Les nuages gris conquièrent le territoire du beau temps. J'aime la pluie lorsque je suis chez moi, sous ma couverture, en train de lire. J'aime la pluie quand elle se cogne contre la vitre pendant que j'essaie de dormir. J'aime la pluie, même si ça ne fait pas rire. J'aime quand mes cheveux sont mouillés par la pluie, avec un rhume certain approchant, même si je préfère la douche. J'aime quand les gouttes d'eau font la course.
Me voilà en train de penser, encore et encore. Ne suis-je destinée qu'à penser ? Voilà ce que j'en pense. Et voilà ce qu'en pense le professeur d'anglais. J'aime cette matière, mais définitivement pas ce prof. Il me communique un « wake up » avec un accent digne de, et bien digne de rien, voilà.
Je regarde autour de moi comme j'en ai l'habitude de faire. La classe, ma classe, des animaux cancéreux, des élèves lambdas, une nouvelle élève, une salle puante. Comme tous les jours, sauf pour la nouvelle.
Elle est arrivée ce matin, c'est donc la cousine de Nick. Il y a eu qu'une brève présentation, pas quelque chose d'extraordinaire quoi. Pas un phénomène, non plus. Pourtant, il y a rarement de nouveaux élèves dans cette école.
La cloche sonne, le son qui sauve tous les neurones suppliants et priants pour un miracle. Je m'apprête à me lever lorsque que mon professeur principal, d'anglais donc, m'interpelle.
« Morgan, vu que c'est la pause, tu peux faire visiter le collège à Clara ?
— Oui, bien sûr », dis-je d'un ton las.
Mais bon, Clara à l'air tout aussi lasse que moi, alors on devrait pouvoir former un club de la lassitude, qui sait ? À quoi bon faire visiter le collège, tout le monde sait ce qu'il y a. Il y a des salles, des salles sans noms, des salles sans importances, des sales histoires. Tout ce qu'il y a pour plaire.
Sur le chemin, Clara est sur son portable pendant que je parle dans le vide. Je m'efforce à être un guide et elle préfère regarder des nouvelles photos de ses stars préférés, sûrement.
« Bon, quand tu veux que tu décolles tes yeux de ce portable. »
Elle lève ses yeux, enfin, et rit faussement, ce qui m'amuse légèrement.
« Désolée, j'avais pas remarqué que tu étais là. C'est comme la voix dans les bus, elle s'active rarement et personne l'entend.
— Ah, pas mal, j'avoue.
— Merci, dit-elle en souriant. »
Et bien, elle me ressemble légèrement, c'est plutôt pas mal. Même si je plains qu'elle ait un humour semblable au mien.
« Et donc, pourquoi avoir déménagé dans cette banlieue riche et rempli de riches arrogants ? demandé-je.
— Je préfère garder ça pour moi, en fait. Il est dans mes principes de ne pas me confesser aux inconnus. »
Violent, mais vrai. Cela devait être délicat comme sujet. Que je suis maladroite.
La cloche sonne et nous allons à notre prochain cours.
Les heures passent, je pense à toutes les personnes que j'ai rencontré en moins de vingt-quatre heures ; Elise, Clara et Ambre. C'est curieux et excitant en même temps. J'apprécie le fait de découvrir de nouvelles personnes, de nouvelles personnalités, de nouveaux physiques, de nouvelles voix.
La fin des cours. Je sors comme à mon habitude en dernière. Enfin, c'est ce que je croyais jusqu'à hier, puisque apparemment, et je ne sais comment, Ambre arrive à être plus lente que moi. Elle m'aperçoit et son visage charmant aborde un sourire merveilleux, réussissant à enlever la lassitude en moi. Je lui renvois un sourire, un peu niais et sûrement ridicule, mais je m'en fiche en quelque sorte. Nous communiquons beaucoup avec des sourires et des regards. Quand je disais que je ne comprenais pas le langage corporel, son corps en est clairement une exception. Nous discutons, encore de tout et de rien avant que je me rappelle de la question.
« Je voulais savoir... Pourquoi étais-tu à l'hôpital pendant 6 mois ?
— Et bien, j'ai un corps fragile, et donc des os fragiles. Je tombe rarement mais la dernière fois, je suis tombée et mon corps n'a pas supporté. J'ai eu les jambes cassés, c'étais pas beau à voir. La rééducation a dû durer plus longtemps que prévue, ce qui fait que je suis plutôt perdue en cours.
— Et tes amis t'aident pour les cours ?
— Ils essaient, mais ils sont pas non plus très futés », dit-elle en se moquant légèrement.
Sa voix a une tonalité un peu triste. En fait, sa voix est comme à son habitude mais ce n'est que maintenant que je remarque la tonalité légèrement affligée. J'aimerais lui faire un câlin, mais j'aurais peur de la briser en deux. Je sers mes poings et me retiens. Regarder un corps aussi fragile me fait mal au coeur. Avant que ma tête implose, Ambre se retourne, voyant que j'avais arrêté de marcher et me regarde interloquée.
« Ah, tu n'aimes pas qu'on se moque des gens ? Désolé alors... me dit-elle un peu déçue.
— Non, non ce n'est pas ça. Ce n'est pas que j'aime non plus, c'est juste que je pensais à autre chose.
— Quoi donc ? »
Elle s'avance vers moi et se met sur la pointe des pieds pour se mettre à ma hauteur. Elle me fixe aisément, cela me rend mal à l'aise mais, que c'est adorable. Je regarde vers le haut et essaie de cacher mon sourire niais et naissant.
« Dis donc, tu te moques de moi là ? demande-t-elle en haussant un sourcil.
— Non, pas du tout », dis-je, en me retenant de rire.
Elle plisse des yeux et cède finalement. On continue d'avancer, elle étant devant moi. Je me demande pourquoi est-elle toujours la dernière à sortir. D'ailleurs, elle a le même emploi du temps que moi on dirait.
J'ai l'impression d'être un parent avec son enfant qui sautille partout. Finalement, on arrive devant chez elle et je suis un peu déçue de devoir la quitter. Mais bon, comme je l'ai déjà dis, toujours se dire au revoir.
« Dis, tu as qui en maths ? me demande-t-elle en ouvrant la porte de chez elle.
— Si je ne me trompe pas, ça commence par un " P " je crois...
— Monsieur Perrot ?
— Oui, sans doute.
— Tu pourras me donner tes cours, si ça te déranges pas ?
— Oui, certainement.
— Merci beaucoup. »
La vérité étant que je dessine plus que j'écris pendant les cours. Mais bon, pour elle quoi, il faut faire un effort. Je lui fais la bise, sentant au passage son parfum unique de lavande et continue mon chemin à la recherche de repos.

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Inaccessible
Romantik« C'est bizarre, j'ai l'impression d'être plus triste quand je pense à elle, alors que l'on dit sans arrêt que l'amour rend heureux. Cette image de l'amour que la culture populaire embellit de passion et de romance n'apporte en réalité que de la déc...