dix huit heures, la faim commence à se faire sentir. Je passe à la réception, me lave les mains et me dirige vers la chambre d'Ambre. C'est en ouvrant délicatement cette porte que je la vois toujours couchée. Un sourire apparaît sur ma bouche à la vue de ses poings fermés et son visage d'ange. Je m'assieds sur le fauteuil et mets mon casque. La musique se déclenche sur ma chanson favorite, comme par magie. C'est un instant que j'aimerais revivre à chaque fois que je ne suis pas bien. Je laisse ma tête se reposer à l'arrière et me perds dans les paroles du morceau. Qu'est-ce que je ferais quand elle se lèvera ? Devrais-je lui parler ou aller voir les infirmiers ? Je suppose que j'ai envie de lui parler de tout et de rien. Juste à entendre sa voix me suffirait pour une soirée. Une légère vibration émane de mon téléphone ; c'est maman. Après avoir répondu à son message me demandant où je suis, j'enlève mon casque. Quel silence. Je me demande de quoi elle pourrait bien rêver. Relevant ma tête, j'observe, face à moi, un sourire sur l'angélique visage de celle qui vient apparement de se réveiller.
« Bonsoir, dis-je.
— Oh, c'est déjà le soir ?
— Oui, tu as beaucoup dormi. »
Elle me répond d'un bâillement. Ses cheveux sont ébouriffés et j'ai bien envie d'arranger tout cela.
« Tu es là depuis longtemps ? »
Je fais mine de compter sur mes doigts et réponds :
« Non, j'étais sortie un peu avant.
— D'accord...
— Il y avait ta mère aussi.
— Ah oui ? Ça m'étonne.
— Pourquoi donc ? rétorqué-je.
— Je pensais qu'elle était trop occupée pour venir. »
Ambre observe un peu la salle et joue avec ses mains. Elle semble perdue et désordonnée.
« Elle s'inquiétait beaucoup, je pense », dis-je en ramenant son visage vers moi. Nos regards se croisent, tandis que je me rends compte de mon geste. Il faut avouer qu'elle a des joues très douces malgré son fin visage. Son regard interrogateur, ses yeux lumineux... Doucement.
« Merci de me reparler, au fait », dis-je en essayant de faire retomber cet ambiance étrange.
« Non, je suis désolée de t'avoir évitée.
— Alors tu m'évitais bel et bien ?
— Enfin, oui et non. J'avais envie de te parler, mais... », dit-elle en baissant son visage.
« Mais ? », demandé-je en redressant sa tête sans violence. Elle me regarde, inspire et dit :
« Mais... mais je pensais que tu aurais besoin de repos. Ensuite, je ne sais pas pourquoi, mais... je n'arrivais juste pas.
— Pourquoi ?
— Tu... Tu me promets de ne pas rire ? »
J'acquiesce et la fixe intensément dans l'attente de sa réponse. Elle dit finalement, d'une voix nerveuse :
« J-J'avais... peur... ? C'est que... Qu–Quand je t'ai vu, les poings ensanglantés... Je... Je sais pas, dit-elle en marquant un temps de pause. Je n'aime pas la violence, sûrement. »
Je me laisse retomber sur le fauteuil et passe ma main sur mon visage, me cachant la lumière du plafond. Ça se reproduit... C'est comme avant... Je soupire. Qu'est-ce que je suis censée faire ? Je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à me contenir.
« Tu... Tu vas bien ? », me demande-t-elle.
Ambre... Elle me rappelle tellement... Elle lui ressemble incroyablement. C'est injuste. Pourquoi, pourquoi me faire ça ? Après tout ce temps, et en plus aujourd'hui...
« Morgan... Tu pleures... »
Ses bras m'entourent d'une douceur infinie et une chaleur imminente se pose là où elle me caresse. C'est un cadeau qu'elle me fait, un cadeau que j'aurais tellement voulu, cependant en d'autres circonstances. Pourquoi maintenant ? en ce jour, en ce moment ? Pourquoi est-ce que la vie est si pénible ?


Ouai... le brevet blanc est passé... plus besoin de réviser... ce qui veut dire... plus de temps pour écrire ! Yas !

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