L'ennui, l'ennui et l'ennui. C'est le mot que j'utiliserai pour décrire l'école. Mais après tout, qui aime vraiment l'école ? Si je devais demander ce que les gens aiment à propos de l'école, ils me diraient « les amis » ou « le prof d'anglais », quelque chose comme ça.
Je me fais sortir de mes incessantes pensées par, tiens donc, le professeur d'anglais, quelle coïncidence. Il me dit de me concentrer. C'est ce que je fais, mais je ne me concentre pas sur votre cours, monsieur. Voilà ce que j'aurais voulu dire, mais non, à quoi bon.
Soudain, une chanson me passe par la tête, me rendant nostalgique. Mon humeur constamment changeante me fascine. On peut vraiment rien contrôler de ça. Même le dictateur de la Corée il ne pourrait pas contrôler son humeur. Et moi mon humour.
Pourquoi doit-on vivre, je me le demande, quel est le concept même de vivre ? Y'a t-il un concept, une explication à tout, après tout ? Je me le demande.
Voyant que je suis dissipée, monsieur le professeur d'anglais me libère, encore une fois, de l'emprise de mes pensées.
Ah... quel ennui.
Je me lève brusquement après avoir entendu la sonnerie, rangeant mes affaires et guettant la porte d'en face tel une lionne cherchant sa proie.
Je le vois qui sort, Nick. Il devait me parler de quelque chose d'important, il semblerait. Je me précipite pour le voir, bousculant en passant quelques chaises et camarades. Je m'excuse dans ma tête, ouvre la porte de la salle et sort enfin de cette classe sentant la transpiration d'élèves angoissés par leurs problèmes quelconques et divers.
« Nick ! crié-je, comme si je ne l'avais pas vu depuis une éternité.
— Calme, calme.
— Comment tu veux que je me calme ? Tu m'a dit qu'il fallait que l'on se parle, c'est la chose à ne pas dire, jamais ! »
Il a toujours son sourire béat sur sa tête, accentuant sa facette gentille. À y voir de plus près, il a vraiment un visage d'enfant. Enfin bref.
« Oui, donc, hum... On peut attendre après les cours ? Tu termines à quelle heure ? me demande-t-il.
— Dix-sept heures trente, je crois.
— Tu crois ?
— Je ne me souviens toujours pas de mon emploi du temps, à vrai dire...
— À tout à l'heure. »
Ah, quelle froideur. J'ai une mauvaise mémoire seulement pour les choses ne m'intéressant pas, ce n'est pas de ma faute, enfin.
Je déambule dans les couloirs, ne sachant pas quelle matière j'ai. Les élèves courent, trottinent, se précipitent, foncent. Je me demande comment ils font pour être aussi pressés. Quel est leur but ? Leurs raisons de courir ? D'agir ainsi ? Je me le demande, comme d'habitude.
Bientôt, je me mets à marcher plus rapidement après qu'un surveillant m'ait dit d'accélérer le mouvement, comme un être quelconque travaillant à la chaîne à qui on dirait de travailler plus vite. Je lui obéis sans trop broncher, à quoi bon ?
Lent, lent et lent. Voilà comment je qualifie l'école, avec un autre mot, histoire de diversifier le tout.
Cette fois-ci, je suis plus impatiente d'entendre ce que Nick a à me dire. Je griffonne quelques dessins, que je barre par la suite, insatisfaite de mon talent inexistant.
Les sonneries s'en suivent et c'est midi. Je peux enfin rentrer et manger. C'est bien la seule chose qui me réconforte lors des journées maussades comme celle-ci.
Et bien sûr, il pleut, ha ! Aujourd'hui n'est pas mon jour, vraiment.
Étant décidée à rentrer savourer la cuisine de maman, je me prépare à courir, encore une fois. Je refais mes lacets, ferme mon manteau, lorsque j'aperçois cette silhouette. Cette silhouette fine et fragile que je vis plus tôt dans la journée. Elle est là, et je vois sa tête. Ce n'est pas un visage banal, mais plutôt très charmant. D'un charmant unique en son genre. Et je ne dis pas pas d'un beau visage, car je ne pourrais définir ce qu'est beau ou pas. Son visage à elle est charmant, et donc agréable à regarder. Elle sort du collège, je ne l'avais jamais vu auparavant.
D'un mouvement lent, comme si le temps était ralenti, je lève ma main et parvient à toucher son bras. Elle s'arrête avant de se retourner vers moi. Zut, c'était un geste instinctif, je ne sais pas quoi faire après ça, moi. Je balbutie quelques onomatopées avant qu'elle prenne la parole :
« Oui ? »
Ce n'est qu'un simple oui, venant d'une personne, d'une humaine, normale. Un simple oui, pourtant, prononcé par une voix pas très aiguë ni trop grave. Un simple oui, répondant à une question gestuelle. Un simple oui, venant d'elle, provoquant en moi des frissons le long de mon cou.
Ce « oui » me fait balbutier davantage et je commence à bégayer. Flûte, flûte, que je suis misérable.
« Calme toi, ça va ? me demande-t-elle, l'air inquiet.
— O–oui, je vais bien, pourquoi donc ?
— Et bien, on dirait que tu n'arrives pas à parler », dit-elle en ricanant.
Ah, je vois, superbe première impression que je donne. Non, j'étais juste subjuguée par le fait que tu me répondes, voilà. C'est, encore une fois, ce que j'aurais voulu dire, mais je reste muette. Reprenons-nous.
« Et bien, je voulais juste te dire que tu étais très charmante, c'est tout. »
Dans cette société, les compliments naturels se font rares. Il faut toujours une raison pour en faire, c'est bien décevant.
« Merci beaucoup, tu l'es de même », dit-elle en souriant.
Et bien, je ne m'y attendais pas. Cet échange de quelques secondes me fait penser que nous avons en commun. Je me sens satisfaite de sa réponse, ne cherchant alors pas plus. Elle commence à partir, seule sous la pluie, encore une fois de plus. Cette fois-ci, je n'ai pas ce sentiment d'impuissance, bizarrement.
Allez, il faut courir maintenant, comme d'habitude.

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Inaccessible
Romance« C'est bizarre, j'ai l'impression d'être plus triste quand je pense à elle, alors que l'on dit sans arrêt que l'amour rend heureux. Cette image de l'amour que la culture populaire embellit de passion et de romance n'apporte en réalité que de la déc...