Alors que le soleil commence son retrait, je me demande encore ce que j'ai fais. De mon lit, j'observe ma main. Elle est rose. J'ai l'impression qu'elle gonfle. C'est une douleur invisible que je ressens bien trop. J'essaie de resserrer cette main, en vain. Je n'y arrive pas.
Je me souviens encore de son visage.
Je frappais son nez. Le sang coulait après seulement quelques coups. Ses yeux étaient clos mais ses sourcils froncés dénonçait la haine qu'il portait intérieurement pour moi. Il avait dû abandonner physiquement. Malgré tout, je continuais, prise d'un sentiment de rage mélangé à une cuillère de plaisir et à une pincée de culpabilité. C'est alors qu'elle fut arrivée.
Elle l'a sauvé. Elle m'a sauvée. Elle m'a arrêtée de cette frénésie douteuse.
Que devient-elle ? J'aimerais le savoir. Mais je ne peux pas.
Je me rappelle de son visage. Elle n'était pas en colère. Elle n'était pas écœurée. Elle était déçue. Déçue de mon acte. Déçue de cette violence. Déçue de moi.
J'ai peur de la contacter. Je ne veux pas la décevoir davantage. Pourtant, mon sentiment de vide est toujours là. J'ai besoin d'elle. J'ai besoin de cette chaleur qu'elle a pu me fournir.
Je me souviens aussi qu'elle pleurait ce jour là. Après mon morceau. Je ne sais toujours pas pourquoi. Je comptais lui demander ce soir. Mais je me retrouve seule dans ma chambre à penser.Le soleil chatouille mes paupières violemment. J'ouvre difficilement les yeux aveuglés par les rayons flamboyants. Nous sommes samedi. Que pourrai-je faire ?
Je prends mon téléphone pour vérifier l'heure. Il est neuf heures. J'ai un message de Clara. Elle m'ordonne de sortir aux bois avec elle. J'accepte, sachant que je n'aurais rien fais de toute façon.
Cette lassitude épuisante est une masse sur tout mon corps. Est-il possible de vivre sans elle ? Non, elle fait partie de moi.
Je me traîne jusqu'à la cuisine où ma mère, toujours d'une humeur enthousiaste, m'attend.
Des questions comme « Tu as bien dormi ? » ou « Qu'est-ce que tu veux manger ? » fusent dans tous les sens. De simples banalités pourtant, mais qui me fait paraître « normale » dans un sens.
Je discutaille avec ma mère tandis qu'elle nous prépare le petit-déjeuner. Que j'aime les samedis...
Cela me ferait presque oublier ce que j'ai dû endurer hier. Mais ces pensées sont réapparues dans mon esprit.
Après m'être lamentée une énième fois sur mon sort, une alarme retentit. C'est l'heure de découvrir le monde extérieur.
Je ne m'entoure que de mon écharpe, laissant mon manteau dans une solitude semblable à la mienne. Quelle tristesse. Non, je ne suis pas matérialiste.
C'est en descendant dans la rue que je regrette ce choix. Il fait plutôt frisquet. À quoi est-ce que je m'attendais de toute façon, rien n'est en ma faveur.
Traversant l'angle de ma rue et je vois Clara, qui à ma vue crie mon nom. Je suis bien contente qu'elle soit là.
Regardant à ma droite et à ma gauche avant de traverser, je la rejoins. Elle m'accueille en m'enlaçant chaleureusement. Sa bonne odeur m'a manquée.
« Bonjour, dis-je, un peu somnolente.
— Bonjour Morgan, bien dormi ?
— Je suppose. Et toi ?
— Bien. »
Elle se retire, me laissant à découvert, mais sa simple présence me réchauffe légèrement.
Nous traversons rues et trottoirs sans un dialogue, nous nous contentons juste de profiter des retrouvailles.
Arrivées aux bois sans encombres, un banc nous accueille. Nous nous asseyons, entourées de pigeons et d'oies. Je me décide à parler et dis :
« Il s'est passé quoi hier après que tu m'aies demandé de partir ? »
Après un petit moment de réflexion, elle me répond :
« J'ai dû m'excuser au près du groupe. Ils t'on menacé de mort, alors si tu retournes au collège, fais-toi oublier.
— Oh, je suis déjà bien assez oubliée de toute façon.
— Plus maintenant, je pense que le collège en parlera énormément, surtout que tu l'as bien amoché. »
Je laisse échapper un soupir d'exaspération. Et dire que je croyais pouvoir finir l'année tranquillement sans encombres.
« Ensuite, j'ai accompagné Ambre pour rentrer. Elle n'a pas dit grand chose et n'a pas mentionné la querelle. A vrai dire, elle avait mauvaise mine. »
Je me contente d'hocher la tête en guise de réponse. Elle n'a aucunement parlé de ça. J'espère qu'elle ne m'évitera pas. Je ne sais pas trop quoi faire ni quoi dire, comme toujours.
« Mais Ambre est ton amie ? Je veux dire, si elle l'était, elle aurait fait quelque chose, non ? dit-elle.
— Je ne sais pas vraiment ce qu'on est. Je ne pourrais dire. Elle est sûrement contre la violence.
— Ah, la gaffe. »
Que faire, que faire ? Je me replie dans ma solitude à repenser comme ceci. Si Clara est là, c'est qu'elle veut qu'on en discute.
« Tu penses que je devrais faire quoi ?
— Pour Rayane ? Évite de le croiser et ne traîne pas trop. Bon je sais pas c'est pas ton genre de traîner mais on n'est jamais sûrs de rien.
— Non, je voulais savoir pour Ambre.
— Ah, Ambre. Laisse-la tranquille pendant ce week-end, et ça devrait aller.
— J'espère. »
Un petit éternuement se fait entendre. Puis deux et trois.
« Tu es allergique au pollen ?
— Oui...
— On part ?
— Oui, s'il-te-plaît. »
Je me lève et lui donne un mouchoir. Elle se mouche et je regarde un peu aux alentours. Il y a comme toujours des personnes âgées promenant leur chien, des familles, des enfants nourrissant les canards. C'est un espace tranquille, le bois. C'est la seule chose que j'apprécie dans cette banlieue.
Alors que Clara se lève, je commence à marcher. C'est en montant les marches que je crois apercevoir cette chemise bien familière à mon goût. La personne assise sur la pelouse, elle doit être...
« On y va ? demande Clara.
— Oui, pardon.
— Pourquoi tu t'excuses ?
— J'ai envie. »
Sur le chemin, mon esprit est toujours occupé par cette fille sur la pelouse. Même de dos, je la voyais observer le vide, tout comme moi.
« C'est alors que je mangeai le cactus.
— Ah, c'est cool.
— Morgan ?
— Oui ?
— Tu n'écoutes absolument pas ce que je te dis.
— Ah bon ? dis-je, levant enfin la tête du sol si pertinent.
— Oui, t'es dispersée. Je te disais que si tu veux venir dormir à la maison demain, Nick y sera.
— Pourquoi pas.
— Cool. Bon et bien à demain. »
Nous étions déjà devant chez elle sans que je ne m'en suis rendu compte. Je lui fais signe de la main avant de faire marche arrière pour retourner aux bois. Il est vrai que je suis facilement distraite.
Pourvu qu'elle soit toujours là. Je vais pouvoir savoir si c'est une fille que j'ai rencontrée dans la rue, dans un rêve, sur internet ou... C'est Élise, cette fille à la chemise bleu. Et elle fume.

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Inaccessible
Romansa« C'est bizarre, j'ai l'impression d'être plus triste quand je pense à elle, alors que l'on dit sans arrêt que l'amour rend heureux. Cette image de l'amour que la culture populaire embellit de passion et de romance n'apporte en réalité que de la déc...