Raté. Le mouchoir rebondit sur le rebord de la poubelle, avant de disparaître dans les méandres de la pièce noir, avec comme faible source de lumière le rayon de soleil qui passe la fente entre les rideaux. Ma main se dirige à l'aveugle à ma gauche, puis à ma droite, pour finalement tâter une boite en carton vide. Plus de mouchoirs, moins de gaspillage. En y pensant, des frissons me parcourent tout le long des épaules, jusqu'à la tête et des larmes recommencent à couler doucement, puis plus abondamment le long de mon visage. Je crois que j'ai un coup de blues.
Je me lève avec difficulté et ouvre la porte de ma chambre. Une luminosité débordante traverse le couloir, ne me donnant pas du tout envie de sortir de ma chambre, mais il faut bien que je nourrisse Alice. « Alice. » Rien que la pensée de son nom me remouille mes yeux qui déjà me démangent. A cette période de l'année, il fallait bien que ça recommence. Et dire que je pensais que ça n'allait plus arriver, maintenant que j'étais mieux entourée. Il faut croire que les habitudes ne se changent pas. Ce n'est pas comme si je voulais que ce soit une habitude.
Dans la cuisine, je prends la nourriture en conserve d'Alice et la place dans sa gamelle. Elle y plonge sa tête et commence à déguster son met. Je me rapproche d'elle et la caresse. Avant de pleurer, encore.
Le miroir me montre un visage fatigué et démoralisé. Sous mes yeux déjà rouges et humides sont abrités des cernes qui renforcent ma mine effroyable. Je traîne mes pieds en marchant et tombe sur le lit, le poids de mes pensées avec.
Mes yeux s'ouvrent et apportent des picotements avec. Quelle heure est-il ? Il fait nuit, déjà et l'horloge affiche deux heures du matin. Une injure sort de ma bouche, avant que je me rappelle que je n'ai pas cours aujourd'hui. Je soupire ; comment me rendormir ? Déverrouillant mon portable, il commence à vibrer trois, quatre fois. Autant de messages ? Voyons voir... Clara me demandant où je suis, Nick, pareil... J'ai dû oublier quelque chose hier. Un message d'Ambre me demandant si je vais bien, à dix heures du soir. Autant lui répondre maintenant que jamais. Je me rallonge, portable à la main et ferme mes yeux. C'est la fin de l'année, et donc la fin du collège, bientôt. De toutes ces années passées à ne pas me soucier de quoi que ce soit d'autre que du passé, je me demande ce le futur me réservera. J'ai toujours voulu grandir vite, mais je me dis que je vais regretter un jour, comme tout le monde. Cette année fut mouvementée, tout de même. En quelques mois seulement, il s'est passé plus de choses qu'en trois ans et demi, j'ai l'impression. Peut-être que j'ai vraiment une vie ennuyante. A cette pensée, mon portable vibre. Sûrement une notification. Une deuxième notification pique ma curiosité et je rapporte le portable devant moi. Un message d'Ambre. Je me redresse et plisse des yeux, pour m'assurer d'avoir bien lu, et oui, j'ai bien lu, un message d'Ambre à deux heures du matin : « Tu fais une nuit blanche ? »
Je lui réponds que non, que je n'arrive pas à dormir. Sitôt envoyé, que je reçois un appel d'elle. Il faut dire que je ne refuserai pour rien au monde d'entendre sa voix quand j'en ai le plus besoin.
« Bonsoir, je te dérange pas ?
— Pas du tout, je pensais à des trucs.
— Moi aussi, j'arrive pas à dormir tellement ça me perturbe. Tu penses à quoi ? », me demande-t-elle.
J'hésite. Je ne sais pas si je dois lui en parler. Pas que je ne veuille pas, c'est juste que je n'ai pas envie de la rendre gênée. Mais je ne sais pas, j'ai l'impression que je pourrais tout lui dire, qu'elle m'écoutera, et qu'elle me consolera.
« Je... pensais à combien je me sentais seule, dans ma vie, dans ma grotte. »
Voilà. Je l'ai dit. C'est surprenant ce que la nuit peut nous faire faire. Peut-être que c'est la personne, aussi. Peut-être que c'est les deux. Peut-être que c'est parce que c'est elle, que je peux me confier.
Elle ne répond pas. Je compte les secondes qui passent dans ma tête avant d'entendre : « Tu veux sortir prendre l'air ? »
C'est vrai que je ne suis pas sortie de la journée. Je ne me souviens plus trop de ce que j'ai fait d'ailleurs, sûrement rien de productif.
« Tu peux sortir ? Tes parents dorment ?
— Ils... sont pas à la maison », dit-elle, d'une voix légèrement plus faible, prête à se briser.
Je considère un moment ce qu'elle vient de me dire avant de répondre :
« Je t'attends au parc ?
— Au parc. »
Raccrochant la première, je me lève avec une énergie nouvelle. Parler avec Ambre m'a sûrement rechargée un peu. J'enfile mon manteau, prends mes clés en essayant de faire le moins de bruit possible, et sort de chez moi. Sortir à deux heures du matin pour rencontrer quelqu'un... c'est une première.
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Inaccessible
Romance« C'est bizarre, j'ai l'impression d'être plus triste quand je pense à elle, alors que l'on dit sans arrêt que l'amour rend heureux. Cette image de l'amour que la culture populaire embellit de passion et de romance n'apporte en réalité que de la déc...